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       Émile Zola

      Lourdes

      Publié par Good Press, 2020

       [email protected]

      EAN 4064066084202

       PREMIÈRE JOURNÉE

       I

       II

       III

       IV

       V

       DEUXIÈME JOURNÉE

       I

       II

       III

       IV

       V

       TROISIÈME JOURNÉE

       I

       II

       III

       IV

       V

       QUATRIÈME JOURNÉE

       I

       II

       III

       IV

       V

       CINQUIÈME JOURNÉE

       I

       II

       III

       IV

       V

       Table des matières

       Table des matières

      Dans le train en marche, comme les pèlerins et les malades, entassés sur les dures banquettes du wagon de troisième classe, achevaient l'Ave maris stella, qu'ils venaient d'entonner au sortir de la gare d'Orléans, Marie, à demi soulevée de sa couche de misère, agitée d'une fièvre d'impatience, aperçut les fortifications.

      —Ah! les fortifications! cria-t-elle d'un ton joyeux, malgré sa souffrance. Nous voici hors de Paris, nous sommes partis enfin!

      Devant elle, son père, M. de Guersaint, sourit de sa joie; tandis que l'abbé Pierre Froment, qui la regardait avec une tendresse fraternelle, s'oublia à dire tout haut, dans sa pitié inquiète:

      —En voilà pour jusqu'à demain matin, nous ne serons à Lourdes qu'à trois heures quarante. Plus de vingt-deux heures de voyage!

      Il était cinq heures et demie, le soleil venait de se lever, radieux, dans la pureté d'une admirable matinée. C'était un vendredi, le 19 août. Mais déjà, à l'horizon, de petits nuages lourds annonçaient une terrible journée de chaleur orageuse. Et les rayons obliques enfilaient les compartiments du wagon, qu'ils emplissaient d'une poussière d'or dansante.

      Marie, retombée à son angoisse, murmura:

      —Oui, vingt-deux heures. Mon Dieu! que c'est long encore!

      Et son père l'aida à se recoucher dans l'étroite caisse, la sorte de gouttière, où elle vivait depuis sept ans. On avait consenti à prendre exceptionnellement, aux bagages, les deux paires de roues qui se démontaient et s'y adaptaient, pour la promener. Serrée entre les planches de ce cercueil roulant, elle occupait trois places de la banquette; et elle demeura un instant les paupières closes, la face amaigrie et terreuse, restée d'une délicate enfance pour ses vingt-trois ans, charmante quand même au milieu de ses merveilleux cheveux blonds, des cheveux de reine que la maladie respectait. Vêtue très simplement d'une robe de petite laine noire, elle avait, pendue au cou, la carte qui l'hospitalisait, portant son nom et son numéro d'ordre. Elle-même avait exigé cette humilité, ne voulant d'ailleurs rien coûter aux siens, peu à peu tombés à une grande gêne. Et c'était ainsi qu'elle se trouvait là, en troisième classe, dans le train blanc, le train des grands malades, le plus douloureux des quatorze trains qui se rendaient à Lourdes, ce jour-là, celui où s'entassaient, outre les cinq cents pèlerins valides, près de trois cents misérables, épuisés de faiblesse, tordus de souffrance, charriés à toute vapeur d'un bout de la France à l'autre.

      Mécontent de l'avoir attristée, Pierre continuait à la regarder, de son air de grand frère attendri. Il venait d'avoir trente ans, pâle, mince, avec un large front. Après s'être occupé des moindres détails du voyage, il avait tenu à l'accompagner, il s'était fait recevoir membre auxiliaire de l'Hospitalité de Notre-Dame de Salut; et il portait, sur sa soutane, la croix rouge, lisérée d'orange, des brancardiers. M. de Guersaint, lui, n'avait, épinglée à son veston de drap gris, que la petite croix écarlate du pèlerinage. Il paraissait ravi de voyager, les yeux au dehors, ne pouvant tenir en place sa tête d'oiseau aimable et distrait, d'aspect très jeune, bien qu'il eût dépassé la cinquantaine.

      Mais, dans le compartiment voisin, malgré la trépidation violente qui arrachait des soupirs à Marie, sœur Hyacinthe s'était levée. Elle remarqua que la jeune fille était en plein soleil.

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