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sorte de pilotis : une dame ancienne et bossue ouvre la porte.

      « Je cherche Fatih Persin…» je demande, un peu dans les nuages, dans ma langue maternelle.

      « Italien, viens italien » sourit la dame en montrant les peux des dents qui lui restent et me faisant signe de rentrer. Ensuite elle s’enfuit montant des escaliers.

      C’est une maison bizarre : appuyée pour moitié sur le fleuve, il n’y a pas de meubles particulier, mais elle est originale dans son genre. Je m'assois sure une chaise rouge en bois avec le siège en paille tressée. L’odeur de ragout de cher qui cuit lentement a rempli la demeure entière.

      D’une échelle mal appuyée sur une ouverture du plafond descend un homme sur la quarantaine, grand et maigre, trop grand et trop maigre : « Bonjour, je suis Fatih » il me serre la main en parlant en turque avec la femme.

      « Je suis Francesco Speri, Chiara m’a donnée votre adresse… Chiara… » je ne me souviens plus de son nom de famille.

      « Rigoni » continue un peu étonné Fatih. « Que je fais pour toi ? » L'ingénieur parle l’italien avec un peu de difficulté, mais on se comprend ; tandis qu’il s'assoit, sa mère, au moins je pense qu’elle le soit, arrive avec un plateau et deux grandes tasses de café. L’aspect n’est pas trop invitant : quelque chose y flotte dedans et l’odeur est aigre, oui aigre mais non amer.

      Je fais un signe de remerciement et je prends l'énorme tasse dans mes mains. « Chiara m’a dit que je pouvais vous demander de l’aide : je dois suivre la rue long du fleuve en direction du mont Taurus. Mon professeur d'archéologie était en train d’effectuer des excavations là-bas, quand… »

      « Rien à voir avec le café italien, c’est vrai ? Il y a du citron dedans » explique Fatih voyant mon regard méfiant. Il sourit : « No problème, aujourd’hui samedi et je vais avec toi en moto ».

      J'accepte son aide, mais pas avant avoir avale cette espèce de limonade au gout de café.

      Nous partons de suite, sans casque. Sa moto est en réalité un scooter : ça ne dépasse pas les 30km par heure, mais même en ce cas, n'étant pas moi le conducteur, c’est comme en avion ! La route est longue e tortueuse : à chaque courbe je serre plus fort le pauvre conducteur ; ça me provoque un peu d'embarras, mais la peur de tomber est plus forte. On a l’impression que cette espèce de rue criblée de trous soit interminable, mais soudainement Fatih freine : il a remarqué des panneaux de travaux en cours. Nous laissons son scooter et continuons à pieds jusqu'à une pente descendante : c’est le site creusée par le professeur.

      Pauvre Julien : enterrée dans une lande désolée de Montaigne, loin de ce fabuleux monde qu’il avait régnée. En réalité cela n’avait pas été son choix : en signe de haine envers les habitants d’Antakya, d'où il était parti pour l'expédition en Perse, il s'était promis de faire camp à Tarse, plutôt que de revoir ces gens. Il ne reviendrait pas vivant de cette guerre. Ses officiers, en forme d'extrême respect, décidèrent de l’enterrer ou il avait décidé de résider cet hiver : un longue, interminable, hiver.

      On ne peut pas accéder à la fouille, on l’a entourée d’une tranchée rudimentaire. Un homme s’approche, il est occupé à ne pas faire envoler un énorme chapeau en paille de sa tête. Il semble être méfiant, mais dès que je nomme Luigi Barbarino il ouvre, et se présente comme assistant du professeur. Le soleil bat sans pitié. Il nous indique de le suivre jusqu'à une espèce de garage : je vois fragment de vases antiques lies en gerbes, des os d’animaux, anciens pots et des vêtements sales. Dans ce garage, recouvert de plaques d’aluminium et plein de poussière, je pense que ce type bizarre à part de travailler, y dort et mange.

      J’aimerais avoir des infos sur l’incroyable découverte de l’Apostat. Avec un air contrit je demande d’abord, avec l’aide de Fatih, des nouvelles du professeur.

      L’expression de mon ‘‘interprète’’ devient d’abord grimaçante et après sombre, je n’avais pas eu le temps de lui parler de la mort de ‘‘sa majesté’’ : « Il dit que trouver mort le professeur samedi passe, au pied de… comment dire grande descente ? »

      L’assistant explique que le vendredi passe, avant de partir, il avait vu l'éminent archéologue faire des relèvements dans le secteur qu’il était en train de creuser et que le matin suivant il l’avait trouvé en peu plus en bas, écarté par terre. Il avait eu une attaque cardiaque et était tombé sans vie dans la falaise. Le turque n’apparait pas trop triste, peut être le fait de travailler avec le professeur lui a laissé, comme à moi, le même effet de dégout. L'assistant, de petite taille, mais de pas agile, nous précède sur le lieu de la disgrâce : il tient à nous montrer le point exact des retrouvailles.

      « Et qu’est-ce qu’il y a la haut ? Une tombe ? » je demande.

      « Oui, il prenait des photos là. Très important : il avait trouvé pierre avec incision, quand c’est arrivé » traduit Fatih.

      Je monte à bout de souffle la petite colline, suivi par les deux. A terre s’effondrent ceux qui pourraient être les restes d’un bâtiment funéraire. Je ne vois pas par contre l'épigraphe qui devrait se trouver sur l'entrée. Seulement cette pierre inscrite, retrouvée par le professeur la semaine passe (et dont il avait fait mention dans son email), peut confirmer que ici est enterre Julien.

      « Et le matériel qui a été retrouve ici ? » je demande avec fausse nonchalance.

      « Ça dans le garage où nous avant, peu de temps, après fonctionnaire du gouvernement vient et prends tout » m’informe Fatih dans son italien incertain.

      Il faut que j'accélère les temps.

      « Je devrais aller aux toilettes » je dis en me touchant l’estomac.

      « Seulement dans le garage. »

      « Je me souviens comment y aller, vous pouvez rester là, merci. »

      Je cours vers le hangar et je commence à chercher en haletant entre une pile de boites : j’essaye de les bouger, elles sont lourdes. Sur chaque boite il y a des notes marquées avec un feutre bleu passe : ça devrait indiquer data et secteur des fouilles d'où les vestiges proviennent.

      C'était quel jour quand le professeur m’avait écrit de la découverte de la tombe ? Je contrôle dans la boite du 9 juillet : seulement de fragments de plâtre et céramique communs. Bien sûr : la découverte doit être du jour avant, vu qu’il m’a envoyé l’email le 9 matin, et ce soir même il est mort.

      Je prends la boite du 8 juillet et, je n’y crois pas, je trouve l'épigraphe !

      Un fragment en marbre, qui mesure un peu moins d’un mètre en longueur, grave en grecque : je suis presse, mais j’ai du mal à déchiffrer les lettres mal conservées ; je prends quand même quelques photos avec ma chère Nikon.

      Ensuite, avec une feuille de papier pelure qui se trouve sur la table et un crayon j’essaye d’improviser une empreinte : c’est une technique rudimentaire mais efficace que j’ai appris pendant ma spécialisation en Allemagne. En passant le crayon sur la feuille appuyée sur l'épigraphe, les lettres gravées laissent un trou vide : le papier en ressort tout gris, sauf les espaces blanc qui dénotent la forme des lettres gravées.

      J’ai déjà perdu trop de temps, je cours vers la sombre falaise : « Désolé… pas sur si ce sont les courbes du voyage, ou le raconte de la mort violente du professeur… voilà, je me suis senti mal, mais je vais mieux maintenant. De toute façon, le professeur est là ? »

      Les deux me regardent perdus.

      « Je veux dire le corps : je peux le prendre ? On m’a chargé de le ramener en Italie et… »

      « Non. C’est dans la morgue municipale. Je sais ou ça se trouve, je te ramène si vous voulez » offre courtois Fatih.

      Nous remercions l'assistante, qui s'éloigne sans quitter le regard.

      On monte à nouveau sur le scooter.

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