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pour sa bonne part au développement pris depuis vingt ans par les questions de locomotion aérienne.

      M. Maurice Fruscou avait édifié à Boulogne-sur-Seine un immense établissement où l'on fabriquait non seulement tous les organes, entrant dans la composition d'un matériel aérostatique ordinaire, mais toute la partie mécanique nécessaire aux ballons captifs et aux dirigeables: voitures-treuils pour parc d'aérostation militaire, appareils à hydrogène pour le gonflement, moteurs à vapeur et à essence, fixes et transportables, etc. Enfin un atelier venait d'être organisé pour la construction des aéroplanes, monoplans et polyplans dont les commandes affluaient.

      Après un déjeuner rapidement expédié, Claude Réviliod descendit dans la cour du petit hôtel particulier qu'il habitait avenue du Bois de Boulogne. Son auto, son chauffeur en livrée vert sombre, sur son siège, l'attendait, prête à démarrer.

      —Vite, Tiburce!... dit-il. A Boulogne, chez Fruscou, l'aéronaute.

      Le chauffeur acquiesça d'un geste muet et prit sa place au volant. Un instant après, l'auto glissait silencieusement sur le macadam de l'avenue; sa vitesse s'accélérait, et, vingt minutes plus tard, elle stoppait devant la porte principale du grand établissement civil d'aérostation.

      Le Petit Biscuitier venait à peine de franchir le seuil du vaste hangar contenant les ballons en cours de fabrication, qu'une voix tonitruante se fit entendre.

      —Tiens! cet excellent M. Réviliod!... Enchanté de vous voir, nous allons régler la question de votre dirigeable!

      —Ayant appris votre visite infructueuse ce matin, je me suis empressé d'accourir, répondit le jeune homme en secouant amicalement la main que lui tendait le célèbre aéronaute. Alors les plans sont terminés?...

      —Oui, les études sont achevées et je n'attends plus que votre ordre de mise en chantier.... Mais entrez donc, je vous prie, dans mon bureau, je reviens de suite avec les bleus.

      Maurice Fruscou s'éloigna, pendant que l'aspirant navigateur pénétrait dans la pièce indiquée. Deux minutes après, le constructeur était de retour, tenant à la main un rouleau de papiers qu'il étendit sur une table à dessin placée devant la fenêtre.

      —Voici d'abord une vue générale en élévation de votre futur yacht aérien le Réviliod n°1, fit, d'une voix dont il s'efforçait vainement d'atténuer les sonorités, le grand fournisseur des flottes aériennes françaises.

      —Le Réviliod n°1, oh! oh!... Cela me paraît bien un peu prétentieux, pour un modeste amateur qui n'a encore qu'une demi-douzaine d'ascensions à son actif, interrompit le Petit Biscuitier. Je ne m'appelle pas Santos-Dumont ou Blériot, moi!...

      —Peut-être serez-vous un jour plus célèbre qu'eux!... riposta sérieusement Fruscou. Ils ont débuté comme vous, mon cher client!... Mais enfin, le nom à donner à votre navire pourra être choisi plus tard et à votre convenance. Pour l'instant, il s'agit de déterminer ses dimensions et son aménagement.

      —Vous avez décidément adopté un cube de quinze cents mètres, je vois, reprit Réviliod penché sur le dessin et l'examinant curieusement.

      —C'est le chiffre qui convenait le mieux, étant donné que vous ne transporterez que trois personnes à votre bord, en sus de l'équipage nécessaire, et que vous voulez cependant un moteur robuste et puissant.

      —C'est en effet, une chose qui me paraît indispensable et à laquelle je tiens.

      —Eh bien! sur la force ascensionnelle totale, je peux prélever le poids d'un moteur de 70 chevaux avec son approvisionnement d'essence et d'eau pour huit heures!...

      —C'est merveilleux, et je vous en félicite, car cela nous procurera évidemment une vitesse double de celle que nous eût donné un moteur de 35 H.P.

      —Hélas non! mon cher Monsieur.

      —Comment cela?...

      —Pour doubler la vitesse de marche d'un navire, il faut, ainsi que l'expérience l'a montré, non pas doubler, mais octupler, c'est-à-dire multiplier par huit la puissance de la machine motrice, car, d'une manière générale, le travail moteur par seconde, ou la force dépensée, ce qui revient au même, est proportionnel au cube des vitesses, dans l'air comme dans l'eau.

      —Ah! diable!... Alors, nous n'irons pas beaucoup plus vite en ce cas!...

      —Je vous demande pardon. En donnant à la carène du ballon une forme générale analogue à celle de l'aéronat le France de Renard et Krebs, qui peut, encore aujourd'hui, servir de modèle et de point de départ, une puissance motrice de huit chevaux fournira une vitesse propre de six mètres environ.

      En octuplant cette puissance, nous doublerons donc la vitesse, et votre moteur de 70 chevaux vous donnera dans les environs de douze mètres par seconde, près de 44 kilomètres à l'heure en air calme.

      —On ne filera pas comme des hirondelles ou des aéroplanes, mais je ne tiens pas, après tout, à une rapidité de marche extraordinaire. Tout ce que je demande, c'est de ne pas être trop fréquemment immobilisé à terre par la force du vent.

      —Rassurez-vous à ce sujet. D'après les recherches effectuées pendant de longues années à l'établissement de Chalais-Meudon, on peut affirmer qu'un ballon dirigeable possédant une vitesse propre de douze mètres par seconde peut évoluer dans tous les sens à travers l'atmosphère 815 fois sur 1.000, c'est-à-dire plus de trois jours sur quatre, et qu'il pourrait remonter le courant aérien, avec une vitesse de deux mètres par seconde, 708 fois sur 1.000. Vous voyez donc que votre crainte est vaine et que vous ne devrez pas rester trop souvent fixé à la terre!...

      —Vous me rassurez sur ce point, mais je voudrais bien l'être également sur la question des atterrissages qui n'est pas, je l'avoue, sans me préoccuper...

      —A quel point de vue?...

      —Devrai-je faire édifier des hangars partout où je voudrai m'arrêter?... Il faudra bien des garages pour mon automobile aérienne!...

      Le grand constructeur se mit à rire.

      —N'est-ce que cela qui vous embarrasse, fit-il. Sachez donc que j'ai résolu la question. Évidemment il vous faut de toute nécessité un port d'attache, un hangar fermé où le dirigeable pourra être remisé tout gonflé. Mais, pour un voyage par escales, il suffira d'expédier, à chaque endroit fixé d'avance pour un arrêt, un matériel de campement que j'ai combiné et expérimenté avec mes aéronats militaires. Rien n'est plus simple que la mise en place de ce matériel qui permet de soustraire le ballon à l'action des rafales, et je mettrai votre équipage au courant. Il n'y aura que dans le cas relativement rare où une violente tempête éclaterait sans que vous ayez le temps de regagner votre hangar d'abri, que ce matériel se trouverait insuffisant, et alors vous dégonfleriez en quelques secondes en ouvrant le chemin de déchirure du ballon.

      —Vous vous chargez de me fournir un bon pilote et un mécanicien pour la conduite de l'aéronat?...

      —Oui, je vous donnerai un de mes élèves comme aéronaute: Jules Neffodor, et comme mécanicien un garçon très débrouillard et pour qui le moteur à pétrole n'a pas de secrets; Gellinier, tel est son nom. Vous en serez très satisfait.

      Les yeux du Petit Biscuitier s'étaient portés vers un tableau suivi de nombreux chiffres et qui occupait tout un angle du grand dessin représentant le navire aérien en question. Maurice Fruscou suivit la direction de son regard et reprit:

      —Ah! vous regardez le tableau des poids. J'ai serré la question de près comme vous pouvez le voir, et j'ai gagné plus de 200 kilos sur le total. Voyez plutôt!

      Et l'ingénieur lut les chiffres suivants:

       Aéronat Réviliod n° 1, cube 1.500 mètres, ballonnet à air 150 mètres,

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