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ajoute que la ville où Zohâk fut attaqué par Féridoun, s’appelait la Forte Nevehet, ou Nuhet; et c’est le nom oriental de Nin-nuh ou Nin-Nevet (séjour de Ninus), où Sardanapale fut attaqué par Arbâk. Quant à ce que le poète ajoute de son chef, que Nevehet est Aïlia, c’est-à-dire Jérusalem, on voit là l’ignorance historique et géographique du musulman, puisque le nom d’Aïlia ne fut introduit qu’au temps d’Adrien. C’est par suite de cette fausse interprétation que, décrivant la marche de Féridoun, Ferdousi lui fait traverser le Tigre, au bord duquel l’action se passa.

      Un écrivain antérieur à ceux que nous copions, l’arménien Moïse de Chorène, a connu au 5e siècle (vers 450) toutes ces traditions perso-mèdes, et en nous présentant les noms de Zohâk et de Fridoun, sous une forme plus ancienne, il nous fournit d’utiles renseignements.

      «Comment vous amusez-vous (dit-il à son ami Isaac Bagratou), comment vous amusez-vous des plates fables populaires sur Biour-asp-Azdahâk? Et comment m’imposez-vous la tâche de vous répéter les contes absurdes sur son bienfait-méfait, sur les démons qui le servent? de vous raconter comment Hrodan (ou Vrodan) le lia avec des chaînes d’airain, et l’emmena au mont Dembaouend? Comment Hrodan s’étant endormi en route, Biourasp l’entraînait vers une colline, lorsque Hrodan réveillé le conduisit à la caverne, où il l’enferma?… etc.» (p. 77).

      Ici notre épithète connue de Piourasp, jointe à Azdehâk, nous prouve que ce dernier nom est la véritable forme ancienne de celui de Zohâk, et que les Persans modernes lui ont fait une mauvaise étymologie, en l’expliquant deh-âq, ou dix hontes. Moïse de Chorène est plus autorisé et mieux instruit qu’eux, lorsqu’il nous dit que, dans la langue arménienne [analogue en plusieurs points à l’ancien mède]60, le mot Azdehâk signifie draco, grand serpent; ce qui est le sens même du mot persan mâr, que nous avons vu être une épithète de Zohâk, ayant pour type fondamental le Draco borealis, génie de l’hiver et de tous ses maux, dont Zoroastre fit sa grande couleuvre, Ahrimân.

      D’autre part, l’arménien Mosès nous dit, pag. 38, que le nom arménien et mède d’Astyag, fils de Kyaxar, était Azdehâk, qui n’en diffère que par l’échange des consonnes fortes avec les consonnes faibles (aSTuaG aZDehâK); d’où il résulte qu’Astyag, roi méchant et fourbe, fut aussi un Zohâk61; et ce nom dut être appliqué par les Arméniens et les Perses à toute la dynastie mède; car, d’une part, Mosès ajoute que dans les vieilles chansons des paysans de son temps, la race d’Astyag était appelée race des Dragons: et d’autre part, si nous analysons le nom de Dêïôk dans sa prononciation grecque, nous y trouvons nettement Dohâk, synonyme incontestable de Zohâk.

      Alors que les rois mèdes, et spécialement Astyag, ont, comme les Assyriens et Sardanapale, reçu des peuples opprimés le nom de Zohâk ou de génies du mal, leur libérateur Féridoun devra se trouver Kyrus, qui effectivement le fut comme Arbâk. Dans les récits de Moïse de Chorène, Hrodan ou Urodan est le mot même de Fridoun ou Féridoun, attendu que les Arméniens ne prononçant pas f, ils le remplacent par H, comme font les Espagnols dans les mots hijo, hacer, hierro, etc., pour fijo, facere, ferro. Ce qu’ajoute une autre tradition persane, «que Féridoun, après avoir vaincu Zohâk, envoya en Abissinie une armée contre Koûs-Fil-Dendan, c’est-à-dire contre l’Éthiopien aux dents d’éléphant, frère de Zohâk»; ce récit, qui porte un caractère antique dans ses expressions, ne peut convenir à Arbâk, et convient très-bien à Kyrus, dont le fils Cambyses fit la guerre aux Éthiopiens, que nous savons être une race fraternelle des Homérites; enfin cet entraînement d’Azdebâk au mont Dembaouend; convient encore à Kyrus, qui, selon Ktésias62, confina Astyag chez les Barcaniens ou Hyrcaniens, dans le pays desquels se trouve le mont Dembaouend: ceci nous expliquerait un fait historique cité par Mirkoud:

      «63Vers l’an 1000 de notre ère, dit-il, lorsque Mahmoud Sebecteghin détruisit la dynastie des princes de Gaur, la tradition du pays était qu’ils descendaient des enfants de Zohâk, auxquels Féridoun laissa la vie, en transportant leur père au Dembaouend.»

      Or Ktésias dit qu’Astyag64, pour sauver ses enfants et ses petits-enfants, se livra lui-même à Kyrus.

      Un autre fait paradoxal cité par un écrivain grec, se trouve redressé en prenant encore Astyag pour Zohâk Clitarque, cité par Athénée65, prétendait, contre-tous les autres historiens, que Sardanapale, après avoir perdu son trône, n’avait point perdu la vie, mais qu’il avait vécu jusqu’à une grande vieillesse. Clitarque aura entendu les Perses dire cela de Zohâk; et comme Sardanapale est aussi un Zohâk, cet auteur s’est mépris dans l’application, et il a attribué au dernier roi assyrien ce qui appartenait au dernier roi mède; l’un et l’autre vaincus par un Féridoun, avec des circonstances très-ressemblantes.

      Selon les anciens romanciers persans, Féridoun, vainqueur de Zohâk, épousa une de ses filles dont il eut deux fils, Tour et Salem. Rien de tel ne peut se dire d’Arbâk, vis-à-vis de Sardanapale; mais, selon Ktésias, Kyrus, vainqueur d’Astuigas-Azdehak, épousa sa fille, et en eut deux fils, Cambyses et Tanyo-Xarcès66. Féridoun épousa une autre femme de sang perse, dont il eut Iredj: leur ayant partagé l’empire, il abdiqua. Nous ne connaissons point d’abdication à Kyrus; mais nos auteurs sont sujets à ces fictions: d’ailleurs le récit de Ktésias a ici quelque analogie.

      «Kyrus mourant, nomma pour son successeur Cambyses, son fils aîné; en même temps il établit Tanioxarcès souverain indépendant des Bactriens, des Choramniens, des Parthes et des Kermaniens (c’est-à-dire de la partie orientale de son empire); et de plus il donna aux deux petits-fils d’Astuigas les deux satrapies des Derbikes et des Barkaniens.»

      Voilà une sorte de partage tripartite. Ktésias67 ajoute que Cambyses fit périr son frère Tanyo-Xarcès, et les romanciers disent qu’Iredj fut tué par ses frères. Quant à ce qu’ils ajoutent, qu’Iredj donna son nom à l’Iran, et Tour au Tour-an, ils oublient, ou plutôt ils ignorent que, dès la plus haute antiquité, l’histoire nous présente la Médie sous le nom d’Aria et d’Ériéné, et le pays montueux de l’ouest et du nord, sous le nom générique de Taur et Tour; ils confondent tout, et leurs récits ressemblent à un jeu de cartes brouillé.

      Ce fils d’Iredj, nommé Manutchehr, venge sa mort, en faisant à ses oncles une guerre où ils périssent: ce dernier trait ne ressemble à rien de connu. Quant aux actions de Manutchehr, pendant son règne de 50 ans, elles ressemblent à celles de Dêïôk et de Kyaxarès. Phraortes est toujours supprimé. Manutchehr, comme Déïokès, rétablit l’ordre public, divise l’empire en provinces, crée des gouverneurs, institue des chefs de bourgade indépendants des gouverneurs, de peur que ceux-ci n’eussent trop de moyens de se révolter: il fait creuser des canaux par tout l’Aderbidjan, c’est-à-dire par toute la Médie; il élève des remparts autour des villes (allusion aux remparts d’Ekbatane), et se livre uniquement à l’administration: comme Kyaxarès, il est troublé par une irruption de Turks (les Scythes) que conduit Afrasiab: il se réfugie dans les montagnes près de la mer Caspienne; il y est assiégé long-temps inutilement, et finit par expulser les Turks, en négociant avec eux. Il y a deux ou trois successeurs, Nouder, Zou et Kershasp, qui n’ont que des règnes très-courts

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<p>60</p>

On trouve dans l’ancienne Arménie le mont Capotes, qui est un mot pur sanscrit, signifiant le Lingam (Phallus); l’Araxès perce une montagne à un lieu appelé Ordovar, et le Gange en fait autant au lieu appelé Héridvâr, etc.

<p>61</p>

Si l’on observe qu’en parlant de la défaite d’Astyag par Tigrane et Kyrus, Mosès fait mention de sa maison (militaire) de 10,000 ames, l’on pensera qu’il a voulu désigner le corps des 10,000 cavaliers devenu partie constituante de l’état militaire des Assyriens, puis des Mèdes, puis des Perses, où nous le trouvons sous le nom des 10,000 immortels. Déïôkes et Kyrus ne firent que copier Ninus: par suite d’imitation, les Tartares ont copié les Perses dans leur Touman de 10,000 cavaliers.

<p>62</p>

Ktésias dans Photuis, p. 110.

<p>63</p>

Voyez d’Herbelot, Biblioth. orient., au mot Sâm ben Souri. En général le lecteur trouvera les traditions que nous citons, soit dans la Bibliothèque orientale, soit dans le livre I de l’Histoire universelle, tom. IV, in-4°, dans lequel est inséré un extrait de Mirkond.

<p>64</p>

Ktésias en Photius, pag. 107.

<p>65</p>

Athénée, lib. XII, édit. de Schweighauser, tome IV, page 468.

<p>66</p>

Hérodote est d’accord; seulement il donne à ce second le nom de Smerdis.

<p>67</p>

Hérodote dit la même chose de Smerdis.