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LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur. Морис Леблан
Читать онлайн.Название LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur
Год выпуска 0
isbn 4064066309176
Автор произведения Морис Леблан
Жанр Языкознание
Издательство Bookwire
Tandis qu’elle mettait un peu d’ordre sur la table, tout en continuant à dire son inquiétude, le prince Sernine s’approcha d’elle, lui saisit la tête entre les deux mains et l’embrassa sur les deux joues.
– Eh bien, la vieille, comment vas-tu ?
Elle demeura stupide, les yeux hagards, la bouche ouverte.
Le prince l’embrassa de nouveau en riant.
Elle bredouilla :
– Toi ! C’est toi ! Ah ! Jésus-Marie… Jésus-Marie… Est-ce possible ! Jésus-Marie !
– Ma bonne Victoire !
– Ne m’appelle pas ainsi, s’écria-t-elle en frissonnant. Victoire est morte Ta vieille nourrice n’existe plus. J’appartiens tout entière à Geneviève…
Elle dit encore à voix basse :
– Ah ! Jésus j’avais bien lu ton nom dans les journaux… Alors, c’est vrai, tu recommences ta mauvaise vie ?
– Comme tu vois.
– Tu m’avais pourtant juré que c’était fini, que tu partais pour toujours, que tu voulais devenir honnête.
– J’ai essayé. Voilà quatre ans que j’essaie… Tu ne prétendras point que pendant ces quatre ans j’aie fait parler de moi ?
– Eh bien ?
– Eh bien, ça m’ennuie.
Elle soupira :
– Toujours le même… Tu n’as pas changé… Ah ! C’est bien fini, tu ne changeras jamais… Ainsi, tu es dans l’affaire Kesselbach ?
– Parbleu ! Sans quoi me serais-je donné la peine d’organiser contre Mme Kesselbach, à six heures, une agression pour avoir l’occasion, à six heures cinq, de l’arracher aux griffes de mes hommes ? Sauvée par moi, elle est obligée de me recevoir. Me voilà au cœur de la place, et, tout en protégeant la veuve, je surveille les alentours. Ah ! Que veux-tu, la vie que je mène ne me permet pas de flâner et d’employer le régime des petits soins et des hors-d’œuvre. Il faut que j’agisse par coups de théâtre, par victoires brutales. Elle l’observait avec effarement, et elle balbutia :
– Je comprends… je comprends tout ça, c’est du mensonge… Mais alors Geneviève…
– Eh ! D’une pierre, je faisais deux coups. Tant qu’à préparer un sauvetage, autant marcher pour deux. Pense à ce qu’il m’eût fallu de temps, d’efforts inutiles, peut-être, pour me glisser dans l’intimité de cette enfant ! Qu’étais-je pour elle ? Que serais-je encore ? Un inconnu, un étranger. Maintenant je suis le sauveur. Dans une heure je serai l’ami.
Elle se mit à trembler.
– Ainsi tu n’as pas sauvé Geneviève… ainsi tu vas nous mêler à tes histoires… Et soudain, dans un accès de révolte, l’agrippant aux épaules :
– Eh bien, non, j’en ai assez, tu entends ? Tu m’as amené cette petite un jour en me disant : « Tiens, je te la confie, ses parents sont morts prends-la sous ta garde. » Eh bien, elle y est, sous ma garde, et je saurai la défendre contre toi et contre toutes tes manigances.
Debout, bien d’aplomb, ses deux poings crispés, le visage résolu, Mme Ernemont semblait prête à toutes les éventualités.
Posément, sans brusquerie, le prince Sernine détacha l’une après l’autre les deux mains qui l’étreignaient, à son tour empoigna la vieille dame par les épaules, l’assit dans un fauteuil, se baissa vers elle, et, d’un ton très calme, lui dit :
– Zut !
Elle se mit à pleurer, vaincue tout de suite, et, croisant ses mains devant Sernine :
– Je t’en prie, laissenous tranquilles. Nous étions si heureuses ! Je croyais que tu nous avais oubliées, et je bénissais le ciel chaque fois qu’un jour s’écoulait. Mais oui… je t’aime bien, cependant. Mais Geneviève… vois-tu, je ne sais pas ce que je ferais pour cette enfant. Elle a pris ta place dans mon cœur.
– Je m’en aperçois, dit-il en riant. Tu m’enverrais au diable avec plaisir. Allons, assez de bêtises ! Je n’ai pas de temps à perdre. Il faut que je parle à Geneviève.
– Tu vas lui parler !
– Eh bien ! C’est donc un crime ?
– Et qu’est-ce que tu as à lui dire ?
– Un secret… un secret très grave, très émouvant…
La vieille dame s’effara :
– Et qui lui fera de la peine, peut-être ? Oh ! Je crains tout… je crains tout pour elle…
– La voilà, dit-il.
– Non, pas encore.
– Si, si je l’entends, essuie tes yeux et sois raisonnable…
– écoute, fit-elle vivement, écoute, je ne sais pas quels sont les mots que tu vas prononcer, quel secret tu vas révéler à cette enfant que tu ne connais pas… Mais, moi qui la connais, je te dis ceci : Geneviève est une nature vaillante, forte, mais très sensible. Fais attention à tes paroles… Tu pourrais blesser en elle des sentiments… qu’il ne t’est pas possible de soupçonner…
– Et pourquoi, mon Dieu ?
– Parce qu’elle est d’une race différente de la tienne, d’un autre monde… je parle d’un autre monde moral… Il y a des choses qu’il t’est défendu de comprendre maintenant. Entre vous deux, l’obstacle est infranchissable… Geneviève a la conscience la plus pure et la plus haute… et toi…
– Et moi ?
– Et toi, tu n’es pas un honnête homme.
– 3 –
Geneviève entra, vive et charmante.
– Toutes mes petites sont au dortoir, j’ai dix minutes de répit… Eh bien, grand-mère, qu’est-ce que c’est ? Tu as une figure toute drôle… Est-ce encore cette histoire ?
– Non, mademoiselle, dit Sernine, je crois avoir été assez heureux pour rassurer votre grand-mère. Seulement, nous causions de vous, de votre enfance, et c’est un sujet, semble-t-il, que votre grand-mère n’aborde pas sans émotion.
– De mon enfance ? dit Geneviève en rougissant… Oh ! Grand-mère !
– Ne la grondez pas, mademoiselle, c’est le hasard qui a amené la conversation sur ce terrain. Il se trouve que j’ai passé souvent par le petit village où vous avez été élevée.
– Aspremont ?
– Aspremont, près de Nice… Vous habitiez là une maison neuve, toute blanche…
– Oui, dit-elle, toute blanche, avec un peu de peinture bleue autour des fenêtres… J’étais bien jeune, puisque j’ai quitté Aspremont à sept ans ; mais je me rappelle les moindres choses de ce temps-là. Et je n’ai pas oublié l’éclat du soleil sur la façade blanche, ni l’ombre de l’eucalyptus au bout du jardin…
– Au bout du jardin, mademoiselle, il y avait un champ d’oliviers, et, sous un de ces oliviers, une table où votre mère travaillait les jours de chaleur
– C’est vrai, c’est vrai, dit-elle, toute remuée… moi, je jouais à côté…
–