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bon visage au duc de Bordeaux, mais la taille peu agréable, l'esprit peu développé, comme celui d'un enfant élevé au milieu de vieillards.

      A un dîner, donné le 22 mai aux deux Princes français chez le Prince Royal de Prusse, la princesse Albert22, à la grande rage de Bresson, au grand mécontentement du Roi et au grand effroi de tous les assistants, avait paru avec une énorme guirlande de lys dans ses cheveux; jusque-là, cependant, elle avait été convenable.

      Les cadeaux faits par M. le duc d'Orléans à Berlin ont été énormes; tant en argent qu'en diamants, cela a été de plus de cent mille francs!.. plutôt trop que pas assez. Le prince Wittgenstein a reçu une boîte, non seulement avec le portrait du Prince Royal, mais encore avec ceux du Roi et de la Reine. Ceci est une attention très marquée. M. Ancillon, bardé de la grande croix de la Légion d'honneur, se boursouflait et se pavanait. Il avait l'air de vouloir marcher sur le corps de tout le monde. Bourgeois et calviniste; cela s'explique.

      On se quitte s'adorant, les uns aimant les Princes comme leurs fils, les autres comme des frères, enfin, jamais succès n'a été plus complet; toutes les femmes sont frappées de la beauté de M. le duc d'Orléans. Mes autorités ne sont pas suspectes, car ce n'est pas seulement M. de Valençay que je cite, mais encore d'autres lettres arrivées ici hier, et de Berlinois même. L'accident, qui a failli arriver au duc d'Orléans à la manœuvre, tenait à des politesses qu'il faisait aux Princesses, près desquelles il caracolait, c'est dans ce moment-là qu'il a failli être renversé, mais l'adresse avec laquelle il s'en est tiré lui a valu force compliments, et, à ce sujet-là, voici ce que m'écrit la duchesse de Cumberland: «Jugez ce que nous serions devenus, s'il lui était arrivé du mal; je voudrais laisser mon corps malade dans mon lit, et me transformer en ange gardien, pour planer sur eux pendant leur séjour à Berlin, et répondre ainsi à la confiance de votre Reine, qui, dans une lettre charmante, m'a priée de traiter ses fils comme les miens.»

      Le jour où nos Princes ont reçu le Corps diplomatique, M. de Ribeaupierre, le ministre de Russie, s'est fait excuser, sous prétexte d'une joue enflée. Contre l'ancienne étiquette de Berlin, tout le Corps diplomatique a été invité à un bal chez le prince Guillaume, frère du Roi. Voici aussi ce qu'on m'écrit: «La fête donnée à la mission de France, par ordre du Roi Louis-Philippe, a très bien réussi; les Princes français ont eu le tact parfait d'en faire eux-mêmes les honneurs, et ont reçu le Roi et les Princesses au bas de l'escalier.»

      Valençay, 2 juin 1836.– La princesse de Lieven est arrivée hier ici, assez languissante. Elle est établie et soignée du mieux que nous pouvons, mais j'ai déjà, vers le soir, cru sentir qu'elle avait le pressentiment de s'ennuyer, et que si ce voyage était à refaire, elle hésiterait. Je le conçois. Elle n'aura ici ni nouvelles, ni lanterne magique humaine, deux choses de première nécessité dans sa vie. La nouveauté des objets matériels, les souvenirs, les traditions historiques, les beautés du site, la vie intérieure domestique, la lecture, la réflexion, l'ouvrage, rien de tout cela n'est à son usage, et Valençay n'a jamais été plus réduit, sous d'autres rapports, qu'en ce moment.

      Les vers que M. de Peyronnet m'a adressés ne sont pas bien bons, mais ce point est insignifiant dans la question et la circonstance actuelles. Pendant l'hiver, j'ai fait beaucoup de démarches pour ces pauvres gens, et j'ai obtenu, pour le plus malade, M. de Peyronnet, des adoucissements matériels qui lui ont été très agréables; j'espère mieux encore, tout de suite après la session. C'est cette œuvre de charité qui m'a valu les vers en question23.

      Ma sœur m'écrit de Vienne pour me dire qu'on y fait les plus grands préparatifs pour recevoir les Princes français, Paul Esterhazy surtout: ils auront une fête chez lui à Eisenstadt. Malheureusement, il y a déjà beaucoup de monde à la campagne, et beaucoup de deuils.

      Valençay, 4 juin 1836.– Le temps, qui était mauvais depuis deux jours, s'est un peu remis, hier, avant midi, ce qui nous a heureusement permis de promener Mme de Lieven dans la forêt, la garenne, les carrières, etc. Mais le soir, M. de Talleyrand a eu une palpitation, légère à la vérité, mais enfin l'ennemi se montre toujours. Mme de Lieven bâillait, et quels bâillements!.. La pauvre femme s'ennuie! Je le comprends très bien et je le lui passe. Le fait est qu'il faudrait une toute autre disposition d'esprit que la sienne, des habitudes toutes différentes, pour se tirer de notre solitude actuelle et du grave et du terne que l'état moral et physique de M. de Talleyrand donne à cette maison-ci. Du reste, la Princesse n'est pas un hôte facile pour l'établissement matériel: elle a déjà changé deux fois de chambre et veut maintenant revenir à la première qu'elle a occupée et dans laquelle se trouve le lit de Mme de Staël. Lady Holland ne nous aurait pas donné plus de peine; aussi Pauline dit-elle que la Princesse is rather whimsical!24.

      Il a paru à Londres une caricature sur lord Melbourne et Mrs Norton, et cela le jour même de l'éclipse; elle représente le soleil et Mrs Norton, la lune qui passe sur lui, et au-dessous est écrit: éclipse. Cela s'applique au procès scandaleux que M. Norton a intenté à sa femme, et dans lequel lord Melbourne se trouve si désagréablement compromis.

      Valençay, 5 juin 1836.– La pauvre princesse de Lieven s'ennuie et est singulièrement naïve à ce sujet, car elle m'a demandé hier, comme une personne qui se parle à elle-même, pourquoi nous l'avions invitée dans un moment où nous n'avions personne. Je me suis mise à rire, et lui ai répondu fort doucement: «Mais, chère Princesse, c'est vous-même qui avez eu la bonté de désirer venir; nous avons invité la terre entière, mais la session n'étant pas finie, les Diplomates, les Pairs, les Députés, ne peuvent quitter Paris. – C'est vrai,» a-t-elle répondu; puis, plus tard, ayant vu que M. de Sercey venait d'arriver à Paris, elle a eu un grand élan de regret de ne pas s'y être trouvée pour le questionner; elle a dit aussi que son salon eût été bien intéressant, le soir, pendant la discussion du budget des Affaires étrangères. J'aime les personnes naïves, parce qu'avec elles, du moins, on sait exactement où l'on en est.

      Valençay, 10 juin 1836.– La princesse de Lieven a reçu hier des lettres de son mari qui lui disent qu'on lui a rendu, à elle, de très mauvais offices auprès de l'Empereur Nicolas. On a transmis à Saint-Pétersbourg des conversations et des discours entiers, soi-disant tenus par la Princesse, qui sûrement sont faux; car elle est bien zélée pour le service du maître; mais quand on parle beaucoup et qu'on voit toute espèce de monde, on finit toujours par être compromis. Cela agite beaucoup la Princesse.

      Il est parfaitement certain que le Prince d'Orange donne des symptômes de folie, et cela par une avarice tellement sordide que sa femme et ses enfants manquent de nourriture à table; il a lui-même la clef du garde-manger, et la Princesse se fait acheter en secret, par sa femme de chambre, quelques côtelettes. On dit le fils ainé un vilain petit sujet: à Londres, où il est maintenant, avec son frère cadet, on les appelle unripe oranges25. Les Hollandais sont, dit-on, très effrayés de leur avenir, et font des vœux pour la prolongation de la vie du Roi actuel.

      Valençay, 13 juin 1836.– J'ai eu, hier, une longue lettre du Prince Royal de Prusse, dans laquelle il y a une phrase fort bonne sur les Princes français et sur le Roi leur père, avec un correctif anti-révolutionnaire qui donne le cachet de ses véritables opinions. Cette lettre est curieuse. J'en ai une aussi de M. Ancillon, sans correctif, et la plus laudative, sur les voyageurs, sur l'union, sur la paix, sur M. de Talleyrand. Elle est curieuse aussi. Enfin, j'en ai deux, très longues, de M. de Valençay, écrites de Vienne; il s'était arrêté à Günthersdorff, dont il me parle en détail26. A Vienne, il avait vu, chez sa tante de Sagan, le comte de Clam, par lequel il avait su qu'on avait été fort content de la première entrevue; que nos Princes avaient dit tout ce qu'il convenait de dire. L'archiduchesse Sophie s'est souvenue fort gracieusement de moi, et a très bien traité mon fils. Il trouve que les Princesses autrichiennes n'ont pas la grâce et la distinction qui sont si remarquables chez les Princesses de la famille royale de Prusse. La princesse de Metternich était à la première soirée de M. et Mme de Sainte-Aulaire: elle y

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<p>22</p>

La princesse Albert de Prusse était une princesse des Pays-Bas.

<p>23</p>

Il nous a été impossible de les retrouver.

<p>24</p>

Un peu fantasque.

<p>25</p>

Oranges vertes.

<p>26</p>

Propriété de la duchesse de Dino, en Silésie.