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indique la colonne : de quelque façon le garçon comprend correctement la mimique et part à grande vitesse.

      « Ulus, ulus » répète incompréhensiblement le malade. Il me laisse dans une place anonyme, entourée par des bâtiments modernes ; au milieu la colonne, 10-15 mètres d’hauteur : gravés sur elle on trouve des épisodes de la vie de Julien. Je fais un tour, en admirant plusieurs scènes, jusqu'à ce que reste touché par le bas-relief du cortège funèbre de l’empereur Constance. Derrière le corps posé sur un chariot, deux personnages couronnés ouvrent la procession : pour ce je me souviens, on les a identifiés avec Julien, et le plus grand avec le dieu Hélios. Maintenant, suite la découverte de l'épigraphe et de la tombe vide, j’avance une interprétation alternative : et si la scène entière ne représentait pas le cortège funèbre de Constance, mais la cérémonie de translation du corps de l’Apostat ? Peut-être dans la colonne qui représente les épisodes essentiels de sa vie, on a voulu symboliser aussi son dernier voyage ! Dans ce cas, Julien ne serait pas début, mais son corps allongé, tandis que les personnages couronnés qui le suivent pourraient être le nouveaux roi Valentinien et la figure mineure son frère Valens. Peut-être le professeur avait aussi compris ça, surement je peux affirmer quelque chose que les auteurs antiques nous ont pas transmis : une fois arrivés à Tarse, Valentinien et Valens non seulement rendirent hommage au caveau de son illustre prédécesseur, mais ils le ramenèrent ailleurs. Probablement ils ont pensé que cela n'était pas le bon endroit pour accueillir les restes mortels d’un empereur [ou ils craignaient faire la même fin : enterrés dans un coin oublié des montagnes Turques]. Ils avaient donc fait construire à côté du fleuve Cydnus le cénotaphe avec l’inscription retrouvée par le professeur, et au même temps ils avaient fait transporter le corps de Julien vers un endroit plus adapté. Mais où ?

      Je n’arrive pas à m’enlever cette question de la tête, pendant que je marche vers le centre ; j’arrive au lieu du rendez-vous à 20.30, beaucoup à l’avance. Don Castillo : le nom du restaurant qu’elle a choisi, me fait penser à une typique taverne. Je m’assois sur une marche hors du local : je vois beaucoup passer beaucoup de femmes couvertes par de longues burqas noirs.

      Chiara, qui porte des talons comme d’habitude, arrive après une heure et quart : « Ça fait longtemps que tu attends ? »

      « Non » je réponds, en me levant et étirant mes jambes qui sont désormais courbatues. « Ça fait plaisir »

      « On y va » elle me prend le bras.

      Le restaurant est sombre, je ne vois pas très bien ce que je mange, mais peut-être il vaut mieux comme ça : les noms des plats sont trop difficiles, et elle attend de m’informer jusqu'à quand je les termine, un peu pour me surprendre un peu pour tout me faire essayer. Elle a commandé tous types de viandes et sauces : j'espère qu’il ne s’agisse que de veaux et pas de trucs bizarres.

      Il faut que j’accomplis une mission, même si pas volontiers : « Ton copain était très gentil, il m’a beaucoup aidé ».

      « Oui, il est toujours gentil, avec tous » elle répond froide.

      « À propos de ça, Fatih aimerait te parler, mais il ne veut pas déranger. »

      Je lui donne le papier : « Il m’a donné son numéro de portable et m’a dit… oui, voilà, il serait content si tu… »

      « Merci, » elle m'interrompe « mais non, garde le, tu peux en avoir plus besoin que moi ! »

      Je n’insiste pas, évidemment j’ai touché un sujet un peu délicat : « Alors, tu voulais m’expliquer quoi pour demain ? »

      Chiara fait une liste détaillée de tous les passages. Ambassade à 08.00 : je dois récupérer un document et faire mettre un visa sur les documents de l'hôpital de Tarse, pour pouvoir récupérer le corps. Ensuite il faut passer auprès de la tristement célèbre douane pour récupérer mon passeport, et enfin un vol spécial à 11h. Elle ne sera pas là, mais je ne devrais pas avoir de problèmes. Je la remercie du cœur.

      « C'était un plaisir » elle dit avec un sourire qui me semble malicieux.

      Lundi 19 Juillet

      L’ambassade de l'extérieur est exactement comme on peut l'imaginer : grande, blanche, avec l’air d’une de ces villes de campagne en style victorien qu’on peut trouver aux États Unis du sud. Je m’attends un patron avec des esclaves, mais je suis accueilli par un manager avec sa secrétaire et peu de temps pour moi. Je lui donne les documents de la morgue, la secrétaire les lit distraitement : elle les tamponne, agrafe un laissez-passer et s’occupe à la même vitesse des taches bureaucratiques. A la douane aussi tout se passe mieux qu’à l'arrivée. Le redoutable fonctionnaire du vendredi n’est plus là, un homme plus courtois le remplace : je reprends finalement mon passeport ; dans le futur je ferais une copie de mes documents avant de partir (on sait jamais).

      On m’accompagne, ou mieux je suis escorté, jusqu'à me faire monter sur l’‘‘avion spécial’’ : un cargo fait pour transporter des biens, court et bas. J’estime très baisses les possibilités qu’il arrive à décoller. Je monte les escaliers jusqu'à une large entrée sur la partie postérieure (pas sur le côté), je traverse l'énorme soute, chargée d’un peu de tout ; derrière un rideau coulissant il y a une dizaine de passagers, et après la cabine de pilotage. Les sièges ne sont pas énumérés : je m’assois dans le seul qui est vide, à côté d’un monsieur qui, après m’avoir regardé de la tête aux pieds, continue à lire son quotidien. Nous attendons beaucoup, avant qu’ils autorisent le départ. J’ai oublié mon mp3 dans la valise ; pour ne pas penser au décollage je prends le rapport de ce bizarre médecin légiste : pages sur pages écrites à la main, en turque ; à la fin de la deuxième copie un résumé en anglais. Avec des termes médicaux légistes on déclare que Barbarino est mort à cause de la chute : on parle de multiples fractures vertébrales et d’une fatale à la nuque, mais pas de crise cardiaque.

      Je suis étonné : l’assistant du professeur avait parlé d’un malheur comme cause du décès. Là on dirait qu’il est mort à cause d’un coup à la tête, probablement pendant la chute. Je pose le rapport : ça sera la police qui indague.

      À ce point, incroyablement, l'avion a rejoint son niveau de vol : je me calme. Ça ne dure plus que un instant, car je me rends compte que en traversant la soute je n’ai pas vu le cercueil. Perdre une valise n’est pas sympa, mais un corps… !

      Vu que dans ce cargo je ne crois pas y avoir d’hôtesse, je profite pour me lever, faire glisser le rideau et revenir en soute. En effet un cercueil est là, je me rapproche pour être sur : le nom est correct. Mais il y a quelque chose qui me touche : une note sur le côté court. Des lettres sont gravées, à la bonne, sur le bois : DDCF. Bizarre ! Quelqu’un à la douane doit les avoir gravées, vu que pendant le long voyage dans le fourgon je ne les avais pas remarquées ; j’en suis sûr : elles n'étaient pas la avant. On dirait des initiales : ça sonne sombre et familier au même temps.

      Je reprends ma place : ce monsieur distingué est toujours en train de m’observer, du coin de l'œil.

      Je suis un peu perplexe pour la gravure et pour la fin de Barbarino : je pense aux temps passés à son service, ou mieux sous sa ‘‘dictature ’‘ ; je ne le regrette pas, humainement je devrais être triste pour lui, mais j’y arrive vraiment pas. Après tout ce que j’avais écrit et fait pour lui, il n’avait même pas été en gré de me faire obtenir un poste fixe à la faculté. Il disait que je le méritais plus que tout le reste pour mon curriculum, mais il y avait toujours quelqu’un avec des crédits extra académiques qui me passait devant : j’ai vraiment bien fait à m’en sortir.

      En arrivant à Fiumicino, je vais à la douane avec les documents turcs. Heureusement en Italie tout est plus simple : ils ne doivent que tamponner ici et là et c’est fini.

      Je pense avoir vu dans un film un célèbre dealer utiliser les cercueils des soldats américains, morts en bataille, pour faire rentrer illégalement de la drogue aux États Unis. Dans mon cas personne ne s’en apercevrait : ils n’ouvrent

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