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par lequel ces derniers s'engageoient à leur vendre la quantité d'esclaves nécessaire à l'exploitation de leurs colonies? N'est-ce pas un des Espagnols, le plus célèbre par son humanité, Las-Casas, qui, outré de la barbarie de ses concitoyens envers les naturels du Nouveau-Monde, proposa de leur substituer des esclaves africains, ce qui fut accepté et exécuté?

      Avant de terminer nos réflexions sur la dédicace de l'évêque Grégoire, qu'il nous permette de lui témoigner notre surprise. Quels patrons a-t-il choisis! quelles autorités à citer, que des hommes dont, d'après son propre aveu, les noms ne peuvent pas être inscrits dans les fastes de la vertu! De quel oeil les gens honnêtes, dont l'opinion, dictée par le coeur (dont trop souvent l'esprit est dupe), verront-ils leurs noms inscrits sur la même ligne que ceux des * * * * dont l'existence physique et morale pourroit être regardée comme un tort de la nature et des lois? Heureux, pour quelques-uns, si leurs noms pouvoient être oubliés comme leurs ouvrages; car si, comme le dit l'évêque Grégoire, il est des auteurs qui ne valent pas leurs livres, il est aussi des livres qui ne valent pas mieux que leurs auteurs; et l'un et l'autre méritent de tomber dans le fleuve d'oubli.

       Table des matières

      Ce qu'on entend par le mot nègre. Disparité d'opinion sur leur origine. Unité du type primitif de la race humaine.

      Si nous avons admiré dans la dédicace de l'ouvrage de l'évêque Grégoire, la prodigieuse mémoire dont la nature a doué ce prélat, nous ne sommes pas moins étonnés de l'immensité des recherches qu'il lui a fallu faire, pour nous apprendre les différens noms qu'ont portés, autrefois, les nègres. «Les Grecs les appeloient Éthiopiens, et cette assertion s'appuye sur des passages de la Bible des septante, d'Hérodote, de Théophraste, de Pausanias, d'Athenée, d'Héliodore, d'Eusèbe, de Flavius-Joseph, de Pline l'ancien et de Térence. A Rome, on les appeloit Africains, mais la dénomination d'Éthiopiens leur étoit donnée en Orient, parce qu'ils y arrivoient par l'Éthiopie.» Cela nous paroît concluant; cependant l'auteur nous apprend que la dénomination d'Africain prévaut actuellement, malgré qu'il y ait des noirs asiatiques; plus loin, il nous parle de nègres pasteurs; ce seront donc des noirs, si l'on veut; des nègres, si on l'aime mieux; des Éthiopiens, si on le préfère; des Africains, selon d'autres; des maures, même, selon quelques-uns; mais l'auteur ne nous dit pas à laquelle de ces dénominations il s'est fixé; quoique cela importe fort peu pour ce qui semble être l'objet de son ouvrage, nous eussions été bien aises de le savoir, afin de ne pas nous servir de dénominations choquantes. Dans le principe de la révolution de S.-Domingue, les Africains ne vouloient plus qu'on les appelât nègres, mais noirs; ensuite ils se donnèrent entr'eux les noms de Monsieur, Madame et Mademoiselle; et ils donnoient aux blancs celui de Citoyen et Citoyenne; ils prétendoient n'être plus ni nègres ni noirs. Ils ne croyoient pas, à cette époque, que la couleur noire étoit la couleur primitive. Cependant, Sonthonax leur avoit déjà dit: «Cette couleur noire étant, selon l'auteur, le caractère le plus marqué qui sépare des blancs une partie de l'espèce humaine, on a été moins attentif aux différences de conformation, qui, entre les noirs eux-mêmes, établissent des variétés.» Il existe donc, d'après M. Grégoire, des variétés parmi les nègres? Mais, n'y auroit-il pas plus loin d'un blanc à un nègre, que d'un nègre à un autre nègre? et s'il existe plusieurs variétés dans l'espèce d'hommes, ne peut-il pas exister plusieurs espèces dans le genre? Les Asiatiques que l'auteur appelle noirs, n'ont autre chose, qui les distingue des blancs, que la couleur; tandis que les Africains qu'il nomme nègres, ont les os des joues proéminens, l'os nazal si court, qu'il est presque oblitéré, le coccis très-allongé, de la laine sur la tête, au lieu de cheveux: si, comme le pensait l'illustre Buffon, la couleur noire étoit l'effet du climat, on pourroit croire que les Asiatiques étoient originairement blancs; mais la différence de conformation dans une grande partie des Africains, ne laisse pas, selon nous, de doute, qu'ils ne soient une espèce particulière d'hommes qui diffèrent autant des Asiatiques que des Européens. Au reste, que les nègres soient une espèce, une variété, ou une race identique avec la blanche, nous les avons toujours reconnus, quoi qu'en disent les négrophiles, pour de véritables hommes, et la majeure partie de nous les traitoit en conséquence, soit par humanité, soit par intérêt; car, quand nous les eussions mis au rang des bêtes de somme, peu d'hommes sont assez insensés pour acheter des boeufs ou des chevaux, et ne pas les nourrir, les assommer du matin au soir, et les faire mettre tout vivans dans un four; ces sortes de fantaisies coûtent trop cher. Mais cette digression nous éloigne de notre sujet, et nous attendons avec impatience les chefs-d'oeuvres de littérature que l'évêque Grégoire nous a annoncés, qui doivent prouver, sans réplique, que l'on ne doit pas juger des facultés intellectuelles d'un homme par sa couleur, ni par sa conformation. Il y auroit, comme le dit l'auteur, de quoi rire. Cependant, que ferons-nous de la doctrine du docteur Gall, qu'il cite avec vénération? Ce docteur fameux, ne nous a-t-il pas démontré que chaque faculté intellectuelle avoit sa bosse particulière (ch. I, p. 6,)? «Le caractère spécifique des peuples est permanent, tant que ce peuple est isolé, il s'affoiblit et disparoît par le mélange; cela est incontestable.» Ici, l'auteur paroît avoir oublié qu'il n'admettoit pas d'espèce dans le genre homme: c'est donc le caractère national, et non le spécifique qui change; il dit, un peu plus bas, très-éloquemment, «que les caractères nationaux sont presque méconnoissables au physique et au moral, depuis que les peuples de notre continent sont transvasés les uns dans les autres.» L'expression de transvaser est riche, elle n'est cependant pas neuve. Nous nous rappelons que, dans notre enfance, qui, pour plusieurs de nous, date de très-loin, nos bonnes nous disoient que si l'on pouvoit faire une bouteille assez grande, on pourroit y transvaser Paris; si cela arrivoit, et qu'avec les Parisiens on transvasât tous les étrangers que les conquêtes de la France amènent à Paris, des Italiens, des Espagnols, des Portugais, des Allemands, des Russes, des Autrichiens, il n'y a pas de doute que la physionomie nationale ne changeât; les Parisiens moins François tiendroient un peu de l'Allemand, un peu de l'Espagnol, un peu de l'Italien, un peu du Portugais, un peu de l'Autrichien, un peu du Russe. Oh, pour le coup, il y auroit de quoi rire de la bigarure des caractères physionomiques! Les cheveux plats des Espagnols, le teint jaune des Portugais, les grands nez à la romaine des Italiens, l'air sérieux des Allemands; quels charmans composés que ces minois gallo, hispanico, lusitanico, italico germaniques! Que les Chinois sont sages! ils n'ont jamais voulu laisser transvaser aucun peuple étranger dans leur bouteille nationale! aussi ont-ils conservé sans altération leurs grands fronts majestueux, leurs petits yeux ovales, enfin tous leurs traits physionomiques primitifs; et ce qu'il y a de plus précieux, leurs lois et leurs moeurs.

      Avant d'aborder la littérature des nègres, monseigneur Grégoire pense qu'il est nécessaire que nous apprenions «que (ch. I, p. 7) les Grecs avoient des esclaves nègres, qu'un de ces nègres étoit employé au service des bains; mais on ne sait pas son nom (ce qui eût été d'un très-grand intérêt), que Visconti et Caylus ont publié plusieurs figures de ces esclaves. Il nous apprend encore que les Hébreux achetoient des esclaves noirs et eunuques, malgré que la loi mosaïque défendît de mutiler les hommes. Ruit in vetitum nefas gens hebraïca.» Tout cela n'est pas encore bien concluant en faveur de la littérature nègre; mais ce qui le devient, c'est que Blumenbach, le plus fameux des crânomanes, et qui possède la plus belle collection de crânes humains, qui soit au monde, sans en excepter celle du docteur Gall (ch. I, pag. 11), «prétend que la figure du nègre se trouve dans la figure du sphinx; on peut s'en convaincre en examinant les sphinx dessinés dans Caylus, dans Norden, dans Niehbur et Cassas. Volney et Olivier, qui ont aussi examiné le sphinx sur les lieux, trouvent une ressemblance frappante avec le nègre; preuve incontestable que c'est à la race noire, aujourd'hui esclave, que nous devons les arts, les sciences, et jusqu'à l'art de la parole.» Salut aux premiers artistes, aux premiers savans qui montrèrent aux humains à attacher des idées aux différentes modifications de l'air: Ce n'est pas tout: sans doute c'est à eux

      Que nous devons encor

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