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La grande ombre. Артур Конан Дойл
Читать онлайн.Название La grande ombre
Год выпуска 0
isbn
Автор произведения Артур Конан Дойл
Жанр Зарубежная классика
Издательство Public Domain
Mes amis disent que si le hasard avait placé mon lit en sens contraire, j'aurais eu peut-être la chevelure d'un blond moins roux et l'esprit d'une tournure moins solennelle.
Ce que je sais, c'est qu'une fois en ma vie, où ma tête dÉcossais ne voyait aucun moyen de me tirer de péril, mes bonnes grosses jambes d'Anglais vinrent à mon aide et m'en éloignèrent jusqu'en lieu sûr.
Mais à l'école, cela me valut des histoires à n'en plus finir: les uns m'avaient surnommé Grog à l'eau; pour d'autres j'étais la « Grande Bretagne » pour d'autres, « l'Union Jock ».
Lorsqu'il y avait une bataille entre les petits Écossais et les petits Anglais, les uns me donnaient des coups de pied dans les jambes, les autres des coups de poing sur les oreilles.
Puis on s'arrêtait des deux côtés pour se mettre à rire, comme si la chose était bien plaisante.
Dans les commencements, je fus très malheureux à l'école de Berwick.
Birtwhistle était le premier maître, et Adams le second, et je n'avais d'affection ni pour l'un ni pour l'autre.
Jétais naturellement timide, très peu expansif.
Je fus long à me faire un ami soit parmi les maîtres, soit parmi mes camarades.
Il y avait neuf milles à vol d'oiseau, et onze milles et demi par la route, de Berwick à West Inch.
J'avais le coeur gros en pensant à la distance qui me séparait de ma mère.
Remarquez, en effet, qu'un garçon de cet âge, tout en prétendant se passer des caresses maternelles, souffre cruellement, hélas! quand on le prend au mot.
À la fin, je n'y tins plus, et je pris la résolution de menfuir de l'école, et de retourner le plus tôt possible à la maison.
Mais au dernier moment, j'eus la bonne fortune de m'attirer l'éloge et l'admiration de tous depuis le directeur de lécole, jusqu'au dernier élève, ce qui rendit ma vie d'écolier fort agréable et fort douce.
Et tout cela, parce que par suite d'un accident, j'étais tombé par une fenêtre du second étage.
Voici comment la chose arriva:
Un soir j'avais reçu des coups de pieds de Ned Barton, le tyran de l'école. Cet affront, s'ajoutant à tous mes autres griefs, fit déborder ma petite coupe.
Je jurai, ce soir même, en enfouissant ma figure inondée de larmes sous les couvertures, que le lendemain matin me trouverait soit à West Inch, soit bien près d'y arriver.
Notre dortoir était au second étage, mais j'avais une réputation de bon grimpeur, et les hauteurs ne me donnaient pas le vertige.
Je n'éprouvais aucune frayeur, tout petit que j'étais, de me laisser descendre du pignon de West Inch, au bout d'une corde serrée à la cuisse, et cela faisait une hauteur de cinquante-trois pieds au-dessus du sol.
Dès lors, je ne craignais guère de ne pas pouvoir sortir du dortoir de Birtwhistle.
J'attendis avec impatience que l'on eût fini de tousser et de remuer.
Puis quand tous les bruits, indiquant qu'il y avait encore des gens réveillés, eurent cessé de se faire entendre sur la longue ligne des couchettes de bois, je me levai tout doucement, je m'habillai, et mes souliers à la main, je me dirigeai vers la fenêtre sur la pointe des pieds.
Je l'ouvris et jetai un coup d'oeil au dehors.
Le jardin s'étendait au-dessous de moi, et tout près de ma main s'allongeait une grosse branche de poirier.
Un jeune garçon agile ne pouvait souhaiter rien de mieux en guise d'échelle.
Une fois dans le jardin, je n'aurais plus qu'à franchir un mur de cinq pieds.
Après quoi, il n'y aurait plus que la distance entre moi et la maison.
J'empoignai fortement une branche, je posai un genou sur une autre branche, et j'allais m'élancer de la fenêtre, lorsque je devins tout à coup aussi silencieux, aussi immobile que si j'avais été changé en pierre.
Il y avait par-dessus la crête du mur une figure tournée vers moi.
Un glacial frisson de crainte me saisit le coeur en voyant cette figure dans sa pâleur et son immobilité.
La lune versait sa lumière sur elle, et les globes oculaires se mouvaient lentement des deux côtés, bien que je fusse caché à sa vue par le rideau que formait le feuillage du poirier.
Puis par saccades, la figure blanche s'éleva de façon à montrer le cou.
Les épaules, la ceinture et les genoux d'un homme apparurent.
Il se mit à cheval sur la crête du mur, puis d'un violent effort, il attira vers lui un jeune garçon à peu près de ma taille qui reprenait haleine de temps à autre, comme s'il sanglotait.
L'homme le secoua rudement en lui disant quelques paroles bourrues.
Puis ils se laissèrent aller tous deux par terre dans le jardin.
J'étais encore debout, et en équilibre, avec un pied sur la branche et l'autre sur l'appui de la fenêtre, n'osant pas bouger, de peur d'attirer leur attention, car je les voyais s'avancer à pas de loup, dans la longue ligne d'ombre de la maison.
Tout à coup exactement au-dessous de mes pieds j'entendis un bruit sourd de ferraille, et le tintement aigre que fait du verre en tombant.
– Voilà qui est fait, dit l'homme d'une voix rapide et basse, vous avez de la place.
– Mais l'ouverture est toute bordée d'éclats, fit l'autre avec un tremblement de frayeur.
L'individu lança un juron qui me donna la chair de poule.
– Entrez, entrez, maudit roquet, gronda-t-il, ou bien je…
Je ne pus voir ce qu'il fit. Mais il y eut un court halètement de douleur.
– J'y vais, j'y vais, s'écria le petit garçon.
Mais je n'en entendis pas plus long, car la tête me tourna brusquement.
Mon talon glissa de la branche.
Je poussai un cri terrible et je tombai de tout le poids de mes quatre-vingt quinze livres, juste sur le dos courbé du cambrioleur.
Si vous me le demandiez, tout ce que je pourrais vous répondre, c'est qu'aujourd'hui même je ne saurais dire si ce fut un accident, ou si je le fis exprès.
Il se peut bien que pendant que je songeais à le faire, le hasard se soit chargé de trancher la question pour moi.
L'individu était courbé, la tête en avant, occupé à pousser le gamin à travers une étroite fenêtre quand je m'abattis sur lui à l'endroit même où le cou se joint à l'épine dorsale.
Il poussa une sorte de cri sifflant, tomba la face en avant et fit trois tours sur lui-même en battant l'herbe de ses talons.
Son petit compagnon s'éclipsa au clair de la lune et en un clin d'oeil il eut franchi la muraille.
Quant à moi, je m'étais assis pour crier à tue-tête et frotter une de mes jambes où je sentais la même chose que si elle eut été prise dans un cercle de métal rougi au feu.
Vous pensez bien qu'il ne fallut pas longtemps pour que toute la maison, depuis le directeur de l'école, jusqu'au valet d'écurie accourussent dans le jardin avec des lampes et des lanternes.
La chose fut bientôt éclaircie.
L'homme fut placé sur un volet et emporté.
Quant à moi, on me transporta en triomphe, et solennellement dans une chambre à coucher spéciale, où le chirurgien Purdle, le cadet des deux qui portent ce nom, me remit en place le péroné.
Quant au voleur, on reconnut qu'il avait les jambes paralysées, et les médecins ne purent se mettre d'accord sur le point de savoir s'il en retrouverait ou non l'usage.
Mais