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l'auront étranglé... ou fait sortir peut-être.

      Madame Mac'Miche:—Mon Dieu! mon Dieu! Que dis-tu là, Betty? C'est horrible! effroyable!...

      Betty:—Madame ferait peut-être prudemment de ne pas rester ici... Je n'ai jamais eu bonne opinion de cette chambre et de ce cabinet.»

      Mme Mac'Miche tourna les talons sans répondre et se réfugia dans sa chambre.

      «J'ai été obligée de mentir, se dit Betty; c'est la faute de ma maîtresse et pas la mienne, certainement; il fallait bien sauver Charles. Tiens! je crois qu'elle appelle.

      —Betty!» appela une voix faible.

      Betty entra et vit sa maîtresse terrifiée, qui lui montrait du doigt la clef placée bien en évidence sur son ouvrage.

      Betty:—Quand je disais! Madame voit bien! Qu'est-ce qui a placé cette clef sur l'ouvrage de Madame? Ce n'est certainement pas moi, puisque j'étais avec Madame!»

      L'air épanoui et triomphant de Betty fit naître des soupçons dans l'esprit méfiant de Mme Mac'Miche, qui ne pouvait comprendre qu'on n'eût pas peur des fées.

      «Vous êtes sortie d'ici après moi, dit-elle en regardant Betty fixement et sévèrement.

      Betty:—Je suivais Madame; bien certainement, je n'aurais pas passé devant Madame.

      Madame Mac'Miche:—Allez ouvrir le cabinet et amenez-moi Charles, qui mérite une punition pour n'avoir pas répondu quand je l'ai appelé.»

      Betty sortit, et, après quelques instants, rentra précipitamment en feignant une grande frayeur.

      «Madame! Madame! Charlot est tué,... étendu mort sur le plancher! Quand je disais! les fées l'ont étranglé.»

      Mme Mac'Miche se dirigea avec épouvante vers le cabinet, et aperçut en effet Charles étendu par terre sans mouvement, le visage blanc comme un marbre. Elle voulut l'approcher, le toucher; mais Charles, qui n'était pas tout à fait mort, fut pris de convulsions et détacha à sa cousine force coups de poing et coups de pied dans le visage et la poitrine.

      Betty, de son côté, fut prise d'un rire convulsif qui augmentait à chaque coup de pied que recevait la cousine et à chaque cri qu'elle poussait; la frayeur tenait Mme Mac'Miche clouée à sa place, et Charles avait beau jeu pour se laisser aller à ses mouvements désordonnés. Un coup de poing bien appliqué sur la bouche de sa cousine fit tomber ses fausses dents; avant qu'elle eût pu les saisir, et pendant qu'elle était encore baissée, Charles se roula, saisit les faux cheveux de Mme Mac'Miche, les arracha, toujours par des mouvements convulsifs, les chiffonna de ses doigts crispés, ouvrit les yeux, se roula vers Betty, et, lui saisissant les mains comme pour se relever, lui glissa les dents de sa cousine.

      «Dans sa coupe», dit-il tout bas.

      Les convulsions de Charles avaient cessé; son visage si blanc avait repris sa teinte rose accoutumée; les sourcils seuls étaient restés pâles et comme imprégnés de poudre blanche, probablement celle que les fées avaient répandue sur son visage, et que l'agitation des convulsions avait fait partir. Betty, moins heureuse que Charles, ne pouvait encore dominer son rire nerveux. Mme Mac'Miche ne savait trop que penser de cette scène; après avoir promené ses regards courroucés de Charles à la bonne, elle tira les cheveux du premier pour l'aider à se relever, et donna un coup de pied à Betty pour amener une détente nerveuse; le moyen réussit: Charles sauta sur ses pieds et s'y maintint très ferme, Betty reprit son calme et une attitude plus digne.

      Madame Mac'Miche:—Que veut dire tout cela, petit drôle?

      Charles:—Ma cousine, ce sont les fées.

      Madame Mac'Miche:—Tais-toi, insolent, mauvais garnement! Tu auras affaire à moi, avec tes f..., tu sais bien!

      Charles:—Ma cousine, je vous assure... que je suis désolé pour vos dents...

      Madame Mac'Miche:—C'est bon, rends-les-moi.

      Charles:—Je ne les ai pas, ma cousine, dit Charles en ouvrant ses mains; je n'ai rien,... et puis, pour vos cheveux...

      Madame Mac'Miche:—Tais-toi, je n'ai pas besoin de tes sottes excuses; rends-moi mes dents et mes boucles de cheveux.

      Charles:—Vrai, je ne les ai pas, ma cousine; voyez vous-même.»

      La cousine le fouilla, chercha partout, mais en vain.

      Betty:—Madame ne veut pas croire aux fées; c'est pourtant très probable que ce sont elles qui ont emporté les dents et les cheveux de Madame.

      —Sotte! dit Mme Mac'Miche en s'éloignant précipitamment. Venez lire, Monsieur! et tout de suite.»

      Charles aurait bien voulu s'esquiver, trouver un prétexte pour ne pas lire, mais la cousine le tenait par l'oreille; il fallut marcher, s'asseoir, prendre le livre et lire. Son supplice ne fut pas long, parce que le dîner fut annoncé une demi-heure après; les fées avaient donné une heure de bon temps à Charles. Les événements terribles qui venaient de se passer effacèrent du souvenir de Mme Mac'Miche la faute et la punition de Charles: elle le laissa dîner comme d'habitude.

      A peine Mme Mac'Miche eut-elle mangé deux cuillerées de potage, qu'elle s'aperçut d'un corps dur contenu dans l'assiette; croyant que c'était un os, elle chercha à le retirer et vit... ses dents! La joie de les retrouver adoucit la colère qui cherchait à se faire jour; car, malgré sa crédulité aux fées et la frayeur qu'elle en avait, elle conservait ses doutes sur le rôle que leur avaient fait jouer Betty et Charles; elle se promit d'autant plus de redoubler de surveillance et de sévérité, mais elle n'osa pas en reparler, de peur d'éveiller la colère des fées.

      Charles redemanda du bouilli.

      Madame Mac'Miche:—Ne lui en donne pas, Betty; il mange comme quatre.

      Charles:—Ma cousine, j'en ai eu un tout petit morceau, et j'ai encore bien faim.

      Madame Mac'Miche:—Quand on est pauvre, quand on est élevé par charité et qu'on n'est bon à rien, on ne mange pas comme un ogre et on ne se permet pas de redemander d'un plat. Tâchez de vous corriger de votre gourmandise, Monsieur.»

      Charles regarda Betty, qui lui fit signe de rester tranquille. Jusqu'à la fin du dîner, Mme Mac'Miche continua ses observations malveillantes et méchantes, comme c'était son habitude. Quand elle eut fini son café, elle appela Charles pour lui faire encore la lecture pendant une ou deux heures. Forcé d'obéir, il la suivit dans sa chambre, s'assit tristement et commença à lire. Au bout de dix minutes il entendit ronfler: il leva les yeux. Bonheur! la cousine dormait! Charles n'avait garde de laisser échapper une si belle occasion; il posa son livre, se leva doucement, vida le reste du café dans la tabatière de sa cousine, cacha son livre dans la boîte à thé, son ouvrage dans le foyer de la cheminée, et s'esquiva lestement sans l'avoir éveillée. Il alla rejoindre Betty, qui lui donna un supplément de dîner.

      Betty:—Ne va pas faire comme tantôt et disparaître quand ta cousine te demandera. Elle se doute de quelque chose, va; nous ne réussirons pas une autre fois. Cette clef que j'avais si adroitement posée sur son ouvrage! Ton visage enfariné, tes convulsions, les miennes; tout ça n'est pas clair pour elle.

      Charles:—Je me suis pourtant trouvé bien à propos pour rentrer à temps dans ma prison!

      Charles:—C'est égal, c'est trop fort! Elle croit bien aux fées, mais pas à ce point. Sois prudent, crois-moi.»

      Charles sortit, mais au lieu de rentrer chez sa cousine, il ouvrit comme le matin la porte du jardin et courut chez Juliette. Voilà trois fois qu'il y va; nous allons le suivre et savoir ce que c'est que Juliette.

       Table des matières

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