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Le Docteur Ox. Jules Verne
Читать онлайн.Название Le Docteur Ox
Год выпуска 0
isbn 4064066089849
Автор произведения Jules Verne
Жанр Языкознание
Издательство Bookwire
Où le bourgmestre et le conseiller vont faire une visite au docteur Ox, et ce qui s'ensuit.
Le conseiller Niklausse et le bourgmestre van Tricasse surent enfin ce que c'était qu'une nuit agitée. Le grave événement qui s'était accompli dans la maison du docteur Ox leur causa une véritable insomnie. Quelles conséquences aurait cette affaire? ils ne pouvaient l'imaginer. Y aurait-il une décision à prendre? L'autorité municipale, représentée par eux, serait-elle forcée d'intervenir? Édicterait-on des arrêtés pour qu'un pareil scandale ne se renouvelât pas?
Tous ces doutes ne pouvaient que troubler ces molles natures. Aussi, la veille, avant de se séparer, les deux notables avaient-ils «décidé» de se revoir le lendemain.
Le lendemain donc, avant le dîner, le bourgmestre van Tricasse se transporta de sa personne chez le conseiller Niklausse. Il trouva son ami plus calme. Lui-même avait repris son assiette.
«Rien de nouveau? demanda van Tricasse.
—Rien de nouveau depuis hier, répondit Niklausse.
—Et le médecin Dominique Custos?
—Je n'en ai pas plus entendu parler que de l'avocat André Schut.»
Après une heure de conversation qui tiendrait en trois lignes et qu'il est inutile de rapporter, le conseiller et le bourgmestre avaient résolu de rendre visite au docteur Ox, afin de tirer de lui quelques éclaircissements sans en avoir l'air.
Contrairement à toutes leurs habitudes, cette décision étant prise, les deux notables se mirent en devoir de l'exécuter incontinent. Ils quittèrent la maison et se dirigèrent vers l'usine du docteur Ox, située en dehors de la ville, près de la porte d'Audenarde,—précisément celle dont la tour menaçait ruine.
Le bourgmestre et le conseiller ne se donnaient pas le bras, mais ils marchaient, passibus aequis, d'un pas lent et solennel, qui ne les avançait guère que de treize pouces par seconde. C'était, d'ailleurs, l'allure ordinaire de leurs administrés, qui, de mémoire d'homme, n'avaient jamais vu personne courir à travers les rues de Quiquendone.
De temps à autre, à un carrefour calme et tranquille, au coin d'une rue paisible, les deux notables s'arrêtaient pour saluer les gens.
«Bonjour, monsieur le bourgmestre, disait l'un.
—Bonjour, mon ami, répondait van Tricasse.
—Rien de nouveau, monsieur le conseiller? demandait l'autre.
—Rien de nouveau,» répondait Niklausse.
Mais à certains airs étonnés, à certains regards interrogateurs, on pouvait deviner que l'altercation de la veille était connue dans la ville. Rien qu'à la direction suivie par van Tricasse, le plus obtus des Quiquendoniens eût deviné que le bourgmestre allait accomplir quelque grave démarche. L'affaire Custos et Schut occupait toutes les imaginations, mais on n'en était pas encore à prendre parti pour l'un ou pour l'autre. Cet avocat et ce médecin étaient, en somme, deux personnages estimés. L'avocat Schut, n'ayant jamais eu l'occasion de plaider dans une ville où les avoués et les huissiers n'existaient que pour mémoire, n'avait, par conséquent, jamais perdu de procès. Quant au médecin Custos, c'était un honorable praticien, qui, à l'exemple de ses confrères, guérissait les malades de toutes les maladies, excepté de celle dont ils mouraient. Fâcheuse habitude prise, malheureusement, par tous les membres de toutes les Facultés, en quelque pays qu'ils exercent.
En arrivant à la porte d'Audenarde, le conseiller et le bourgmestre firent prudemment un petit crochet pour ne point passer dans le «rayon de chute» de la tour, puis ils la considérèrent avec attention.
«Je crois qu'elle tombera, dit van Tricasse.
—Je le crois aussi, répondit Niklausse.
—À moins qu'on ne l'étaye, ajouta van Tricasse. Mais faut-il l'étayer? Là est la question.
—C'est en effet la question,» répondit Niklausse.
Quelques instants après, ils se présentaient à la porte de l'usine.
«Le docteur Ox est-il visible?» demandèrent-ils.
Le docteur Ox était toujours visible pour les premières autorités de la ville, et celles-ci furent aussitôt introduites dans le cabinet du célèbre physiologiste.
Peut-être les deux notables attendirent-ils une grande heure avant que le docteur parût. Du moins on est fondé à le croire, car le bourgmestre—ce qui ne lui était jamais arrivé de sa vie—montra une certaine impatience, dont son compagnon ne fut pas exempt non plus.
Le docteur Ox entra enfin et s'excusa tout d'abord d'avoir fait attendre ces messieurs; mais un plan de gazomètre à approuver, un branchement à rectifier....
D'ailleurs, tout marchait! Les conduites destinées à l'oxygène étaient déjà posées. Avant quelques mois, la ville serait dotée d'un splendide éclairage. Les deux notables pouvaient déjà voir les orifices des tuyaux qui s'épanouissaient dans le cabinet du docteur.
Puis, le docteur s'informa du motif qui lui procurait l'honneur de recevoir chez lui le bourgmestre et le conseiller.
«Mais vous voir, docteur, vous voir, répondit van Tricasse. Il y a longtemps que nous n'avions eu ce plaisir. Nous sortons peu, dans notre bonne ville de Quiquendone. Nous comptons nos pas et nos démarches. Heureux quand rien ne vient rompre l'uniformité....»
Niklausse regardait son ami. Son ami n'en avait jamais dit si long,—du moins sans prendre des temps et sans espacer ses phrases par de larges pauses. Il lui semblait que van Tricasse s'exprimait avec une certaine volubilité qui ne lui était pas ordinaire. Niklausse lui-même sentait aussi comme une irrésistible démangeaison de parler.
Quant au docteur Ox, il regardait attentivement le bourgmestre de son oeil malin.
Van Tricasse, qui ne discutait jamais qu'après s'être confortablement installé dans un bon fauteuil, s'était levé cette fois. Je ne sais quelle surexcitation nerveuse, tout à fait contraire à son tempérament, l'avait pris alors. Il ne gesticulait pas encore, mais cela ne pouvait tarder. Quant au conseiller, il se frottait les mollets et respirait à lentes et grandes gorgées. Son regard s'animait peu à peu, et il était «décidé» à soutenir quand même, s'il en était besoin, son féal et ami le bourgmestre.
Van Tricasse s'était levé, il avait fait quelques pas, puis il était revenu se placer en face du docteur.
«Et dans combien de mois, demanda-t-il d'un ton légèrement accentué, dans combien de mois dites-vous que vos travaux seront terminés?
—Dans trois ou quatre mois, monsieur le bourgmestre, répondit le docteur Ox.
—Trois ou quatre mois, c'est bien long! dit van Tricasse.
—Beaucoup trop long! ajouta Niklausse, qui, ne pouvant plus tenir en place, s'était levé aussi.
—Il nous faut ce laps de temps pour achever notre opération, répondit le docteur. Les ouvriers, que nous avons dû choisir dans la population de Quiquendone, ne sont pas très-expéditifs.
—Comment, ils ne sont pas expéditifs! s'écria le bourgmestre, qui sembla prendre ce mot comme une offense personnelle.
—Non, monsieur le bourgmestre, répondit le docteur Ox en insistant; un ouvrier français ferait en une journée le travail de dix de vos administrés; vous le savez, ce sont de purs Flamands!...
—Flamands! s'écria le conseiller Niklausse, dont les poings se crispèrent. Quel sens, monsieur, entendez-vous donner à ce mot?
—Mais