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La vie infernale. Emile Gaboriau
Читать онлайн.Название La vie infernale
Год выпуска 0
isbn
Автор произведения Emile Gaboriau
Жанр Зарубежная классика
Издательство Public Domain
Ce que Pascal ne pouvait soupçonner, c’est qu’en ce moment suprême, pas un de ses gestes, pas un des tressaillements de son visage n’échappaient à cette mère dont il balbutiait le nom.
Depuis que son fils l’avait quittée pour courir au Palais, la pauvre femme ne vivait plus, écrasée qu’elle était par la certitude de quelque grand malheur.
Quand elle entendit Pascal rentrer et s’enfermer dans son cabinet, ce qu’il ne faisait jamais, un pressentiment sinistre comme un glas de mort traversa son esprit.
Emportée par un mouvement instinctif, elle courut à la porte qui donnait de la chambre dans le cabinet du son fils, et dont les panneaux supérieurs étaient remplacés par des glaces.
Le verre était dépoli en grande partie par des dessins; néanmoins, avec un peu d’application, on distinguait d’une pièce ce qui se passait dans l’autre.
Voyant Pascal s’asseoir à son bureau et se mettre à écrire, Mme Férailleur s’était sentie un peu rassurée, et même elle eut envie de s’éloigner. Un sentiment indéfinissable, plus fort que la volonté et le raisonnement, la cloua à sa place…
Peu d’instants après elle vit un revolver aux mains de son fils, et alors elle comprit. Tout son sang se glaça dans ses veines, et cependant elle eut sur elle-même assez de puissance pour retenir un cri de terreur.
C’est que le danger était extrême, imminent, terrible; elle le sentait…
Son cœur, à défaut de sa raison égarée, lui disait que la vie de son fils dépendait de la plus insignifiante circonstance… Le bruit le plus léger, un mot, un coup frappé à la porte, pouvaient précipiter la fatale résolution de l’infortuné.
Une inspiration du ciel éclaira la pauvre mère.
La porte était à deux battants, et les barres se trouvaient du côté de Mme Férailleur. Elle les tira avec précaution, puis brusquement, d’un seul coup, elle poussa la porte, se précipita dans le cabinet, et bondit jusqu’à son fils, qu’elle entoura de ses bras…
– Pascal!.. malheureux!.. Qu’allais-tu faire!..
Lui fut si surpris que son arme lui échappa et qu’il s’affaissa sur son fauteuil… L’idée ne lui venait pas de nier, et d’ailleurs prononcer une parole lui eût été impossible.
Mais il y avait sur son bureau adressée à sa mère, une lettre qui devait parler de lui.
Mme Férailleur la prit, brisa le cachet et lut:
«Pardonne-moi… je vais mourir, il le faut; je ne saurais me résigner à vivre déshonoré et je le suis…»
– Déshonoré!.. toi!.. s’écria la malheureuse mère. Qu’est-ce que cela signifie, mon Dieu!.. Parle, je t’en conjure, dis-moi tout, il le faut, je te l’ordonne… je le veux!
Peu à peu, il se remettait à ces accents si tendres et si impérieux à la fois, et d’une voix morne, il raconta la terrifiante succession des événements qui l’accablaient.
Il n’omettait pas un détail, exagérant, s’il est possible, plutôt que palliant l’horreur de sa situation. Soit qu’il ressentît une atroce satisfaction à se prouver à lui-même que tout était désespéré, soit qu’il crût pouvoir amener sa mère à lui dire:
– Oui, tu as raison, et la mort est ton seul refuge…
Elle l’écoutait pétrifiée, la pupille dilatée par la stupeur et l’épouvante, incertaine si elle veillait ou si elle était le jouet de quelque épouvantable cauchemar. Car c’était là une de ces catastrophes inouïes qui s’écartent tellement du cercle des prévisions et des probabilités, que son entendement pouvait à peine la concevoir et l’admettre.
Mais elle ne doutait pas, elle, si les amis avaient douté.
C’est si son fils lui eût dit qu’il avait volé au jeu, qu’elle eût refusé de le croire.
Lorsqu’il eut terminé:
– Et tu voulais te tuer!.. s’écria-t-elle. Tu n’as donc pas songé, insensé, que ta mort donnerait à tout jamais raison à la calomnie!
L’admirable, le sublime instinct de la mère venait de lui dicter la raison la plus victorieuse qui pût déterminer Pascal à vivre.
– Tu ne t’es donc pas dit, poursuivit-elle, que c’était manquer de courage, et que pour échapper aux souffrances présentes, tu allais ternir ton nom d’une éternelle flétrissure?.. Cela t’eût arrêté, mon fils. Un nom est un dépôt sacré dont on n’a pas le droit de disposer ainsi… Ton père te l’a légué pur et honnête, tel tu dois le conserver… On essaie de le couvrir d’opprobre, tu dois vivre pour le défendre!..
Il baissa la tête, et d’un ton de lamentable découragement:
– Que puis-je faire! balbutia-t-il. Comment démêler une trame ourdie avec une si infernale habileté?.. Sur le moment, si j’avais eu mon sang-froid, je pouvais peut-être me défendre et me justifier. Maintenant le mal est irréparable… Comment démasquer le traître, et quelles preuves de son infamie lui jeter à la face…
– Encore faudrait-il lutter avant de s’avouer vaincu, interrompit sévèrement Mme Férailleur… On ne déserte pas une tâche parce qu’elle est trop rude: on l’accepte, et si on meurt à la peine, on meurt du moins avec la conscience d’avoir fait son devoir.
– Ma mère!..
– Je te dois la vérité, mon fils!.. Manquerais-tu donc d’énergie!.. Allons, debout, et redresse la tête… Me laisseras-tu combattre seule!.. car je combattrai, moi!
Sans mot dire, Pascal saisit les mains de Mme Férailleur et les porta à ses lèvres. Son visage était inondé de larmes. Ses nerfs tendus outre mesure se détendaient sous ces effluves de la tendresse et du dévouement maternels. La raison, d’ailleurs, reprenait son empire, et les généreux accents de sa mère trouvaient leur écho en lui. Il eût, à cette heure, repoussé le suicide comme un acte de démence ou une lâcheté…
Désormais, Mme Férailleur était sûre de la victoire; mais cette certitude ne lui suffisait pas, elle voulait engager Pascal.
– Il est évident, poursuivit-elle, que M. de Coralth est l’artisan de ce crime abominable… Mais quel intérêt y avait-il?.. Voyons, Pascal, avait-il quelque raison de te craindre?.. T’avait-il confié ou avait-il surpris un secret qui l’eût perdu si tu l’avais divulgué?..
– Non, ma mère.
– Alors il n’aura été que le vil instrument d’un autre aussi misérable que lui!.. Rappelle bien tes souvenirs, mon fils, n’as-tu blessé aucun de ses amis? Es-tu sûr de ne faire obstacle à personne de son monde?.. Réfléchis… Votre profession a ses périls et on s’y prépare des ennemis cruels. Il est de ces causes scandaleuses où un avocat est forcé de déchirer cruellement la vanité de ses adversaires…
Pascal tressaillit.
Il lui semblait qu’une lueur s’allumait au milieu des ténèbres, chétive et confuse, il est vrai, mais enfin une lueur.
– Qui sait!.. murmura-t-il, qui sait!..
Mme Férailleur réfléchissait, et l’effort de ses réflexions ou leur nature faisait monter le rouge à son front.
– Il est des circonstances, reprit-elle, où une mère doit savoir franchir les bornes de… l’austère pudeur… Si tu avais une maîtresse, mon fils…
– Je n’en ai pas, interrompit-il.
Il était devenu pourpre, et après une courte hésitation il ajouta:
– Mais j’aime du plus profond et du plus saint amour une jeune fille, la plus belle et la plus chaste qui soit au monde… et qui par l’intelligence et par le cœur est