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de saint Pierre, sa conquête s'agrandit en Gaule, etc… Bientôt les limites du royaume des Franks furent reculées vers le sud-est, et, à l'instigation des évêques qui l'avaient converti, le néophyte (Clovis) entra à main armée chez les Burgondes (accusés par le clergé d'être hérétiques). Dans cette guerre les Franks signalèrent leur passage par la meurtre et par l'incendie, et retournèrent au nord de la Loire avec un immense butin; le clergé orthodoxe qualifiait cette expédition sanglante de pieuse, d'illustre, de sainte entreprise pour la vraie foi.

      »La trahison des prêtres livra aux Franks les villes d'Auvergne qui ne furent pas prises d'assaut; une multitude avide et sauvage se répandit jusqu'au pied des Pyrénées, dévastant la terre et traînant les hommes esclaves deux à deux comme des chiens à la suite des chariots; partout où campait le chef frank victorieux, les évêques orthodoxes assiégeaient sa tente. Germerius, évêque de Toulouse, qui resta vingt jours auprès de lui, mangeant à la table du Frank, reçut en présent des croix d'or, des calices, des patènes d'argent, des couronnes dorées et des voiles de pourpre, etc.» (Augustin Thierry, Histoire de la Conquête de l'Angleterre par les Normands.)« M. Augustin Thierry ne voit pas, comme M. Guizot, une sorte de nécessité de salut public dans l'abominable trahison, dans la hideuse complicité du clergé gaulois, lançant les Barbares sur des populations inoffensives et chrétiennes (les Visigoths étaient chrétiens, mais n'admettaient pas la Trinité), et partageant avec les pillards et les meurtriers les richesses des vaincus. M. Augustin Thierry signale surtout ce fait capital: les félicitations du pape de Rome à Clovis, après que le premier de nos rois de droit divin, souillé de tous les crimes, se fût déclaré le vassal du pape, en courbant le front devant saint Rémi, qui lui dit: Baisse le front, fier Sicambre! de ce moment, le pacte sanglant des rois et des papes, de l'aristocratie et du clergé, était conclu… Quatorze siècles de désastres, de guerres civiles ou religieuses pour le pays, d'ignorance, de honte, de misère, d'esclavage et de vasselage pour le peuple devaient être les conséquences de cette alliance du pouvoir clérical et du pouvoir royal.

      «La monarchie franque s'était surtout affermie par l'accord parfait du clergé avec le souverain, il s'en est peu fallu que Clovis n'ait été reconnu POUR SAINT, et qu'il n'ait été honoré à ce titre par l'Église, aussi bien que l'est encore aujourd'hui son épouse sainte Clotilde. À cette époque, les bienfaits accordés à l'Église étaient un meilleur titre pour gagner le ciel que les bonnes actions. La plupart des évêques des Gaules contemporains de Clovis furent liés d'amitié avec ce prince, et sont réputés saints; on assure même que saint Rémi fut son conseiller le plus habituel… Des conciles réglèrent l'usage des donations immenses faites par Clovis aux églises. Ils déclarèrent les biens-fonds du clergé exempts de toutes les taxes publiques, inaliénables, et le droit que l'Église avait acquis sur eux imprescriptible.» (Sismondi, Histoire des Français, tome I.)

      Les plus éminents historiens sont d'accord sur ce fait: Le clergé gaulois a appelé, sollicité, consacré la conquête franque et a partagé avec les conquérants les dépouilles de la Gaule. Certes, dit M. Guizot, ainsi que les écrivains de son école, la conduite du clergé était déplorable, funeste au présent et à l'avenir; mais il fallait avant tout opposer une puissance morale à la domination brutale des Barbares. La divine mission du christianisme était de civiliser, d'adoucir ces sauvages conquérants. Soit. Admettons que de la trahison envers le peuple, que d'une cupidité effrénée, que d'une ambition impitoyable, il puisse naître une puissance morale quelconque, le devoir du clergé était donc de montrer à ces farouches conquérants que la force brutale n'est rien; que la puissance morale est tout; que le fidèle selon le Christ est saint et grand par l'humilité, par la charité, par la pauvreté, par la chasteté, par l'égalité. Il fallait surtout prêcher à ces barbares que rien n'était plus horrible, plus sacrilége que de tenir son prochain en esclavage, Jésus de Nazareth ayant dit: Les fers des esclaves doivent être brisés. Il fallait enfin, et par l'influence divine dont il se disait dépositaire, et surtout par ses propres exemples, que le clergé s'occupât sans relâche de rendre les Franks humbles, humains, charitables, sobres, chastes, désintéressés. Or, que fait le clergé gaulois pour établir cette puissance morale civilisatrice? Des richesses ensanglantées, fruit du pillage et du meurtre de ses concitoyens, il en demande sa part aux conquérants. Ces esclaves, ses frères, il les reçoit en don ou les achète, les exploite et les garde en esclavage!.. lui!.. qui prétend agir et parler au nom du Christ!.. Oui… Jusqu'au huitième siècle le clergé a eu des esclaves, comme il a eu des serfs et des vassaux jusqu'au dix-huitième: il n'y a pas de cela soixante ans. Les crimes horribles des conquérants, le clergé les absout moyennant finance, et les tolère quand il ne les sanctifie. Lisez plutôt saint Grégoire, évêque de Tours, le seul historien complet de la conquête.

      Après une nomenclature des crimes innombrables du roi Clovis, l'évêque poursuit ainsi:

      «Après la mort de ces trois rois (qu'il fit tuer), Clovis recueillit leurs royaumes et leurs trésors. Ayant fait périr encore plusieurs autres rois et même ses plus proches parents, dans la crainte qu'ils ne lui enlevassent son royaume, il étendit son pouvoir sur toutes les Gaules; cependant ayant un jour rassemblé les siens, on rapporte qu'il leur parla ainsi des parents qu'il avait lui-même fait périr:

      «Malheur à moi, qui suis resté comme un voyageur parmi des étrangers, et qui n'ai plus de parents qui puissent, en cas d'adversité, me prêter leur appui! – Ce n'était pas qu'il s'affligeât de leur mort (ajoute Grégoire de Tours), mais il parlait ainsi par ruse et pour découvrir s'il lui restait encore quelqu'un à tuer (Si forte potuisset adhuc aliquem reperire ut interficeret). Après ces événements, Clovis mourut à Paris, et fut enterré dans la basilique des saints apôtres.» (L. II, p. 261.)

      Cette scène atroce, où la ruse du sauvage le dispute à sa férocité, inspire-t-elle au prêtre chrétien une légitime horreur? Va-t-il crier anathème?.. ou du moins gardera-t-il un silence presque criminel?.. Écoutons encore l'évêque de Tours:

      «Le roi Clovis, qui confessa l'Indivisible Trinité, dompte les Hérétiques, par l'appui qu'elle lui prête, et étend son royaume par toutes les Gaules. (L. III, p. 255.)

      »Chaque jour, Dieu faisait ainsi tomber les ennemis de Clovis sous sa main, et étendait son royaume, parce qu'il marchait avec un coeur pur devant lui, et faisait ce qui était agréable aux yeux du Seigneur.» (L. II, p. 255.)

      De bonne foi, quelle puissance morale et civilisatrice attendre d'un clergé dont l'un des plus éminents représentants s'exprime ainsi? d'un clergé qui comptait parmi ses membres ce saint Rémi, le conseiller habituel de ce monstre couronné, dont les forfaits révoltent la nature?

      «Que voulez-vous? c'étaient les moeurs du temps-disent certains historiens… – Et puis, que pouvaient faire les évêques contre cette invasion barbare? Ne devaient-ils pas tâcher de dominer les Franks par l'ascendant de notre sainte religion, afin de leur reprendre, par la persuasion, une partie des biens et des richesses qu'ils avaient conquis à l'aide de la violence… Il fallait enfin civiliser ces barbares par l'influence chrétienne.»

      Or, l'histoire apprend quelle fut l'influence civilisatrice de la religion sur ces fils de l'Église et sur leur descendance, dont les crimes surpassèrent encore ceux du fondateur de cette dynastie de meurtriers, de fratricides et d'incestueux.

      Les moeurs du temps! les moeurs du temps! répètent les historiens. Que fait le temps à la morale des choses? Est-ce que le meurtre, l'inceste, le fratricide, n'ont pas été réprouvés avec horreur, même par l'antiquité païenne? Et vous, prêtres catholiques, cédant à votre ambition et à votre cupidité traditionnelles, loin de tonner du haut de votre chaire évangélique contre les crimes inouïs des conquérants de votre pays, vous les sanctifiez, parce que ces féroces barbares confessent votre Trinité, votre Dieu et surtout enrichissent vos églises en se laissant subalterniser par votre habituelle astuce!

      Je me trompe, les évêques qui enregistraient si benoîtement les crimes des rois, dont ils étaient grassement payés, avaient parfois de véhémentes paroles de blâme contre les puissants

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