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accepte l'augure. Espérons que, dans le même temps, toute l'installation sera également terminée et que nous pourrons commencer nos essais.

      Ces présomptions devaient se réaliser, grâce à la ténacité du jeune président et à l'activité déployée par l'équipe amenée par Martin Landoux. Le 26 mars, l'aménagement fut enfin achevé, en même temps que le montage du sixième aéroplane touchait à sa fin. La Tour-Miranne put alors convoquer ses collègues et lancer ses invitations pour l'inauguration d'Aérovilla, nom qu'il avait donné au nouveau champ d'aviation.

      Le dimanche 3 avril, par un temps magnifique annonçant une belle journée de printemps, furent hissées, en tête des mâts flanquant l'entrée de l'aérodrome, les flammes tricolores et les pavillons aux couleurs du club, représentant une hélice blanche sur fond azur. Le fondateur de la Société était arrivé en automobile dès la première heure et multipliait ses ordres pour que tout fût prêt pour recevoir les hôtes attendus. Des trophées de drapeaux furent fixés au fronton des hangars, et les tables dressées sous une vaste tente de toile à proximité de la cuisine. Tout prit bientôt un air de fête et de gaîté sous un soleil radieux.

      Vers dix heures apparurent les premiers invités: Georges Damblin, Léonce Breuval le trésorier, suivis de membres du club et propriétaires des aéroplanes construits par Martin Landoux. Derrière eux arriva Outremécourt, flanqué de ses deux soeurs, puis Médouville accompagnant son cousin André Lhier et sa femme. Ce fut bientôt un flot ininterrompu d'automobiles ronronnant et cornant à qui mieux mieux. La Tour-Miranne, débordé, ne parvenait plus à serrer toutes les mains qui se tendaient vers lui. Aussi, profitant d'un moment d'accalmie, il s'empressa de s'écrier:

      —Mesdames, et vous tous mes chers amis, qui avez bien voulu par vôtre présence montrer tout l'intérêt que vous portez à notre oeuvre, je vous convie, en attendant le déjeuner qui va être servi dans quelques instants, à parcourir les aménagements du parc d'aviation de l'Aéro-tourist-club. Faisons donc, si vous le voulez bien, le tour du propriétaire.

      Suivi d'une longue théorie de curieux, le sportsman se dirigea vers les hangars. Un aéroplane fut tiré de son abri, amené sur la piste, et Martin Landoux en fit la présentation en quelques mots.

      —Ce que ne nous dit pas notre habile constructeur, s'empressa d'ajouter le marquis, c'est que cet appareil possède une quantité d'améliorations et de perfectionnements qui le rendent très supérieur à tous les aéroplanes actuels, et que ces perfectionnements, c'est à son génie inventif que nous les devons!

      Des hangars, les visiteurs se rendirent à la station météorologique dont La Tour-Miranne expliqua l'utilité puis à l'atelier et au magasin. Mais l'heure venait de gagner la tente restaurant, ornée de plantes vertes, et où la table garnie de fleurs attendait les convives.

      On s'attabla et le repas fut des plus animés, surtout au moment du dessert, où Médouville réclama un instant de silence afin de prononcer un discours dans lequel il se faisait «l'interprète de l' Aéro-tourist-club pour adresser ses plus vifs éloges à son président et le remercier de la persévérance dont il avait fait preuve dans l'organisation d'Aérovilla». A son tour, La Tour-Miranne dut se lever. Il assura qu'il était amplement payé de ses peines par l'empressement avec lequel on avait répondu à sa convocation, et, au milieu d'un tonnerre d'acclamations, il leva son verre au succès de l'Aéro-tourist-club et du Tour de France en aéroplane qu'il allait s'efforcer de mener à bonne fin.

      L'inauguration officielle d'Aérovilla était désormais un fait accompli.

      —Dès demain, ajouta le président, la piste sera à la disposition des membres du Club qui voudront s'initier au maniement de leurs appareils. Notre dévoué ingénieur, M. Landoux se tiendra, ainsi qu'il a bien voulu nous le promettre, à leur disposition pour leur donner les premières leçons de conduite.

      Les conversations particulières reprirent.

      —A propos, fit une voix, et notre ancien ami le Petit Biscuitier, Claude Réviliod, sait-on ce qu'il devient?... Il est invisible depuis quelque temps.

      La Tour-Miranne, qui causait avec animation avec sa voisine de table, Mlle Geneviève d'Outremécourt, releva la tête et prêta l'oreille à la réponse de Breuval.

      —Comment, vous ne savez pas, dit le futur agent de change, que cet adversaire fanatique de l'aéroplane se fait construire un dirigeable?...

      —Je ne l'ignore pas, répliqua celui qui avait parlé, le jeune Philibert Médrival, mais cela ne nous explique pas...

      —Je puis vous renseigner, prononça une autre voix, celle d'un autre fondateur du club, M. de l'Esclapade. J'ai appris cela chez Fruscou qui me construit mon monoplan et qui a également la commande du Réviliod n° 1. Il paraît que notre ex-camarade a fait édifier un immense hangar dans une propriété qu'il possède du côté de Triel. Le ballon, dont la capacité est de 1.500 mètres cubes, vient d'y être transporté, et on affirme qu'il comporte des perfectionnements extraordinaires, le rendant très supérieur à tout ce qui a été fait jusqu'à présent. Le montage est commencé sous la direction de Fruscou en personne, et ce yacht aérien sans pareil prendra prochainement son essor. Mais tous ces préparatifs s'effectuent dans le secret le plus rigoureux, et c'est pourquoi Réviliod, qui compte sur un succès phénoménal, n'apparaît plus à Paris.

      Le marquis avait écouté avec attention.

      —Il tient à nous fournir, décidément, la preuve de ce dont il s'est efforcé de nous convaincre, articula-t-il. Très bien, nous le verrons à l'oeuvre. Il ne nous reste plus, messieurs, qu'à faire de notre mieux si nous ne voulons pas être distancés. C'est une espèce de duel, entre l'aéronat plus léger et l'aéroplane plus lourd que l'air, qui va s'engager; nous tâcherons d'en sortir à notre honneur.

      A ce moment, Martin Landoux apparut à l'entrée de la tente et fit un signe au président. Celui-ci comprit ce muet appel et se leva, mouvement que tous les autres convives imitèrent.

      —Mes chers amis, dit-il, nous allons assister au premier vol de l'un des appareils avec lesquels nous comptons exécuter notre excursion dans le beau ciel de France. Vous aurez ainsi une idée de l'agrément de ce mode de locomotion qui deviendra, je n'en doute pas, le seul utilisé dans l'avenir pour les voyages de plaisance et les promenades.

      Les membres du club et leurs invités, suivant l'orateur, arrivèrent sur la piste où un aéroplane avait été amené. L'ancien «roi du volant» en fit sommairement la description technique, puis il se hissa à sa place de manoeuvre entre les deux surfaces de toile superposées, et saisit les leviers de commande de chaque main.

      —Attention! cria-t-il à ses aides. Lancez le moteur!...

      Un crépitement saccadé retentit. Les deux hélices horizontales disposées à droite et à gauche de l'aviateur commencèrent de tourner en même temps que les deux hélices propulsives de l'arrière et leur vitesse de rotation s'accrut rapidement, à un tel point que le regard ne pouvait distinguer les palettes en mouvement. Tout l'appareil fut secoué d'une violente trépidation.

      —Lâchez!... cria Martin Landoux.

      L'appareil, libéré, partit comme une flèche en roulant sur les trois petites roues supportant le châssis, mais il parcourut à peine cinquante mètres de cette façon, déjà les roues quittaient le sol et l'aéroplane se décollant s'élevait suivant une pente de près de quarante-cinq degrés. A une vingtaine de mètres de hauteur, l'ascension s'arrêta. Le mécanicien avait débrayé les hélices ascensives et mis toute la force du moteur sur les propulseurs. L'oiseau mécanique s'éloigna en suivant exactement le contour de la piste; sa fine silhouette s'estompa à l'horizon, puis grandit de nouveau en se rapprochant des spectateurs. A une centaine de mètres du point d'où il s'était envolé, son allure se ralentit considérablement, ses hélices ascensionnelles tourbillonnant vertigineusement, puis il vint se poser, aussi doucement

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