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AA ont été empruntés surtout aux domaines de la religion et de la médecine, bien que certaines idées, qui ont finalement assuré le succès de notre association, aient été tirées de nos observations sur la conduite et les besoins de l’association elle-même.

      Après trois ans d’expériences multiples pour découvrir les éléments qui pourraient le plus utilement servir de base à notre Mouvement, et au terme d’un grand nombre d’échecs dans nos tentatives pour conduire des alcooliques vers le rétablissement, trois groupes ont finalement pris corps, le premier à Akron, le deuxième à New York et le troisième à Cleveland. Et même là, il était difficile de repérer, dans l’ensemble des trois groupes, plus d’une quarantaine de rétablissements assurés.

      L’association naissante était quand même décidée à consigner son expérience dans un livre qui a finalement été publié en avril 1939. Nous comptions alors une centaine de rétablissements. Le livre portait le titre Alcoholics Anonymous, et c’est de là que l’association a tiré son nom. On y décrivait l’alcoolisme du point de vue de l’alcoolique, les principes de l’association y étaient codifiés pour la première fois sous la forme des Douze Étapes et on y précisait comment utiliser ces Étapes pour aider l’alcoolique à résoudre son problème. Le reste du livre contenait trente-trois récits ou dossiers d’alcooliques racontant eux-mêmes l’expérience de leur alcoolisme et de leur rétablissement. Ces témoignages permettaient aux lecteurs alcooliques de s’identifier et leur prouvaient que l’impossible était rendu possible. Le livre Alcoholics Anonymous est devenu le manuel de base du Mouvement et le demeure encore. Le présent ouvrage cherche à élargir et à approfondir la compréhension des Douze Étapes telles que consignées dans le premier livre.

      Avec la publication du livre Alcoholics Anonymous en 1939 s’achevait l’âge des pionniers et s’amorçait une prodigieuse réaction en chaîne, alors que les alcooliques transmettaient leur message à d’autres. Durant les quelques années qui ont suivi, les alcooliques ont afflué chez les AA par dizaines de milliers, grâce surtout à l’excellente et incessante publicité gratuite dans les revues et les journaux du monde entier. Ecclésiastiques et médecins accordaient leur appui inconditionnel au nouveau Mouvement, l’endossant sans réserve.

      Cette étonnante expansion a apporté avec elle de très graves problèmes de croissance. On avait fait la preuve qu’un alcoolique pouvait se rétablir. Mais rien n’assurait, loin de là, qu’un si grand nombre de personnes encore si instables pourraient vivre et travailler ensemble dans l’harmonie et l’efficacité.

      Partout surgissaient d’inquiétantes difficultés au sujet des conditions d’adhésion, de l’argent, des relations interpersonnelles, des relations publiques, de la gestion des groupes, des clubs, et quantité d’autres questions épineuses. C’est de cet immense accumulation d’expériences tumultueuses qu’ont pris forme les Douze Traditions des AA, publiées pour la première fois en 1946, puis ratifiées au premier Congrès international des AA tenu à Cleveland en 1950. La partie de ce livre consacrée aux Traditions illustre de façon assez détaillée l’expérience qui a finalement donné naissance aux Douze Traditions qui allaient donner au Mouvement sa forme, sa substance et son unité actuelles.

      Le Mouvement arrive maintenant à maturité et rayonne déjà dans quarante pays étrangers2. Aux yeux de ses amis, ce n’est là que le début de son rôle unique et inestimable.

      Nous espérons que ce livre donnera à tous ceux qui le liront un aperçu très net des principes et des forces qui ont fait des Alcooliques anonymes ce qu’ils sont aujourd’hui.

      (On peut entrer en contact avec le Bureau des Services généraux des AA en écrivant à l’adresse suivante :

      Alcoholics Anonymous,

       P.O. Box 459, Grand Central Station,

       New York, N.Y. 10163, USA)

      1En 2008, on évalue à plus de deux millions le nombre d’alcooliques rétablis chez les AA.

      2En 2008, le Mouvement est établi dans plus de 180 pays.

LES DOUZE ETAPES

      Première Étape

      « Nous avons admis que nous étions impuissants devant l’alcool – que nous avions perdu la maîtrise de notre vie. »

      QUI veut s’avouer totalement vaincu ? Presque personne évidemment. Tous nos instincts naturels se rebellent à l’idée de l’impuissance personnelle. Il est vraiment intolérable d’admettre que nous avons pu, le verre à la main, nous fausser l’esprit au point d’être hantés par une telle obsession destructrice de boire que seul un acte de la Providence pourrait nous en libérer.

      Aucune faillite n’est comparable à celle-là. Devenu pour nous un créancier vorace, l’alcool nous a volé toute autonomie et toute volonté de résister à ses exigences. Lorsque nous reconnaissons cette implacable réalité, c’est que notre vie est devenue une faillite totale.

      Mais une fois entrés chez les AA, nous voyons différemment cette humiliation absolue. Nous nous rendons compte que seule la défaite totale peut nous permettre de nous engager sur la voie de la liberté et de la force. L’aveu de notre impuissance se transforme en solides fondations sur lesquelles nous pouvons construire une vie heureuse et utile.

      Nous savons qu’un alcoolique gagnera bien peu à se joindre aux AA s’il n’a pas d’abord reconnu sa désastreuse faiblesse et toutes ses conséquences. À moins d’un tel acte d’humilité, sa sobriété – s’il en a – demeurera précaire. De véritable bonheur, il n’en trouvera pas du tout. Comme une vaste expérience le prouve sans l’ombre d’un doute, c’est une des réalités des AA. Le principe voulant que nous ne puissions pas trouver de force durable à moins d’admettre notre défaite totale est le germe profond qui a permis à notre Mouvement de naître et de s’épanouir.

      Devant le défi de s’avouer vaincus, la plupart d’entre nous se sont révoltés. Nous nous sommes adressés aux AA dans l’espoir d’y retrouver la confiance en nous-mêmes. Et maintenant, on nous disait que face à l’alcool, la confiance en soi ne valait absolument rien ; en fait, c’était un désavantage. Nos parrains nous ont expliqué que nous étions victimes d’une obsession si puissante et si subtile qu’aucune volonté ne pouvait la vaincre. Il est tout simplement impossible, disaient-ils, de venir à bout de cette obsession par la seule force de la volonté. Et comme pour ajouter à notre confusion, nos parrains insistaient sur notre vulnérabilité devant l’alcool : une allergie, disaient-ils. L’alcool, ce tyran, brandissait sur nous un glaive à deux tranchants : nous étions affligés non seulement d’une folle obsession qui nous condamnait à continuer de boire, mais aussi d’une allergie physique qui finirait certainement par nous détruire en même temps. Bien rares, en effet, étaient ceux qui avaient soutenu seuls ce combat et en étaient sortis vainqueurs. Les statistiques pouvaient le démontrer : les alcooliques n’arrivent presque jamais à se rétablir par eux-mêmes. Et il en est ainsi, semble-t-il, depuis que l’homme a commencé à presser le fruit de la vigne.

      Aux premiers jours du Mouvement, seuls les cas les plus désespérés acceptaient d’avaler et de digérer cette amère vérité. Même ceux qui en étaient presque à leur dernier soupir avaient souvent du mal à reconnaître à quel point ils étaient effectivement irrécupérables. Pourtant, certains l’ont fait et une fois agrippés aux principes des AA avec autant de frénésie qu’un noyé se cramponne à une bouée de sauvetage, ils se sont presque tous rétablis. C’est pour cette raison que la première édition de Alcoholics Anonymous, parue à l’époque où nous avions bien peu de membres, ne parlait que des cas extrêmes. Plusieurs alcooliques moins mal en point s’adressaient aux AA mais sans succès, parce qu’ils ne pouvaient pas faire cet aveu d’impuissance.

      Heureusement, la situation a bien changé au cours des années suivantes. Des alcooliques qui avaient encore une bonne santé, qui avaient toujours leur famille, leur emploi et même deux voitures

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