Скачать книгу

      Le transmetteur correspondant à ce récepteur n'était, il est vrai, qu'une sorte de tuyau d'orgue dont l'anche agissait comme interrupteur de courant, et par conséquent il ne pouvait transmettre que des sons musicaux. Mais en 1875, M. Gray pensa à disposer un transmetteur pour les sons articulés, et le 15 février 1876, il déposa, comme nous l'avons vu, à l'office des patentes américaines un caveat dans lequel était exposé un système complet de téléphone parlant. Ce système ne fut pas, il est vrai, exécuté immédiatement, car M. Gray croyait qu'un téléphone de ce genre n'avait qu'un intérêt secondaire au point de vue commercial et télégraphique, et il attachait plus d'importance à son système de téléphone musical appliqué aux transmissions multiples; mais sa description était complète comme on peut en juger par la fig. 19 qui représente l'ensemble du système.

      Fig. 19.

       Dans ce système, le transmetteur était tout à fait semblable à celui à liquide dont M. Bell parle dans son mémoire et que nous avons décrit p. 51[11], et le récepteur ressemblait beaucoup à celui que nous avons représenté fig. 13. Pourtant, en principe, le système de M. Gray différait entièrement de celui adopté définitivement par M. G. Bell. Dans le premier, en effet, les variations d'intensité du courant nécessaires pour la production des mots articulés, étaient la conséquence de variations dans la résistance du circuit, et ces variations étaient obtenues par l'intermédiaire d'un liquide au sein duquel se mouvait, sous l'influence des vibrations d'une membrane tendue adaptée à un porte-voix, une pointe de platine mise en rapport avec une pile. Du rapprochement plus ou moins grand de cette pointe d'une électrode mise en rapport avec l'appareil récepteur, résultaient des différences de conductibilité du liquide proportionnelles aux amplitudes et aux inflexions des vibrations de la membrane, et ces différences d'intensité étaient traduites sur le récepteur par des magnétisations plus ou moins grandes d'un électro-aimant actionnant un disque de fer doux, fixé au centre d'une membrane tendue sur une sorte de résonnateur ou de cornet acoustique. Ce système appartenait donc à la catégorie des téléphones à pile que M. Edison, comme nous allons le voir à l'instant, a rendus si importants par la substitution au liquide d'un conducteur secondaire en charbon, et qui devaient plus tard donner naissance au microphone.

      Le système Bell, comme on l'a vu, bien que mettant dans l'origine à contribution une pile, ne déterminait les affaiblissements et les renforcements électriques nécessaires à l'articulation des mots, qu'au moyen de courants d'induction provoqués par les mouvements d'une armature de fer doux, courants dont l'intensité était, par conséquent, fonction de l'amplitude et des inflexions de ces mouvements. La pile n'intervenait que pour communiquer à l'inducteur une forte aimantation. Or cet emploi des courants induits dans les transmissions téléphoniques était déjà d'une grande importance, car les diverses expériences faites depuis ont montré leur supériorité sur les courants voltaïques dans cette application. Mais l'expérience lui montra bientôt que non-seulement il n'était pas besoin pour faire agir cet instrument d'un appareil d'induction puissant animé par une pile, mais qu'un aimant permanent très-faible et très-petit pouvait à lui seul fournir des courants suffisants. Cette découverte à laquelle avait contribué M. Peirce, ainsi qu'on l'a vu, était d'une extrême importance, car elle permettait de réduire considérablement les dimensions de l'appareil, elle le rendait portatif et susceptible de se prêter à la transmission et à la réception, et elle montrait que le téléphone était le plus sensible de tous les appareils révélateurs de l'action des courants. Si donc M. Bell n'a pas employé le premier les moyens efficaces pour transmettre les mots articulés, on peut dire qu'il a cherché comme M. Gray à résoudre le problème par des courants ondulatoires, et qu'il a obtenu ces courants au moyen des effets d'induction, système qui, étant perfectionné, devait conduire aux résultats importants que tout le monde connaît. N'y eût-il que la connaissance qu'il a donnée au monde étonné d'un instrument capable de reproduire télégraphiquement la parole, qu'une grande gloire lui serait acquise, car ce problème avait été regardé jusque-là comme insoluble.

      En résumé, les prétentions de M. Gray à l'invention du téléphone ont été résumées par lui de la manière suivante, dans un travail très-intéressant intitulé: Experimental researches on electro-harmonic telegraphy and telephony.

      1o J'ai trouvé le premier les moyens pratiques de transmettre à travers un circuit fermé les sons composés et d'inflexions variables par la superposition de deux ou de plusieurs ondes électriques.

      2o Je prétends avoir découvert et utilisé le premier le moyen de reproduire les vibrations par l'emploi d'un aimant récepteur constamment animé par une action électrique.

      3o Je prétends encore être le premier à avoir construit un instrument ayant un aimant avec un diaphragme circulaire en matière magnétique, soutenu par ses bords à une petite distance en face des pôles de l'aimant, et susceptible d'être appliqué à la transmission et à la réception des sons articulés.

      4o Je soutiens avoir décrit le premier le téléphone à sons articulés, et cela d'une manière assez exacte et assez complète pour qu'un téléphone exécuté d'après cette description ait pu transmettre et reproduire fidèlement la parole.[Table des Matières]

       Table des matières

      Bien que l'historique qui précède soit suffisant pour faire comprendre aux personnes initiées dans la science électrique le principe du téléphone de Bell, il pourrait bien ne pas en être de même pour la plupart des personnes auxquelles notre livre s'adresse, et nous croyons en conséquence devoir entrer dans quelques détails physiques sur l'origine des courants électriques qui sont en jeu dans les transmissions téléphoniques. Ces détails nous paraissent d'autant plus nécessaires qu'il est beaucoup de personnes qui croient encore que les téléphones de Bell ne sont pas électriques, parce qu'ils ne mettent pas une pile à contribution, et le plus souvent elles les confondent avec les téléphones à ficelle, s'étonnant de la différence de prix qui existe entre les appareils que l'on vend dans les rues et ceux que l'on vend chez les constructeurs.

      Sans définir ici ce que c'est qu'un courant électrique, ce qui serait par trop élémentaire, nous pourrons dire que les courants électriques peuvent provenir de beaucoup d'effets divers, et qu'en dehors de ceux qui résultent des piles, il en est d'aussi énergiques qui peuvent provenir d'une action exercée par des aimants sur un circuit conducteur convenablement combiné. Ces courants sont alors appelés courants d'induction, et ce sont eux qui sont en jeu dans les téléphones de Bell. Pour qu'on puisse comprendre comment ils se développent dans ces conditions, il sera nécessaire que nous examinions d'abord ce qui arrive quand, devant un circuit fermé, on avance ou l'on retire le pôle d'un aimant, et pour cela nous supposerons qu'un fil de cuivre sur lequel est interposé un galvanomètre est enroulé en cercle, et qu'on dirige vers le centre de ce cercle l'un des pôles d'un aimant permanent. Or voici ce que l'on observera:

      1o Au moment où l'on approchera l'aimant, un courant électrique prendra naissance et fera dévier le galvanomètre d'un certain côté. Cette déviation sera d'autant plus grande que le mouvement accompli sera plus étendu, et la tension de ce courant sera d'autant plus grande que le mouvement sera plus brusquement effectué. Ce courant toutefois ne sera jamais qu'instantané.

      2o Au moment où l'on éloignera l'aimant, un nouveau courant du même genre prendra naissance, mais il se manifestera en sens inverse du premier. Il sera ce que l'on appelle un courant direct, parce qu'il est de même sens que le courant magnétique de l'aimant qui lui donne naissance, tandis que l'autre courant sera dit inverse.

Скачать книгу