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       Albert Mathiez

      Les grandes journées de la Constituante

      Publié par Good Press, 2020

       [email protected]

      EAN 4064066075934

       CHAPITRE I

       CHAPITRE II

       CHAPITRE III

       LES CONSÉQUENCES DE L'ÉMEUTE

       CHAPITRE IV

       CHAPITRE V

       CHAPITRE VI

       Table des matières

      LA RÉUNION DES TROIS ORDRES

      Le 17 juin, ayant terminé depuis deux jours l'appel nominal de tous les députés aux États généraux, le Tiers, auquel s'étaient déjà réunis 12 curés, se proclamait Assemblée nationale, et, prévoyant que cet acte révolutionnaire serait suivi de représailles, décidait d'opposer à une répression possible la menace de la grève de l'impôt: «Considérant qu'en effet les contributions, telles qu'elles se perçoivent actuellement dans le royaume, n'ayant point été consenties par la nation, sont toutes illégales, et, par conséquent nulles dans leur création, extension ou prorogation;

      «L'Assemblée déclare, à l'unanimité des suffrages, consentir provisoirement, pour la nation, que les impôts et contributions, quoique illégalement établis et perçus, continuent d'être levés de la même manière qu'ils l'ont été précédemment, et ce, jusqu'au jour seulement de la première séparation de cette Assemblée, de quelque cause qu'elle puisse provenir.

      «Passé lequel jour, l'Assemblée nationale entendait décréter que toute levée d'impôts et contributions de toute nature qui n'aurait pas été nommément, formellement et librement accordée par l'Assemblée, cessera entièrement dans toutes les provinces du royaume, quelle que soit la forme de l'administration….»

      Le 19 juin, l'ordre du clergé décidait par 149 voix contre 135 de se réunir au Tiers. Mais, le même jour, l'ordre de la noblesse adressait au roi une vigoureuse protestation contre les actes révolutionnaires du Tiers État et les chefs de la minorité du clergé, l'archevêque de Paris et le cardinal de La Rochefoucauld, faisaient le voyage de Marly pour pousser le roi à la résistance. Necker était justement absent auprès de sa belle-soeur mourante à Paris. Un témoin oculaire, Rabaut de Saint-Étienne, député à la Constituante, a raconté en ces termes la journée du lendemain:

      LE SERMENT DU JEU DE PAUME

      Tandis que les députés se rendaient à la salle [des séances] une proclamation, faite par des hérauts d'armes et affichée partout, annonça que les séances étaient suspendues et que le roi tiendrait une séance royale le 22. On donnait pour motifs de la clôture de la salle pendant trois jours la nécessité des préparatifs intérieurs pour la décoration du trône. Cette raison puérile servit à prouver qu'on n'avait voulu que prévenir la réunion du clergé, dont la majorité avait adopté le système des communes. Cependant les députés arrivent successivement, et ils éprouvent la plus vive indignation de trouver les portes fermées et gardées par des soldats. Ils se demandent les uns aux autres quelle puissance a le droit de suspendre les délibérations des représentants de la nation. Ils parlent de s'assembler sur la place même, ou d'aller sur la terrasse de Marly offrir au roi le spectacle des députés du peuple; de l'inviter à se réunir à eux dans une séance vraiment royale et paternelle, plus digne de son coeur que celle dont il les menace. On permet à M. BAILLY, leur président, d'entrer dans la salle avec quelques membres pour prendre les papiers; et là il proteste contre les ordres arbitraires qui la tiennent fermée. Enfin il rassemble des députés dans le jeu de paume de Versailles, devenu célèbre à jamais par la courageuse résistance des premiers représentants de la nation française. On s'encourage en marchant; on se promet de ne jamais se séparer et de résister jusqu'à la mort. On arrive; on fait appeler ceux des députés qui ne sont pas instruits de ce qui se passe. Un député malade s'y fait transporter. Le peuple, qui assiège la porte, couvre ses représentants de bénédictions. Des soldats désobéissent pour venir garder l'entrée de ce nouveau sanctuaire de la liberté. Une voix s'élève [celle de Mounier]; elle demande que chacun prête le serment de ne jamais se séparer et de se rassembler partout jusqu'à ce que la constitution du royaume et la régénération publique soient établies. Tous le jurent, tous le signent, hors un [Martin d'Auch]; et le procès-verbal fait mention de cette circonstance remarquable. La cour, aveuglée, ne comprit pas que cet acte de vigueur devait renverser son ouvrage. [Note: Précis de l'histoire de la Révolution française, réimp. De 1819, pp. 56-57.]

      Armand Brette a complété ce récit. «Sur les 19 curés affiliés dès ce moment à la cause du Tiers, sept seulement adhérèrent au serment le 20 juin ou le 22 juin, 12 s'abstinrent…, 4 députés du Tiers seulement refusèrent de signer … il n'y eut qu'un seul opposant, Martin d'Auch, qui déclara qu'il ne pouvait jurer d'exécuter des délibérations qui ne sont pas sanctionnées par le roi…, tous les nobles députés du Tiers présents à Versailles, les royalistes les plus éprouvés, Malouet, Mounier, Flachslanden, l'ami intime du roi, Hardy de La Largère, dont le fils fut anobli sous la Restauration en souvenir du constituant, Charrier, qui en 1792 souleva la Lozère et paya de sa tête son dévouement à la cause royale, vingt autres enfin, dont l'affection pour le roi était notoire, ont signé le serment et ont ainsi légitimé l'audacieuse constitution du Tiers en Assemblée nationale.» [Note: A. BRETTE, La séance royale du 23 juin 1789, ses préliminaires et ses suites. La Révolution française, t. XX, p. 442 et 534.]

      Parmi ceux qui signèrent le serment, cet acte solennel de rébellion, il y en eut qui éprouvèrent une émotion intense. L'un d'eux devint fou.

      FOU DE REMORDS

      Le lendemain un député de Lorraine, nommé Mayer, est devenu fou. Il avait prêté le serment et en avait la conscience bourrelée. Il était à côté d'un filou qui venait de voler sous le costume d'un député du Tiers. Lorsqu'on est venu prendre ce filou, il a cru qu'on arrêtait tous les députés du Tiers pour avoir fait le serment; la peur l'a pris et la tête lui a sauté. Cette frayeur d'être arrêté n'était pas mal fondée, car le bruit général était que ce parti violent avait été proposé, les uns disaient dans le conseil et d'autres dans un de ces conseils tenus fréquemment chez MM. de Polignac et chez M. le comte d'Artois. [Note: Journal de l'abbé Coster dans Brette, id., pp. 37-38.]

      Le 21 juin, à une députation de la noblesse conduite par le duc de Luxembourg, le roi avait répondu qu'il ne permettrait jamais qu'on altérât l'autorité qui lui avait été confiée pour le bien de ses sujets. La séance royale qui devait avoir lieu le 22 juin fut remise au 23. Le 22 juin, Bailly trouvant la porte des Menus fermée, se rendit aux Récollets qui refusèrent de le recevoir. Les marguilliers de l'église Saint-Louis lui offrirent leur église. On se rendit d'abord dans la chapelle des Charniers, où avaient lieu les catéchismes, puis dans la nef. Deux membres de la noblesse du Dauphiné, les premiers de leur ordre, le marquis

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