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les archanges fendre leur chair, pour en arracher le mal. D'autres, pris d'insomnie, se retournaient, étouffaient un sanglot, regardaient l'ombre fixement. Et Pierre, frémissant de tout le mystère évoqué, éperdu et ne se retrouvant pas, dans ce milieu délirant de fraternité souffrante, finissait par détester sa raison, en communion étroite avec ces humbles, résolu à croire comme eux. À quoi bon cette enquête physiologique sur Bernadette, si compliquée, si pleine de lacunes? Pourquoi ne pas l'accepter ainsi qu'une messagère de l'au-delà, une élue de l'inconnu divin? Les médecins n'étaient que des ignorants, de mains brutales, tandis qu'il serait si doux de s'endormir dans la foi des petits enfants, aux jardins enchantés de l'impossible! Il eut enfin un délicieux moment d'abandon, ne cherchant plus à rien s'expliquer, acceptant la voyante avec son cortège somptueux de miracles, s'en remettant tout entier à Dieu pour penser et vouloir à sa place. Et il regardait au dehors par la glace, qu'on n'osait baisser, à cause des phtisiques; et il voyait la nuit immense, baignant la campagne, au travers de laquelle le train fuyait. L'orage devait avoir éclaté là, le ciel était d'une pureté nocturne admirable, comme lavé par les grandes eaux. De larges étoiles luisaient, sur ce velours sombre, éclairant seules d'une mystérieuse lueur les champs rafraîchis et muets, qui déroulaient à l'infini la noire solitude de leur sommeil. Par les landes, par les vallées, par les coteaux, le wagon de misère et de souffrance roulait, roulait toujours, surchauffé, empesté, lamentable et vagissant, au milieu de la sérénité de cette nuit auguste, si belle et si douce.

      À une heure du matin, on avait passé à Riscle. Le silence continuait, pénible, halluciné, parmi les cahots. À deux heures, à Vic de Bigorre, il y eut des plaintes sourdes: le mauvais état de la voie secouait les malades, dans une trépidation insupportable. Et ce fut seulement après Tarbes, à deux heures et demie, qu'on rompit enfin le silence et qu'on récita les prières du matin, encore en pleine nuit noire. C'était le Pater et l'Ave, c'était le Credo, c'était l'appel à Dieu, pour lui demander le bonheur d'une journée glorieuse. Ô mon Dieu! donnez-moi assez de force pour éviter tout le mal, pour pratiquer tout le bien, pour souffrir toutes les peines!

      Maintenant, on ne devait plus s'arrêter qu'à Lourdes. Encore trois quarts d'heure à peine, et Lourdes flambait, avec son immense espoir, au fond de cette nuit si cruelle et si longue. Le réveil pénible en était enfiévré, une agitation dernière montait, au milieu du malaise matinal, dans l'abominable souffrance qui recommençait.

      Mais sœur Hyacinthe, surtout, s'inquiétait de l'homme, dont elle n'avait pas cessé d'éponger la face, couverte de sueur. Il avait vécu jusque-là, elle le veillait, n'ayant pas fermé les yeux un instant, écoutant son petit souffle, avec l'entêté désir de le mener au moins jusqu'à la Grotte.

      Elle eut peur brusquement; et, s'adressant à madame de Jonquière:

      —Je vous en prie, faites-moi vite passer la bouteille de vinaigre... Je ne l'entends plus souffler.

      En effet, depuis un instant, l'homme n'avait plus son petit souffle. Ses yeux étaient toujours fermés, sa bouche, entr'ouverte; mais sa pâleur n'avait pu croître, il était froid, couleur de cendre. Et le wagon roulait avec son bruit de ferrailles secouées, la vitesse du train semblait grandir.

      —Je vais lui frotter les tempes, reprit sœur Hyacinthe. Aidez-moi.

      L'homme, tout d'un coup, à un cahot plus rude, tomba la face en avant.

      —Ah! mon Dieu! aidez-moi, ramassez-le donc!

      On le ramassa, il était mort. Et il fallut le rasseoir dans son coin, le dos contre la cloison. Il restait droit, le torse raidi, il n'avait qu'un petit balancement de la tête, à chaque secousse. Le train continuait à l'emporter, dans le même grondement de tonnerre, tandis que la locomotive, heureuse d'arriver sans doute, poussait des sifflements aigus, toute une fanfare de joie déchirante, à travers la nuit calme.

      Alors, pendant une interminable demi-heure, le voyage s'acheva, avec ce mort. Deux grosses larmes avaient roulé sur le joues de sœur Hyacinthe; puis, les mains jointes, elle s'était mise en prière. Tout le wagon frémissait, dans la terreur de ce terrible compagnon, qu'on amenait trop tard à la sainte Vierge. Mais l'espérance était plus forte que la douleur, tous les maux entassés là avaient beau se réveiller, s'accroître, s'irriter sous l'écrasante fatigue, un chant d'allégresse n'en sonnait pas moins l'entrée triomphale sur la terre du miracle. Les malades venaient d'entonner l'Ave maris stella, au milieu des pleurs que la souffrance leur arrachait, exaspérés et hurlants, dans une clameur croissante où les plaintes s'achevaient en cris d'espoir.

      Marie reprit la main de Pierre, entre ses petits doigts fiévreux.

      —Oh! mon Dieu! cet homme qui est mort, et moi qui craignais tant de mourir, avant d'arriver!... Et nous y sommes, nous y sommes enfin!

      Le prêtre tremblait d'une émotion infinie.

      —C'est que vous devez guérir, Marie, et que je guérirai moi-même, si vous priez pour moi.

      La locomotive sifflait plus violente, au fond des ténèbres bleues. On arrivait, les feux de Lourdes brillaient à l'horizon. Et tout le train chantait un cantique encore, l'histoire de Bernadette, l'infinie complainte de six dizaines de couplets, où la Salutation angélique revient sans cesse en refrain, obsédante, affolante, ouvrant le ciel de l'extase.

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