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de cette femme! Je la croyais incapable, non pas d'un mensonge, mais de la plus légère dissimulation. Eh bien! jamais elle n'a même prononcé devant moi le nom de cet homme, et c'est à lui qu'elle confie… Tenez, il y a là un odieux mystère que j'ai hâte de pénétrer.

      – Tout ce que ce bavard nous a raconté hier de la vie du colonel est assez étrange, – dit Alfred; – il en ressort du moins que c'est un être infiniment bizarre. Cet intérieur délabré n'annonce pas non plus un caractère des plus réjouissants; sans vos tristes préoccupations, je serais ravi de me trouver face à face avec Robin des Bois, avec le Vampire, comme disent ces bonnes gens. Mais quel froid!.. quel froid! Si c'est le diable, il devrait au moins, par égard pour ceux qui viennent le voir, jeter ici comme un reflet de sa rôtissoire infernale.

      A ce moment, le domestique ouvrit une porte; le colonel entra.

      C'était un homme de haute taille, très-simplement vêtu. Il paraissait âgé de trente-six ans, quoique ses cheveux bruns commençassent à grisonner légèrement sur les tempes.

      Son teint était très-basané; le pli profond qui séparait ses sourcils noirs, droits et prononcés, lui donnait une physionomie dure, hautaine, quoique ses traits, d'ailleurs très-réguliers, eussent pu dans d'autres temps exprimer des sentiments plus doux. Il tenait à la main la carte de Gaston; il y jeta les yeux, et dit d'une voix ferme, brève, et sans aucun accent étranger, en interrogeant à la fois les deux jeunes gens:

      – Monsieur le comte Gaston de Senneville?

      – C'est moi, monsieur, – dit Gaston. – Puis, montrant son ami, il ajouta: – M. le marquis de Baudricourt.

      Le colonel fit de nouveau un léger mouvement de tête en manière de salut.

      Regardant Gaston bien en face, croisant ses mains derrière son dos, il attendit que ce dernier lui expliquât le sujet de cette visite.

      Malgré son assurance, malgré son habitude du monde, Gaston resta un moment interdit.

      Les traits durs et bronzés du colonel étaient impassibles; on eût dit un masque d'airain. Ses grands yeux gris avaient un regard clair, fixe, pénétrant, qui, à la longue, devenait insupportable.

      Rien de plus difficile que de rompre certains silences. Soit qu'Alfred attendît que Gaston prît la parole, soit que celui-ci attendît que le colonel parlât, tous trois restèrent muets quelques minutes.

      Alors seulement Gaston sentit qu'il lui serait assez difficile d'expliquer le sujet de sa visite sans compromettre la femme dont il croyait avoir à se plaindre.

      Ainsi que cela arrive souvent, au moment de l'explication qu'il venait demander, Gaston fut assailli de mille réflexions qu'il aurait dû faire avant que de se présenter chez le colonel.

      L'embarras, le dépit, la colère, lui firent monter la rougeur au front. Alfred, voulant mettre un terme à cette scène embarrassante, dit au colonel:

      – Monsieur, vous savez sans doute le sujet qui nous amène auprès de vous?

      – Non, monsieur, – dit Ulrik.

      – Il s'agit, monsieur, d'un coffret qui m'appartient, – s'écria Gaston, et qui vous a été remis hier par une femme que vous devez connaître… car elle est l'émissaire d'une autre femme qui ne peut sans doute vous être inconnue…

      – Je ne sais pas ce que vous voulez dire, monsieur, – répondit le colonel.

      – Monsieur!.. – dit vivement Gaston.

      – Monsieur!.. – dit le colonel sans élever davantage la voix.

      Il y eut un nouveau silence; Gaston se mordit les lèvres de dépit.

      Alfred reprit avec sang-froid:

      – M. de Senneville a le plus grand intérêt, monsieur, à savoir si un coffret qui lui appartient, et qui renferme des papiers fort importants, vous a été remis hier dans l'après-midi. Si vous voulez bien, monsieur, lui donner votre parole d'honneur que ce coffret n'a pas été ou n'est pas en votre possession, M. de Senneville se déclarera satisfait.

      – Je ne me déclarerai satisfait que si…

      – Mon ami, vous avez bien voulu me prendre pour conseil, dit Alfred, – permettez-moi donc de m'expliquer avec monsieur.

      – L'explication sera fort simple, messieurs, – dit le colonel en faisant quelques pas vers la porte pour montrer que toute autre question serait vaine: – je n'ai aucune réponse à faire.

      – Ainsi, monsieur, – s'écria Gaston, – vous refusez de donner votre parole que…

      – Je refuse, monsieur, de répondre aux questions dont je n'admets pas la convenance, – dit le colonel; et il s'avança toujours vers la porte.

      Gaston et Alfred restèrent près de la fenêtre.

      – Monsieur, – dit Alfred en se contenant à peine, – votre mouvement vers la porte signifierait-il que cette conversation a trop duré?

      – Trop… peut-être, monsieur, – dit le colonel en mettant la main sur la serrure, – mais certainement assez… Je n'ai rien à dire ni à écouter.

      – Et moi, je vous déclare, monsieur, que je ne sortirai pas d'ici que vous ne m'ayez répondu – s'écria Gaston. – Ce coffret est-il ici, oui ou non?

      – Un mot, monsieur, je vous prie, – dit Alfred, qui semblait vouloir épuiser toutes les voies de conciliation. – Vous êtes homme du monde, monsieur, et nous nous sommes adressés à vous en gens du monde, nous nous y sommes résolus après de sûrs renseignements: ces renseignements nous donnent la certitude que le coffret dont il s'agit a été remis, sinon à vous, monsieur, du moins à un de vos gens. Si vous ignorez cette circonstance, veuillez interroger votre domestique.

      – Cela est inutile, monsieur.

      – Mais alors, – s'écria Gaston en frappant du pied avec violence, – il faut…

      – Gaston… un mot encore, – dit Alfred; – et il ajouta:

      – Puisque vous nous refusez cet éclaircissement, monsieur, vous restez seul responsable du fait en question. Nous nous adressons une dernière fois à votre honneur, pour obtenir de vous une réponse positive. M. de Senneville serait aux regrets de sortir des bornes de la modération, et vous êtes, monsieur, de trop bonne compagnie pour ne pas accueillir avec politesse une demande faite avec politesse.

      – J'ai déjà eu l'honneur de vous dire deux fois, messieurs, que je n'avais aucune réponse à faire à ce sujet, – répéta le colonel, toujours calme et froid.

      Alfred et Gaston se regardèrent avec indignation.

      – Il est évident, monsieur, – dit Alfred, que nous ne pouvons vous forcer à parler et à vous expliquer; mais…

      – Il est inutile de prolonger davantage cet entretien, monsieur, – dit fermement Gaston; – refuser de répondre, c'est avouer que vous possédez ce coffret; j'ai des raisons de regarder cette possession comme un outrage pour moi, je vous en demande donc satisfaction.

      – Soit, monsieur, – dit le colonel en ouvrant la porte du salon.

      – Monsieur voudra bien venir dans la journée s'entendre avec vos témoins, – dit Gaston en montrant Alfred.

      – C'est inutile, monsieur; nous pouvons à l'instant choisir l'heure, le lieu, les armes, – dit le colonel.

      – Eh bien! monsieur… l'heure… demain matin, dix heures, – dit Gaston.

      – A dix heures, – dit le colonel.

      – Au bois de Vincennes, près la faisanderie.

      – Au bois de Vincennes, – dit le colonel.

      – Quant aux armes, – dit Gaston, – choisissez, monsieur.

      – Cela

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