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savoir ?

      – Mon nom ?

      – Oui.

      – Arsène Lupin.

      Il donna vivement un croc-en-jambe à son interlocuteur, courut jusqu’à la rue de Rivoli, sauta dans une automobile qui passait et se fit conduire à la porte des Ternes.

      Les immeubles de la route de la Révolte étaient proches ; il se dirigea vers le numéro 3.

      Malgré tout son sang-froid, et l’empire qu’il avait sur lui-même, Arsène Lupin ne parvenait pas à dominer l’émotion qui l’envahissait. Retrouverait-il Dolorès Kesselbach ? Louis de Malreich avait-il ramené la jeune femme, soit chez lui, soit dans la remise du Brocanteur ?

      Lupin avait pris au Brocanteur la clef de cette remise, de sorte qu’il lui fut facile, après avoir sonné et après avoir traversé toutes les cours, d’ouvrir la porte et de pénétrer dans le magasin de bric-à-brac.

      Il alluma sa lanterne et s’orienta. Un peu à droite, il y avait l’espace libre où il avait vu les complices tenir un dernier conciliabule.

      Sur le canapé désigné par le Brocanteur, il aperçut une forme noire.

      Enveloppée de couvertures, bâillonnée, Dolorès gisait là…

      Il la secourut.

      – Ah ! Vous voilà… vous voilà, balbutia-t-elle… Ils ne vous ont rien fait ?

      Et aussitôt, se dressant et montrant le fond du magasin :

      – Là, il est parti de ce côté… j’ai entendu… je suis sûre… Il faut aller… je vous en prie…

      – Vous d’abord, dit-il.

      – Non, lui… frappez-le… je vous en prie… frappez-le.

      La peur, cette fois, au lieu de l’abattre, semblait lui donner des forces inusitées, et elle répéta, dans un immense désir de livrer l’effroyable ennemi qui la torturait :

      – Lui d’abord… Je ne peux plus vivre, il faut que vous me sauviez de lui… il le faut… je ne peux plus vivre…

      Il la délia, retendit soigneusement sur le canapé et lui dit :

      – Vous avez raison… D’ailleurs, ici vous n’avez rien à craindre… Attendez-moi, je reviens…

      Comme il s’éloignait, elle saisit sa main vivement :

      – Mais vous ?

      – Eh bien ?

      – Si cet homme…

      On eût dit qu’elle appréhendait pour Lupin ce combat suprême auquel elle l’exposait, et que, au dernier moment, elle eût été heureuse de le retenir.

      Il murmura :

      – Merci, soyez tranquille. Qu’ai-je à redouter ? Il est seul.

      Et, la laissant, il se dirigea vers le fond. Comme il s’y attendait, il découvrit une échelle dressée contre le mur, et qui le conduisit au niveau de la petite lucarne grâce à laquelle il avait assisté à la réunion des bandits. C’était le chemin que Malreich avait pris pour rejoindre sa maison de la rue Delaizement.

      Il refit ce chemin, comme il l’avait fait quelques heures plus tôt, passa dans l’autre remise et descendit dans le jardin. Il se trouvait derrière le pavillon même occupé par Malreich.

      Chose étrange, il ne douta pas une seconde que Malreich ne fût là.

      Inévitablement il allait le rencontrer, et le duel formidable qu’ils soutenaient l’un contre l’autre touchait à sa fin. Quelques minutes encore, et tout serait terminé.

      Il fut confondu ! Ayant saisi la poignée d’une porte, cette poignée tourna et la porte céda sous son effort. Le pavillon n’était même pas fermé.

      Il traversa une cuisine, un vestibule, et monta un escalier, et il avançait délibérément, sans chercher à étouffer le bruit de ses pas.

      Sur le palier, il s’arrêta. La sueur coulait de son front et ses tempes battaient sous l’afflux du sang.

      Pourtant, il restait calme, maître de lui et conscient de ses moindres pensées.

      Il déposa sur une marche ses deux revolvers.

      – Pas d’armes, se dit-il, mes mains seules, rien que l’effort de mes deux mains ça suffit… ça vaut mieux.

      En face de lui, trois portes. Il choisit celle du milieu, et fit jouer la serrure. Aucun obstacle. Il entra.

      Il n’y avait point de lumière dans la chambre, mais, par la fenêtre grande ouverte, pénétrait la clarté de la nuit, et dans l’ombre il apercevait les draps et les rideaux blancs du lit.

      Et là quelqu’un se dressait.

      Brutalement, sur cette silhouette, il lança le jet de sa lanterne.

      – Malreich !

      Le visage blême de Malreich, ses yeux sombres, ses pommettes de cadavre, son cou décharné…

      Et tout cela était immobile, à cinq pas de lui, et il n’aurait su dire si ce visage inerte, si ce visage de mort exprimait la moindre terreur ou même seulement un peu d’inquiétude.

      Lupin fit un pas, et un deuxième, et un troisième.

      L’homme ne bougeait point.

      Voyait-il ? Comprenait-il ? On eût dit que ses yeux regardaient dans le vide et qu’il se croyait obsédé par une hallucination plutôt que frappé par une image réelle.

      Encore un pas…

      « Il va se défendre, pensa Lupin, il faut qu’il se défende. »

      Et Lupin avança le bras vers lui.

      L’homme ne fit pas un geste, il ne recula point, ses paupières ne battirent pas. Le contact eut lieu.

      Et ce fut Lupin qui, bouleversé, épouvanté, perdit la tête. Il renversa l’homme, le coucha sur son lit, le roula dans ses draps, le sangla dans ses couvertures, et le tint sous son genou comme une proie sans que l’homme eût tenté le moindre geste de résistance.

      – Ah ! clama Lupin, ivre de joie et de haine assouvie, je t’ai enfin écrasée, bête odieuse ! Je suis le maître enfin !

      Il entendit du bruit dehors, dans la rue Delaizement, des coups que l’on frappait contre la grille. Il se précipita vers la fenêtre et cria :

      – C’est toi, Weber ! Déjà ! À la bonne heure ! Tu es un serviteur modèle ! Force la grille, mon bonhomme, et accours, tu seras le bienvenu. En quelques minutes, il fouilla les vêtements de son prisonnier, s’empara de son portefeuille, rafla les papiers qu’il put trouver dans les tiroirs du bureau et du secrétaire, les jeta tous sur la table et les examina.

      Il eut un cri de joie : le paquet de lettres était là, le paquet des fameuses lettres qu’il avait promis de rendre à l’Empereur.

      Il remit les papiers à leur place et courut à la fenêtre.

      – Voilà qui est fait, Weber ! Tu peux entrer ! Tu trouveras l’assassin de Kesselbach dans son lit, tout préparé et tout ficelé… Adieu, Weber…

      Et Lupin, dégringolant rapidement l’escalier, courut jusqu’à la remise et, tandis que Weber s’introduisait dans la maison, il rejoignit Dolorès Kesselbach.

      À lui seul, il avait arrêté les sept compagnons d’Altenheim ! Et il avait livré à la justice le chef mystérieux de la bande, le monstre infâme, Louis de Malreich !

      – 3 –

      Sur un large

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