Скачать книгу

      Il y a peu de pauvres et pas de commerce.

      Nous visitons ensuite Nîmes, qui possède un ancien débris de la grandeur romaine, une arène de la plus imposante magnificence; elle pouvait contenir 17,000 spectateurs. Le temple de Diane ou la Maison Carrée, qui a servi de modèle pour la construction de la bourse de Paris. Dans le Jardin Public tracé en amphithéâtre aux pieds de la Tour Magne, est un second temple de Diane, bâti depuis 2,500 ans, en pierres très-grosses du pays, sans chaux ni ciment; les oracles y rendaient leurs augures en trompant la crédulité par des souterrains et des conduits cachés, encore très-visibles. Quelle honteuse profession que de faire le métier, la jonglerie et le trafic d'abuser à son profit de l'ignorance des peuples! Présentement, les mystères d'Isis, les prestiges fantasmagoriques, sont dévoilés. À côté est une galerie où l'on égorgeait les victimes, puis un jet d'eau pour laver le sang. Le temple de Diane est soutenu par des colonnes en pierres du pays d'un seul morceau; auprès sont les Bains romains, objet d'un prix infini, aussi curieux dans leur genre que les chefs-d'oeuvre de Saint-Cloud. La mer, qui était à trois lieues de distance, est actuellement retirée à quelques milles d'Aigues-Mortes, où Saint Louis s'embarqua pour la Terre-Sainte, et à six lieues de Montpellier. Le moite élément quitte donc peu à peu un continent, et s'empare progressivement d'un autre; car aux inondations générales qui ont dû envahir le globe, et qui laissent tant de vestiges de leur existence, il est certain que les eaux dégradent et détériorent sans cesse les montagnes; que ces débris minéralogiques et végétaux, se déposant dans le bassin des mers, forment des continents, en exhaussent le fond, et obligent l'eau à se refouler sur d'autres plages, par conséquent, à faire des envahissements: aussi le fond des mers redevient, par suite, montagnes et terre habitable, montagnes que les volcans et les eaux, par des dégradations, peuvent élever à la hauteur des Andes et des Cordilières. La tour Magne, qui s'élève en forme de pyramide, servit jadis de phare aux navires; présentement, on y voit un télégraphe. C'est proche le coteau voisin du temple de Diane que jaillissent les sources d'eau qui alimentent les fontaines de la ville et le joli canal qui fait le tour du jardin. Les promenades sont charmantes, les églises n'ont rien de remarquable. Tout le monde admire la modération du jeune maire, qui, par sa conciliation et la sagesse de ses lumières, a su réunir les partis dissidents, et empêcher des flots de sang de couler.

      Nous voici à Avignon; si calme, et dont l'existence a été si orageuse. La ville est belle et en général bien bâtie; son principal commerce est le produit des vers à soie, qu'on y élève avec succès. Napoléon a répandu partout les trésors de son génie, il est peu d'endroits qui ne se ressentent de ses munificences; c'est encore lui qui a fait construire le fameux pont en bois d'Avignon, mais, qui aujourd'hui a peu de solidité: les voituriers sont obligés d'user de beaucoup de précautions. Nous avons été parfaitement accueillis par les Invalides, en visitant leur établissement. Ces vieux défenseurs de la patrie, couverts de lauriers, n'ont rien conservé de la sévérité qu'impose l'habitude de la victoire; ils sont pleins de modestie, de courtoisie, et se plaisent à associer les vertus civiles aux vertus guerrières; la ville et la Cathédrale renferment beaucoup d'antiquités; la Cathédrale a le tombeau de Jean XXII; le Palais où résidèrent une longue suite de Papes ressemble à une forteresse, vaste bâtiment irrégulier flanqué de hauts donjons: nous y avons joui d'un magnifique panorama. Les rues sont sinueuses, étroites et pavées de silex aigu. Nous examinâmes avec curiosité le beau système militaire des remparts. La nouvelle salle de spectacle et l'aspect du jardin des plantes sont fort beaux. La fontaine de Vaucluse, à peu de distance de la route, immortalisée par Pétrarque, est située dans une gorge profonde, surmontée d'énormes rochers d'une couleur argileuse; ces eaux limpides mugissent et roulent avec beaucoup de vitesse dans un petit bassin dont la surface est unie, et semble un lac que nul souffle n'effleure, empruntant au ciel les plus belles couleurs, le vert pâle et l'azur.

      Nous sommes à Aix; aux fontaines d'eau chaude, très-remarquables, ainsi que les bains à vapeur de Sextius, si propices intérieurement et extérieurement aux affections cutanées et rhumatismales. L'humanité consacre un de ces bassins aux misères et aux infirmités: là les disgraciés et les malades se livrent à de sanitaires immersions. Les bains de Marius, anciens vestiges romains, sont très-curieux. L'eau traverserait-elle des charbons de terre enflammés par du soufre et du bitume, traces volcaniques non encore épuisées?

      La façade de la Cathédrale est fort belle. On voit dans cette église le tombeau de saint Mitre: le baptistère est formé par huit gracieuses colonnes antiques de marbre et de granit, qui ont appartenu à un temple d'Apollon bâti sur le même emplacement. La place des palais de justice a une belle fontaine ornée d'un obélisque surmonté par un aigle. La tour de l'horloge a des ressorts qui mettent en mouvement différentes figures, chaque fois que le marteau fait retentir le timbre. Les rues sont bien percées en général, ainsi que le quartier d'Orbitelle; le cours est décoré de trois fontaines, celle du milieu donne de l'eau chaude, et, à l'extrémité de la promenade, est la statue du roi René, si cher aux Provenceaux. Les contadines ont sur leurs coiffes de larges chapeaux de feutre, qui les préservent de l'action des vents. Le pain est le meilleur que nous ayons mangé, ayant été fabriqué avec de l'eau thermale. Une partie des rues macadamisées, ne sont pas cahoteuses. La route d'Aix, quoique mal entretenue, est très-pittoresque. Le voisinage de Marseille réduit beaucoup son commerce. On traverse des montagnes au milieu de cascades, de jets d'eau formés par la nature, et de belles maisons de campagne. Quelques filles d'Arles, sur la route, attendent les voitures, comme Ruth allait à la conquête du coeur de Booz; elles sont belles et ont des cotillons simples et courts pour laisser admirer la beauté de leurs pieds; un bonnet de mousseline caché à demi sous un bandeau de velours, encadre leur front, et laisse sortir de jolies boucles de cheveux; leur corsage est d'un beau velours; leur carnation, d'un blanc mat légèrement rosé: leur taille est svelte, et les contours de leur visage sont d'un gracieux infini: on dirait que la race sarrasine s'est mêlée à la race des francs dans les temps antiques. Arles, située dans une immense plaine, entre le Cran et la Carmargue, était l'ancienne capitale de Constantin: il ne reste plus de sa splendeur passée qu'un vaste colysée et les ruines de son théâtre. On traverse des bois d'oliviers et de mûriers; les montagnes continuent d'offrir en abondance des pierres calcaires.

      Avant d'entrer à Marseille, on aperçoit le château du conventionnel Barras, qui domine une immense quantité de Bastides ou maisons de campagne, séjour les dimanches de récréation et de repos pour les habitants de Marseille.

      On parle dans ces lieux l'idiôme provençal; si on demande la Cathédrale, à Avignon, il faut dire la métropole; à Aix, la commune, et non la mairie. Les douanes, aux portes de Marseille, nous font éprouver de minutieuses et inutiles difficultés; nous perdons au moins une demi-heure; la modeste carriole, le simple cavalier, ainsi que les valises, sont exactement visités. Déjà, nous apercevons le Lazaret de Marseille, autrefois puissante barrière contre les invasions des épidémies, mais, qu'aujourd'hui révoque en doute la science si conjecturale de la médecine, qui donne la santé, tout en consommant trop souvent des victimes. Cette ville est encaissée entre des montagnes qui communiquent à la Méditerranée par un port que défendent deux forts et qui contient environ 1,200 navires. La promenade des quais est des plus curieuses; on y voit une immense variété de nations, de costumes, de manières: ce sont des Génois, des Indiens, des Anglais, des Turcs, des Cabyles, des Grecs, des Américains, des flots de population, qui se promènent avec la plus grande décence, malgré la diversité des moeurs. Tant il est vrai que plus les hommes se communiquent et ont des moyens de relation, plus ils sont civilisés, et moins il y a besoin de gendarmes. La religion a peu de pompe à Marseille; nulle part les églises n'ont moins d'importance et d'ornements: c'est une ville toute d'argent et de plaisir; le commerce l'occupe entièrement, puis le luxe et la gastronomie. Il y a cessation complette de travail le dimanche, au point qu'un étranger pressé ne pourrait pas faire viser son passeport et repartir. La basse classe aime le luxe et l'extérieur; ils ont des appartements superbes; le beau sexe est affublé de chaînes et de montres d'or; il est vrai qu'un manouvrier peut gagner dix francs par jour. La vieille ville a des rues inégales et étroites; la nouvelle, des rues et des maisons fort belles.

      Comme dans le Midi, les maisons sont couvertes en tuiles d'une grande solidité contre

Скачать книгу