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ignorance profonde de la Physique la plus simple et la plus connue. C'est-là la pierre de touche des Livres que les fausses Religions prétendent écrits par la Divinité; car Dieu n'est ni absurde ni ignorant; mais le Vulgaire qui ne voit point ces fautes, les adore, et les Docteurs emploient un déluge de paroles pour les pallier.

      Quelques personnes ont cru sur un passage équivoque de l'Alcoran, que Mahomet ne savait ni lire ni écrire; ce qui ajouterait encore aux prodiges de ses succès: mais il n'est pas vraisemblable qu'un homme qui avait été négociant si longtemps, ne sût pas ce qui est si nécessaire au négoce: encore moins est-il probable, qu'un homme si instruit des Histoires et des Fables de son Pays, ignorât ce que savaient tous les enfants de sa Patrie. D'ailleurs les Auteurs Arabes rapportent qu'en mourant, Mahomet demanda une plume et de l'encre.

      Persécuté à la Mecque, sa fuite qu'on nomme Égire, devint l'époque de sa gloire et de la fondation de son Empire. De fugitif il devint conquérant; réfugié à Médine, il y persuada le peuple et l'asservit: il battit d'abord avec 113 hommes les Mecquois, qui étaient venus fondre sur lui au nombre de mille. Cette victoire, qui fut un miracle aux yeux de ses Sectateurs, les persuada que Dieu combattait pour eux, comme eux pour lui. Dès la première victoire, ils espérèrent la conquête du Monde. Mahomet prit la Mecque, vit ses persécuteurs à ses pieds, conquit en neuf ans par la parole et par les armes toute l'Arabie, Pays aussi grand que la Perse, et que les Perses ni les Romains n'avaient pu conquérir.

      Dès ses premiers succès il avait écrit au Roi de Perse Cosroès Second, à

      l'Empereur Héraclius, au Prince des Coptes Gouverneur d'Égypte, au Roi des

      Abyssins, à un Roi nommé Mandar, qui régnait dans une Province près du

      Golfe Persique.

      Il osa leur proposer d'embrasser sa Religion; et ce qui est étrange, c'est que de ces Princes il y en eut deux qui se firent Mahométans. Ce furent le Roi d'Abyssinie et ce Mandar. Cosroès déchira la Lettre de Mahomet avec indignation. Héraclius répondit par des présents. Le Prince des Coptes lui envoya une Fille qui passait pour un chef-d'œuvre de la Nature, et qu'on appelait La belle Marie.

      Mahomet au bout de neuf ans se croyant assez fort pour étendre sa conquête et sa religion dans l'Empire Grec et Persan, commença par attaquer la Syrie soumise alors à Héraclius, et lui prit quelques Villes. Cet Empereur entêté de disputes métaphysiques de Religion, et qui avait pris le parti des Monothélites, essuya en peu de temps deux propositions bien singulières; l'une de la part de Cosroès Second, qui l'avait longtemps vaincu, et l'autre de la part de Mahomet. Cosroès voulait qu'Héraclius embrassât la Religion des Mages, et Mahomet qu'il se fît Musulman.

      Enfin Mahomet maître de l'Arabie, et redoutable à tous ses voisins, attaqué d'une maladie mortelle à Médine à l'âge de 63 ans, voulut que ses derniers moments parussent ceux d'un Héros et d'un Juste: Que celui à qui j'ai fait violence et injustice paraisse, s'écria-t-il, et je suis prêt de lui faire réparation. Un homme se leva, qui lui redemanda quelque argent; Mahomet le lui fit donner, et expira peu de temps après, regardé comme un grand-homme par ceux mêmes qui savaient qu'il était un imposteur, et révéré comme un Prophète par tout le reste.

      Sa dernière volonté ne fut point exécutée. Il avait nommé Aly son gendre et Fatime sa fille pour les héritiers de son Empire. Mais l'ambition qui l'emporte sur le fanatisme même, engagea les Chefs de son Armée à déclarer Calife, c'est-à-dire Vicaire du Prophète, le vieux Abubéker son beau-père, dans l'espérance qu'ils pourraient bientôt eux-mêmes partager la succession. Aly resta dans l'Arabie, attendant le temps de se signaler.

      Abubéker rassembla d'abord en un corps les feuilles éparses de l'Alcoran. On lut en présence de tous les Chefs les chapitres de ce Livre, et on établit son authenticité invariable.

      Bientôt Abubéker mena ses Musulmans en Palestine, et y défit le frère d'Héraclius. Il mourut peu après avec la réputation du plus généreux de tous les hommes, n'ayant jamais pris pour lui qu'environ quarante sous de notre monnaie par jour de tout le butin qu'on partageait, et ayant fait voir combien le mépris des petits intérêts peut s'accorder avec l'ambition que les grands intérêts inspirent.

      Omar élu après lui fut un des plus rapides Conquérants qui aient désolé la Terre. Il prend d'abord Damas, célèbre par la fertilité de son territoire, par les ouvrages d'acier les meilleurs de l'Univers, par ces étoffes de Soie qui portent encore son nom. Il chasse de la Syrie et de la Phénicie les Grecs qu'on appelait Romains. Il reçoit à composition après un long siège, la Ville de Jérusalem toujours occupée par des étrangers, qui se succédèrent les uns aux autres, depuis que David l'eut enlevée à ses anciens citoyens.

      Dans le même temps les Lieutenants d'Omar s'avançaient en Perse. Le dernier des Rois Persans, que nous appelons Hormisdas IV, livre bataille aux Arabes à quelques lieues de Madain, devenue la Capitale de cet Empire. Il perd la bataille et la vie. Les Perses passent sous la domination d'Omar, plus facilement qu'ils n'avaient subi le joug d'Alexandre.

      Alors tomba cette ancienne Religion des Mages, que le Vainqueur de Darius avait respectée; car il ne toucha jamais au culte des Peuples vaincus.

      Les Mages fondés par Zoroastre et réformés ensuite par un autre Zoroastre du temps de Darius, fils d'Hydaspes, adorateurs d'un seul Dieu, ennemis de tout simulacre, révéraient dans le Feu qui donne la vie à la Nature, l'emblême de la Divinité. Ils reconnaissaient de tout temps un mauvais Principe, à qui Dieu permettait de faire le mal, ils le nommaient Satan, et c'est parmi eux que Mannés avait puisé sa Doctrine des deux Principes. Ils regardaient leur Religion comme la plus ancienne et la plus pure. La connaissance qu'ils avaient des Mathématiques, de l'Astronomie et de l'Histoire, augmentait leur mépris pour leurs vainqueurs alors ignorants. Ils ne purent abandonner une Religion consacrée par tant de siècles pour une Secte ennemie qui venait de naître.

      Ils se retirèrent aux extrémités de la Perse et de l'Inde. C'est là qu'ils vivent aujourd'hui sous le nom de Gavres ou de Guèbres, ne se mariant qu'entre eux, entretenant le Feu sacré, fidèles à ce qu'ils connaissent de leur ancien culte, mais ignorants, méprisés et, à leur pauvreté près, semblables aux Juifs si longtemps dispersés sans s'allier aux autres Nations, et plus encore aux Banians, qui ne sont établis et dispersés que dans l'Inde.

      Tandis qu'un Lieutenant d'Omar subjugue la Perse, un autre enlève l'Égypte entière aux Romains et une grande partie de la Lybie. C'est dans cette conquête qu'est brûlée la fameuse Bibliothèque d'Alexandrie, monument des connaissances et des erreurs des hommes, commencée par Ptolémée7 Philadelphe, et augmentée par tant de Rois. Alors les Sarrasins ne voulaient de Science que l'Alcoran.

      Après Omar tué par un Esclave Perse, Aly ce gendre de Mahomet que les Persans révèrent aujourd'hui, et dont ils suivent les principes en opposition à ceux d'Omar, obtint enfin le Califat, et transféra le Siège des Califes dans la Ville de Médine, où Mahomet est enseveli dans la Ville de Couffa sur les bords de l'Euphrate: à peine en reste-t-il aujourd'hui des ruines. C'est le sort de Babylone, de Séleucie, et de toutes les anciennes Villes de la Chaldée, qui n'étaient bâties que de briques.

      Après le règne de seize Califes de la Maison des Ommiades, régnèrent les Califes Abassides. C'est Abougrafar Almanzor, second Calife Abasside, qui fixa le Siège de ce grand Empire à Bagdad8 au-delà de l'Euphrate dans la Chaldée. Les Turcs disent qu'il en jeta les fondements. Les Persans assurent qu'elle était très-ancienne, et qu'il ne fit que la réparer. C'est cette Ville qu'on appelle quelquefois Babylone, et qui a été le sujet de tant de guerres entre la Perse et la Turquie.

      La domination des Califes dura 655 ans, despotiques dans la Religion, comme dans le Gouvernement. Ils n'étaient point adorés, ainsi que le grand Lama; mais ils avaient une autorité plus réelle, et dans les temps même de leur décadence, ils furent respectés des Princes qui les persécutaient. Tous ces Sultans Turcs, Arabes, Tartares, reçurent l'investiture des Califes, avec bien moins de contestation, que plusieurs Princes Chrétiens n'en ont reçu des Papes. On ne baisait point les pieds du Calife, mais on se prosternait

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<p>7</p>

Écrit «Ptolomée» dans l'édition originale de Jean Neaulme (1753).

<p>8</p>

Écrit «Bagdat» dans l'édition originale de Jean Neaulme (1753).