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bien en haut, tout en haut, sous les toits, deux chambres ou plus justement deux cabinets, mais qui ne sont pas habitables pour des dames; si Son Excellence tient essentiellement à loger au Rigi, il n'y aurait qu'un moyen, ce serait que M. le colonel cédât la chambre lui servant de salle à manger, en même temps ce serait que M. Horace Cooper voulût bien abandonner aussi sa chambre et se contenter d'un cabinet sous les toits. Alors les deux dames auraient un appartement convenable. Il est vrai que Son Excellence et M. Horace Cooper seraient horriblement mal logés. Mais comment faire autrement en attendant le départ de quelques pensionnaires, départ prochain d'ailleurs, et qui ne dépasserait pas deux ou trois jours?

      —Il faudrait voir le colonel, dit le prince, car, malgré l'ennui que tout cela pourra lui causer, je suis certain qu'il ne nous refusera pas ce service dans les conditions critiques où nous nous trouvons.

      Horace accueillit avec empressement cette idée qui le tirait d'embarras.

      Car, malgré son envie de retenir mademoiselle Belmonte, et de la voir se fixer au Glion, il n'osait prendre sur lui d'accepter l'arrangement proposé par le prince Mazzazoli; il y aurait eu là, en effet, un acte d'autorité un peu violent.

      Et tandis que le prince Mazzazoli faisait venir ses bagages de Montreux, en homme qui ne doute pas de l'acceptation de ses combinaisons, Horace quittait l'hôtel pour aller se poster sur le chemin par lequel il supposait que le colonel devait revenir de sa promenade.

      Les heures s'écoulèrent sans que le colonel parût.

      Déjà les ombres qui avaient envahi les vallées les plus basses commençaient à monter le long des montagnes et l'air se rafraîchissait.

      Comme Horace se demandait s'il ne devait pas rentrer à l'hôtel, il aperçut son maître qui descendait le sentier au bout duquel il l'attendait.

      Le colonel marchait lentement, le bâton ferré sur l'épaule, la tête inclinée en avant, comme un homme préoccupé qui suit sa pensée et ne se laisse pas distraire par les agréments du chemin qu'il parcourt.

      Il vint ainsi sans lever la tête, jusqu'à quelques pas d'Horace.

      Mais l'ombre que celui-ci projetait sur le chemin l'arrêta et le fit lever les yeux.

      —Toi? dit-il.

      —C'est M. le prince Mazzazoli qui est arrivé à l'hôtel, ainsi que madame la comtesse Belmonte et mademoiselle Carmelita.

      —Et qui leur a dit que j'habitais cet hôtel du Rigi.

      —Ils ne savaient pas trouver mon colonel. C'est le prince lui-même qui me l'a dit.

      Et Horace expliqua comment il avait par hasard rencontré la calèche qui amenait le prince à l'hôtel du Rigi, et comment le prince lui avait expliqué qu'il venait en Suisse pour la santé de la comtesse. Il fallait à celle-ci une habitation à une altitude élevée: c'était disaient les médecins, une question de vie ou de mort.

      —Je croyais qu'il n'y avait pas de chambres disponibles en ce moment à notre hôtel, interrompit le colonel.

      —Justement il n'y en a pas.

      —Eh bien! alors?

      Horace entreprit le récit de ce qui s'était passé, comment le sommelier avait été amené par hasard, par force pour ainsi dire, à parler de la chambre que le colonel transformait en salle à manger, et comment le prince attendait l'arrivée du colonel pour lui demander cette chambre.

      A ce mot, le colonel frappa fortement la terre de son alpenstock.

      —C'est bien, dit-il, je ne rentre pas; le prince se décidera sans doute à chercher plus loin; tu diras que tu ne m'as pas rencontré. Je ne reviendrai que dans quelques jours.

      —Ah! mon colonel.

      Et Horace qui voyait s'évanouir ainsi le plan qu'il avait formé, essaya de représenter à son maître combien cette explication serait peu vraisemblable.

      Pendant quelques secondes le colonel resta hésitant; puis, tout à coup, comme s'il avait pris son parti:

      —C'est bien, dit-il, rentrons à l'hôtel.

      —Puis-je prendre les devants pour annoncer votre arrivée?

      —Non; je désire m'expliquer moi-même avec le prince.

      En arrivant à l'hôtel, il aperçut le prince installé avec sa soeur et sa nièce dans le jardin où ils prenaient des glaces; vivement le prince se leva pour accourir au devant de lui: jamais accueil ne fut plus chaleureux.

      Après le départ d'Horace, le prince avait fait monter son bagage dans le cabinet qui lui était donné sous les toits, mais il avait voulu que les malles de sa soeur et de sa nièce restassent dans le vestibule de l'hôtel.

      Avant de s'installer dans la salle à manger du colonel, il fallait attendre le retour de celui-ci.

      Il était convenable de lui demander cette chambre.

      Seulement, en même temps, il était bon de le mettre dans l'impossibilité de la refuser.

      Où coucheraient la comtesse et Carmelita?

      Devant une pareille question, la réponse ne pouvait pas être douteuse.

      C'était donc en costume de voyage que la comtesse et Carmelita avaient dîné à table d'hôte, où leur présence avait fait sensation.

      Pour Carmelita, elle se contenta de tendre la main au colonel et de poser sur lui ses grands yeux, qui s'étaient éclairés d'une flamme rapide.

      Mais ce n'était pas seulement pour avoir le plaisir de serrer la main de ce cher colonel que le prince Mazzazoli attendait son retour avec impatience.

      Il avait une demande à lui adresser, une prière, la plus importune, la plus inconvenante, mais qui lui était imposée par la nécessité.

      —Je sais par Horace de quoi il s'agit, interrompit le colonel, et je suis heureux de mettre deux de mes chambres à la disposition de ces dames. Je regrette seulement que vous n'en ayez pas déjà pris possession en m'attendant, car vous deviez bien penser que je m'empresserais de vous les offrir.

      Comme le prince se confondait en excuses en même temps qu'en remercîments, le colonel l'interrompit de nouveau.

      —Je vous assure que vous ne me devez pas tant de reconnaissance. Au reste le sacrifice que je vous fais est bien petit, et je regrette même que les circonstances le rende si insignifiant.

      —Il n'en est pas moins vrai que, pour nous, vous vous privez de vos chambres, dit Carmelita.

      —Pour une nuit....

      —Comment! pour une nuit? s'écria le prince.

      —Je pars demain soir.

      Carmelita attacha sur le colonel un long regards qui fit baisser les yeux à celui-ci.

      Pour échapper à l'embarras que ce regard de Carmelita lui causait, il se jeta dans des explications sur son départ, arrêté depuis longtemps, dit-il, et qui ne pouvait être différé.

      Puis presqu'aussitôt, prétextant la fatigue, le prince demanda au colonel la permission de conduire la comtesse à sa chambre.

      Dans son état, elle avait besoin des plus grands ménagements.

      Et tout bas il dit au colonel que la pauvre femme était bien mal et qu'un accès de fatigue pouvait la tuer.

       Table des matières

      Ce que le colonel eût voulu savoir et ce qu'il se demandait curieusement, c'était pourquoi le prince était venu au Glion.

      Il n'avait point oublié,

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