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sous une forme qui n'est point celle des autres récits de cette chronique.

      La Bretagne, toujours paisible, se gouverne par les chefs qu'elle choisit; les Franks n'ont pas osé tenter d'y pénétrer de nouveau… Mais dans le récit de mon neveu Ronan, notre descendance trouvera le secret de ce mystère, que mon grand-père Araïm n'a pas eu le courage d'écrire:

      «Comment le peuple gaulois, qui jadis avait su s'affranchir du joug des Romains si puissants, avait-il subi, subissait-il la conquête des Franks, auxquels il est mille fois supérieur en nombre et en courage?»

      Plaise aux dieux qu'il n'en soit pas un jour de la Bretagne comme des autres provinces de la Gaule! plaise aux dieux que notre contrée, la seule libre aujourd'hui, ne tombe jamais sous la domination des Franks et des évêques de Rome, et que nos druides chrétiens ou non chrétiens continuent de nous inspirer!

FIN DU PROLOGUE

      L'AUTEUR

      AUX ABONNÉS DES MYSTÈRES DU PEUPLE

      Chers Lecteurs,

      Il faut vous l'avouer, notre oeuvre n'est point du goût des gouvernements despotiques: en Autriche, en Prusse, en Russie, en Italie, dans une partie de l'Allemagne, les Mystères du Peuple sont défendus; à Vienne même, une ordonnance royale contre-signée Vindisgraëtz (un des bourreaux de la Hongrie), prohibe la lecture de notre livre. Les préfets et généraux de nos départements en état de siége font les Vindisgraëtz au petit pied; ils mettent notre oeuvre à l'index dans leurs circonscriptions militaires; ils vont plus loin: le général qui commande à Lyon a fait saisir des ballots de livraisons des Mystères du Peuple que le roulage, muni d'une lettre de voiture régulière, transportait à Marseille. Dans les villes qui ne jouissent pas des douceurs du régime militaire, les libraires et les correspondants de notre éditeur ont été exposés aux poursuites, aux tracasseries, aux dénis de justice les plus incroyables. Pourquoi cela? Notre ouvrage a-t-il été incriminé par le procureur de la République? Jamais. Contient-il quelque attaque directe ou indirecte à la Religion, à la Famille, à la Propriété? Vous en êtes juges, chers lecteurs. En ce qui touche la religion, j'ai exalté de toute la force de ma conviction la céleste morale de Jésus de Nazareth, le divin sage; en ce qui touche la famille, j'ai pris pour thème de nos récits l'histoire d'une famille, idéalisant de mon mieux cet admirable et religieux esprit familial, l'un des plus sublimes caractères de la race gauloise; en ce qui touche la propriété, j'essaye de vous faire partager mon horreur pour la conquête franque, sacrée, légitimée par les évêques; conquête sanglante, monstrueuse, établie par le pillage, la rapine et le massacre; en un mot, l'une des plus abominables atteintes qui aient jamais été portées au droit de propriété, de sorte que l'on peut, que l'on doit dire de l'origine des possessions de la race conquérante, rois, seigneurs ou évêques: La royauté, c'est le vol! la propriété féodale, c'est le vol! la propriété ecclésiastique, c'est le vol!.. puisque royauté, biens féodaux, biens de l'Église, n'ont eu d'autre origine que la conquête franque. Notre livre est-il immoral, malsain, corrupteur? Jugez-en, chers lecteur, jugez-en. Nous avons voulu populariser les grandes et héroïques figures de notre vieille nationalité gauloise et inspirer pour leur mémoire un filial et pieux respect; nous ne prétendons pas créer une oeuvre éminente, mais nous croyons fermement écrire un livre honnête, patriotique, sincère, dont la lecture ne peut laisser au coeur que des sentiments généreux et élevés. D'où vient donc cette persécution acharnée contre les Mystères du Peuple? C'est que notre livre est un livre d'enseignement; c'est que ceux qui auront bien voulu le lire et se souvenir, garderont conscience et connaissance des grands faits historiques, nationaux, patriotiques et révolutionnaires qui ont toujours épouvanté les gouvernements; car jusqu'ici tout gouvernement, tout pouvoir a tendu plus ou moins, lui et ses fonctionnaires, à jouer le rôle de conquérant et à traiter le peuple en race conquise. Qu'était-ce donc, sous le dernier régime, que ces deux cent mille privilégiés gouvernant la France par leurs députés, sinon une manière de conquérants dominant trente-cinq millions d'hommes de par leur droit électoral? Qu'est-ce que cette armée, ces canons, en pleine paix, au milieu de la cité, au milieu de citoyens désarmés, sinon l'un des vestiges de l'oppression brutale de la conquête?.. Aussi, le jour de l'avénement définitif de la République démocratique effacera-t-il les dernières traces de ces traditions conquérantes, et la France, sincèrement, réellement gouvernée par elle-même, sera seulement alors un pays libre. – Cela dit, passons.

      Nous voici donc arrivés à l'une des plus douloureuses époques de notre histoire. Les Franks, appelés, sollicités par les évêques gaulois, ont envahi et conquis la Gaule. Cette conquête, accomplie, nous l'avons dit, par le pillage, l'incendie, le massacre; cette conquête, inique et féroce comme le vol et le meurtre, le clergé l'a désirée, choyée, caressée, légitimée, bénie, presque sanctifiée dans la personne de Clovis, roi de ces conquérants barbares, en le baptisant, dans la basilique de Reims, fils soumis de la sainte Église catholique, apostolique et romaine, par les mains de saint Rémi. Pourquoi les prêtres d'un Dieu d'amour et de charité ont-ils ainsi légitimé des horreurs qui soulèvent le coeur et révoltent la conscience humaine? Pourquoi ont-ils ainsi trahi et livré la Gaule, hébétée, avilie, châtrée par eux à dessein et de longue main? Pourquoi l'ont-ils ainsi trahie et livrée, notre sainte patrie, elle, ses enfants, ses biens, son sol, son drapeau, sa nationalité, son sang, au servage affreux de l'étranger? Pourquoi? Trois des grands historiens qui résument la science moderne, quoique à des points de vue différents, vont nous l'apprendre.

      «… Presque immédiatement après la conquête des Franks, les évêques et les chefs des grandes corporations ecclésiastiques, abbés, prieurs, etc., prirent place parmi les leudes 1 du roi Clovis… Aucune magistrature, aucun pouvoir n'a été en aucun temps le sujet de plus de brigues et d'efforts que l'épiscopat. La vacance d'un siége devenait même souvent un sujet de guerre: Hilaire, archevêque d'Arles, écarta plusieurs évêques contre toute règle, et en ordonna d'autres de la manière la plus indécente, malgré le voeu formel des habitants des cités. Et comme ceux qui avaient été nommés de la sorte ne pouvaient se faire recevoir de bonne grâce par les citoyens qui ne les avaient pas élus, ils rassemblaient des bandes de gens armés et allaient assiéger la ville où ils avaient été nommés évêques… On peut voir dans l'édit d'Athalarik, roi des Visigoths, quelles mesures le législateur civil dut prendre contre les candidats à l'épiscopat. Nul code électoral ne s'est donné plus de peine pour empêcher la violence, la fraude et la corruption.

      »… Loin de porter atteinte à la puissance du clergé, l'établissement des Franks dans les Gaules ne servit qu'à l'accroître; par les bénéfices, les legs, les donations de tous genres, ils acquéraient des biens immenses et prenaient place parmi L'ARISTOCRATIE DES CONQUÉRANTS.

      »… Là fut le secret de la puissance du clergé. Il en pouvait faire, il en faisait chaque jour des usages coupables et qui devaient être funestes à l'avenir:… Souvent conduit, comme les Barbares, par des intérêts et des passions purement terrestres, le clergé partagea avec eux la richesse, le pouvoir, TOUTES LES DÉPOUILLES DE LA SOCIÉTÉ, etc., etc.» (Guizot, Essais sur l'histoire de France.)

      M. Guizot, en signalant aussi énergiquement et en déplorant la part monstrueuse que le clergé se fit lors de la conquête et de l'asservissement de la Gaule, ajoute que c'était presque un mal nécessaire en un temps désastreux où il fallait chercher à opposer une puissance morale à la domination sauvage et sanglante des conquérants. Nous nous permettrons de ne pas partager l'opinion de l'illustre historien, et nous dirons tout à l'heure en quelques mots les raisons de notre dissidence.

      «A la tête des Franks se trouvait un jeune homme nommé Hlode-Wig (Clovis), ambitieux, avare et cruel; les évêques gaulois le visitèrent et lui adressèrent leurs messages; plusieurs se firent les complaisants domestiques de sa maison, que dans leur langage romain ils appelaient sa royale cour…

      »… Des courriers portèrent

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<p>1</p>

Les anstrustions et les leudes étaient les compagnons de guerre des rois et des chefs franks qu'ils choisissaient pour les commander, mais avec lesquels ils vivaient d'ailleurs sur le pied d'une égalité presque parfaite. Les anstrustions ou leudes du roi sont devenus plus tard les grands vassaux.