Скачать книгу

Dans le caveat de M. Gray, au contraire, l'application de l'appareil à la transmission électrique de la parole est uniquement indiquée, la description du système est complète, et les dessins qui l'accompagnent sont tellement précis qu'un téléphone exécuté d'après eux pouvait parfaitement fonctionner; c'est du reste ce que M. Gray put constater lui-même quand, quelque temps après, il exécuta son appareil qui ne différait guère de celui à liquide dont parle M. Bell dans son mémoire. À ce titre, M. Elisha Gray se serait trouvé certainement mis en possession du brevet, si une omission de formes de l'office des patentes américaines, qui, comme on le sait, prononce sur la priorité des inventions dans ce pays, n'avait entraîné la déchéance de son caveat, et c'est à propos de cette omission qu'un procès a été intenté dernièrement à M. Bell, devant la Cour suprême de l'office des patentes américaines, pour faire tomber son brevet. Si M. Gray ne s'est pas occupé plus tôt de cette réclamation, c'est qu'il était alors entièrement occupé d'expérimenter son système de téléphone harmonique appliqué aux transmissions télégraphiques qu'il jugeait plus important au point de vue commercial, et que le temps lui avait complètement manqué pour donner suite à cette affaire.

       Quoi qu'il en soit, c'est seulement à partir de la prise de possession de son brevet que M. Bell commença à s'occuper sérieusement du téléphone parlant, et ses efforts ne tardèrent pas à être couronnés de succès, car peu de mois après, il exposait à Philadelphie son téléphone parlant qui excita, dès cette époque, l'attention publique au plus haut degré, et qui, perfectionné encore au point de vue pratique, nous arriva en Europe dans l'automne 1877 avec la forme que nous lui connaissons.

      Comme complément à cette histoire sommaire du téléphone, nous devons dire que, depuis sa réussite, bon nombre de réclamations de priorité ont surgi comme par enchantement. Nous voyons d'abord qu'un certain M. John Camack, Anglais d'origine, s'attribue l'invention du téléphone, se basant sur ce qu'en 1865 il aurait non-seulement fait la description de cet appareil, mais encore exécuté les dessins; il ajoute même que si les moyens ne lui avaient pas fait défaut pour le construire, le téléphone aurait été découvert dès cette époque. Une prétention semblable a été également émise par M. Dolbear, compatriote de M. Bell, et nous verrons bientôt ce qu'en dit ce dernier.

      Il en est de même d'un certain M. Manzetti, d'Aoste, qui prétend que son invention téléphonique a été décrite dans beaucoup de journaux de 1865, entre autres dans le Petit Journal, de Paris, du 22 novembre 1865, le Diretto, de Rome, du 10 juillet 1865, l'Écho d'Italie, de New-York, du 9 août 1865, l'Italie, de Florence, du 10 août 1865, la Commune d'Italie, de Gênes, du 1er décembre 1865, la Vérité, de Novarre, du 4 janvier 1866, le Commerce, de Gênes, du 6 janvier 1866. Il est vrai qu'aucune description n'a été donnée de ce système, et que les journaux en question n'ont fait qu'assurer que les expériences qui avaient été faites avaient montré que la solution pratique du problème de la transmission électrique de la parole par ce système était possible. Quoi qu'il en soit, M. Charles Bourseul aurait encore la priorité de l'idée; mais suivant nous, on ne doit ajouter qu'une médiocre confiance à toutes ces revendications faites après coup.

      Avant de nous occuper du téléphone de Bell et des diverses modifications qu'on lui a apportées, il nous a paru important, pour bien familiariser le lecteur avec ces sortes d'appareils, d'étudier les téléphones électro-musicaux qui l'ont précédé, et en particulier celui de M. Reiss, qui fut construit en 1860 et qui a été le point de départ de tous les autres. Nous verrons d'ailleurs que ces instruments ont des applications très-importantes, et la télégraphie leur devra probablement un jour de grands progrès.[Table des Matières]

       Table des matières

      Téléphone de M. Reiss.—Le téléphone de M. Reiss est fondé, quant à la reproduction des sons, sur les effets découverts par M. Page en 1837 et, pour leur transmission électrique, sur le système à membrane vibrante utilisé dès 1855 par M. L. Scott dans son phonautographe. Cet appareil se compose donc, comme les systèmes télégraphiques, de deux parties distinctes, d'un transmetteur et d'un récepteur, et nous les représentons fig. 1.

      Fig. 1.

      Le transmetteur était essentiellement constitué par une boîte sonore K, qui portait à sa partie supérieure une large ouverture circulaire à travers laquelle était tendue une membrane, et au centre de celle-ci était adapté un léger disque de platine o, au-dessus duquel était fixée une pointe métallique b, qui constituait avec le disque l'interrupteur. Sur une des faces de cette boîte sonore K, se trouvait une sorte de porte-voix T qui était destiné à recueillir les sons et à les diriger à l'intérieur de la boîte pour les faire réagir ensuite sur la membrane. Une partie de la boîte K est brisée sur la figure pour qu'on puisse distinguer les différentes parties qui la composent.

      Les tiges a, c, qui portent la pointe de platine b, sont réunies métalliquement avec une clef Morse t, placée sur le côté de la boîte K, et avec un électro-aimant A, qui appartient à un système télégraphique destiné à échanger les signaux nécessaires à la mise en action des deux appareils aux deux stations.

      Le récepteur est constitué par une caisse sonore B, portant deux chevalets d, d, sur lesquels est soutenu un fil de fer d d de la grosseur d'une aiguille à tricoter. Une bobine électro-magnétique g enveloppe ce fil et se trouve enfermée par un couvercle D, qui concentre les sons déjà amplifiés par la caisse sonore; cette caisse est même munie, à cet effet, de deux ouvertures pratiquées au-dessous de la bobine.

      Le circuit de ligne est mis en rapport avec le fil de cette bobine par les deux bornes d'attache 3 et 4, et une clef Morse t se trouve placée sur le côté de la caisse B pour l'échange des correspondances.

      Pour faire fonctionner ce système, il suffit de faire parler l'instrument dont on veut transmettre les sons devant l'ouverture T, et cet instrument peut être une flûte, un violon ou même la voix humaine. Les vibrations de l'air déterminées par ces instruments font vibrer à l'unisson la membrane téléphonique, et celle-ci, en approchant et éloignant rapidement le disque de platine o de la pointe b, fournit une série d'interruptions de courant qui se trouvent répercutées par le fil de fer d d et transformées en vibrations métalliques, dont le nombre est égal à celui des sons successivement produits.

      D'après ce mode d'action, on comprend donc qu'il soit possible de transmettre les sons avec leur valeur relative; mais l'on conçoit également que ces sons ainsi transmis n'auront pas le timbre de ceux qui leur donnent naissance, car le timbre est indépendant du nombre des vibrations, et, il faut même le dire ici, les sons produits par l'appareil de M. Reiss avaient un timbre de flûte à l'oignon qui n'avait rien de séduisant; toutefois le problème de la transmission électrique des sons musicaux était bien réellement résolu, et l'on pouvait dire en toute vérité qu'un air ou une mélodie pouvait être entendu à une distance aussi grande qu'on pouvait le désirer.

      L'invention de ce téléphone date, comme on l'a déjà vu, de l'année 1860, et le professeur Heisler en parle dans son traité de physique technique, publié à Vienne en 1866; il prétend même dans l'article qu'il lui a consacré, que, quoique dans son enfance, cet appareil était susceptible de transmettre non-seulement des sons musicaux, mais encore des mélodies chantées. Ce système fut ensuite perfectionné par M. Vander-Weyde, qui, après avoir lu la description publiée par M. Heisler, chercha à rendre la boîte de transmission de l'appareil plus sonore et les sons produits par le récepteur plus forts. Voici ce qu'il dit à ce sujet dans le Scientific american Journal:

      «Ayant fait construire en 1868 deux téléphones

Скачать книгу