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de Betty, et allait sortir, lorsqu'il s'entendit appeler par la voix aigre de sa cousine. Betty se signa; Charles soupira et monta de suite.

      Madame Mac'Miche:—Venez lire, mauvais sujet; allons, vite, prenez votre livre.»

      Charles prit le livre, s'assit avec précaution sur le bord de sa chaise, et commença sa lecture. Mme Mac'Miche le regardait avec surprise et méfiance.

      «Il a quelque chose là-dessous, se disait-elle, quelque méchanceté qu'il prépare et qu'il dissimule sous une feinte douceur. Il n'a jamais été si docile; c'est la première fois qu'il se laisse battre sans résistance. Qu'est-ce? Je n'y comprends rien. Mais s'il continue de même, ce sera une bénédiction de lui administrer le fouet... et comme c'est le meilleur moyen d'éducation, je l'emploierai souvent... Et pourtant...»

      Charles lisait toujours pendant que sa cousine réfléchissait au lieu d'écouter; au moment où sa voix fatiguée commençait à faiblir, il fut interrompu par le juge de paix.

      «Peut-on entrer, Madame Mac'Miche? Êtes-vous visible?

      —Toujours pour vous, Monsieur le juge. Très flattée de votre visite.

      Charles, donne un fauteuil à M. le juge.»

      Charles se leva, ne put retenir un geste de douleur et un aïe! étouffé.

      «Qu'as-tu donc, mon ami? tu marches péniblement comme si tu souffrais de quelque part», lui dit le juge.

      Mme Mac'Miche devint pourpre, s'agita sur son fauteuil, et dit à Charles de se dépêcher et de s'en aller.

      Mais Charles, qui n'était pas encore passé à l'état de douceur et de charité parfaite que lui prêchait Juliette, ne fut pas fâché d'avoir l'occasion de révéler au juge les mauvais traitements de sa cousine.

      Charles:—Je crois bien, Monsieur le juge, que je souffre; ma cousine m'a tant battu avec la baguette que voilà près d'elle, que j'en suis tout meurtri.

      Madame Mac'Miche! dit le juge avec sévérité.

      Madame Mac'Miche:—Ne l'écoutez pas, Monsieur le juge, ne le croyez pas, il ment du matin au soir.

      Charles:—Vous savez bien, ma cousine, que je ne mens pas, que vous m'avez battu comme je le dis; et c'est si vrai, que Betty m'a mis un cataplasme de chandelle; voulez-vous que je vous le fasse dire par elle?

      Cette pauvre Betty en pleurait.

      —Madame Mac'Miche, reprit le juge, vous savez que les mauvais traitements sont interdits par la loi, et que vous vous exposez...

      Madame Mac'Miche:—Soyez donc tranquille, Monsieur le juge; je l'ai fouetté, c'est vrai, parce qu'il voulait mettre le feu à la maison ce matin; vous ne savez pas ce que c'est que ce garçon! Méchant, colère, menteur, paresseux, entêté; enfin, tous les vices il les a.

      Le Juge:—Ce n'est pas une raison pour le battre au point de gêner ses mouvements. Prenez garde, Madame Mac'Miche, on m'a déjà dit quelque chose là-dessus, et si les plaintes se renouvellent, je serai obligé d'y donner suite.»

      Mme Mac'Miche était vexée; Charles triomphait: ses bons sentiments s'étaient déjà évanouis, et il forma l'horrible résolution d'agacer sa cousine pour la mettre hors d'elle, se faire battre encore, et, au moyen de Betty, aposter des témoins qui iraient porter plainte au juge.

      «Je n'en serai pas plus malade, pensa-t-il, grâce aux visières de mon cousin défunt, et elle sera appelée devant le tribunal, qui la jugera et la condamnera. Si on pouvait la condamner à être fouettée à son tour, que je serais content, que je serais donc content!... Et Juliette! Que me dira-t-elle, que pensera-t-elle?... Ah bah! j'ai promis à Juliette de ne pas être insolent avec ma cousine, de ne pas lui résister, mais je n'ai pas promis de ne pas chercher à la corriger; puisque ma cousine trouve que me maltraiter c'est me corriger et me rendre meilleur, elle doit penser de même pour elle, qui est cent fois plus méchante que je ne le suis.»

       Table des matières

       Table des matières

      Charles très content de son nouveau projet, sortit sans que sa cousine osât le rappeler en présence du juge; il descendit à la cuisine, fit part à Betty de ce qu'avait dit le juge de paix et de l'idée que lui-même avait conçue.

      Betty-:—Non, Charlot, pas encore; attendons. Puisque les visières te garantiront des coups de ta cousine, tu ne pourras pas prouver que tu en portes les marques. Ils enverront un médecin pour t'examiner, et ce médecin ne trouvera rien; tu passeras pour un menteur, et ce sera encore elle qui triomphera. Attendons; je trouverai bien quelque chose pour te garantir quand les visières seront usées.»

      Charles comprit la justesse du raisonnement de Betty, mais il ne renonça pas pour cela à la douce espérance de mettre sa cousine en colère sans en souffrir lui-même.

      «Seulement, pensa-t-il, j'attendrai à demain, quand ma culotte sera doublée.»

      Il alla, suivant son habitude, chez Juliette, qui l'accueillit comme toujours avec un doux et aimable sourire.

      Juliette:—Eh bien, Charles, quelles nouvelles apportes-tu?

      Charles:—De très bonnes. A peine rentré, ma cousine m'a battu avec une telle fureur, que j'en suis tout meurtri, et que Betty m'a mis un cataplasme de chandelle.

      Juliette, interdite:—C'est cela que tu appelles de bonnes nouvelles? Pauvre Charles! Tu as donc résisté avec insolence, tu lui as dit des injures?

      Charles:—Je n'ai rien dit, je n'ai pas bougé; je l'ai laissée faire; elle m'a donné deux coups de baguette, et, voyant que je ne résistais pas, puisque je te l'avais promis, elle m'a battu comme une enragée qu'elle est.

      Juliette, les larmes aux yeux:—Mon pauvre Charles! Mais c'est affreux! Je suis désolée! Et tu as été en colère contre moi et mon conseil?

      Charles:—Contre toi, jamais! Je savais que c'était pour mon bien que tu m'avais fait promettre ça... Mais contre elle, j'étais d'une colère! oh! d'une colère! Dans ma chambre, je me suis roulé, j'ai sangloté, crié; et puis j'ai été mieux, je me suis senti content de t'avoir obéi.

      Juliette, attendrie:—Bon Charles! Comme tu serais bon si tu voulais!

      Charles:—Ça viendra, ça viendra! Donne-moi le temps. Il faut que tu me permettes de corriger ma cousine.

      Juliette:—Comment la corrigeras-tu? Cela me semble impossible!

      Charles:—Non, non; laisse-moi faire; tu verras!

      Juliette:—Que veux-tu faire, Charles? Quelque sottise, bien sûr!

      Charles:—Du tout, du tout; tu verras, je te dis; tu verras!»

      Charles ne voulut pas expliquer à Juliette quels seraient les moyens de correction qu'il emploierait; il lui promit seulement de continuer à être docile et poli; il fallut que Juliette se contentât de cette promesse. Charles resta encore quelques instants; il sortit au moment où Marianne. soeur de Juliette, rentrait de son travail.

      Marianne avait vingt-cinq ans; elle remplaçait, près de sa soeur aveugle, les parents qu'elles avaient perdus. Leur mère était morte depuis cinq ans dans la maison qu'elles habitaient; leur fortune eût été plus que suffisante pour faire mener aux deux soeurs une existence agréable, mais leurs parents avaient laissé des dettes; il fallait des années de travail et de privations pour les acquitter sans rien vendre de leur propriété. Juliette n'avait que dix ans à l'époque de la mort de leur mère; Marianne prit la courageuse résolution

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