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Histoire amoureuse des Gaules; suivie des Romans historico-satiriques du XVIIe siècle, Tome IV. Bussy Roger de Rabutin
Читать онлайн.Название Histoire amoureuse des Gaules; suivie des Romans historico-satiriques du XVIIe siècle, Tome IV
Год выпуска 0
isbn
Автор произведения Bussy Roger de Rabutin
Жанр Зарубежная классика
Издательство Public Domain
Cet amant attendoit le duc avec une extrême impatience. On peut s'imaginer aisément de quelle manière il passa la nuit. Tantôt la comtesse se présentoit à son imagination avec tous ses charmes, tantôt il la voyoit avec cet air sévère dont la seule pensée le faisoit blêmir. Quelquefois il se flattoit qu'il n'étoit pas haï de sa maîtresse, et que ces manières réservées qu'elle affectoit avec lui n'étoient que des mesures qu'elle vouloit prendre contre son cœur, dont elle sentoit la faiblesse. Enfin l'habileté de son confident achevoit de le persuader que sa négociation auroit un fort bon succès. Cependant le malheur qu'il avoit eu à la chasse le jour précédent, lui étoit d'un mauvais présage qui troubloit toutes ces douces pensées; et son esprit, diversement agité, passa la plus longue de toutes les nuits, entre l'espérance et la crainte.
L'heure du lever du Roi ne fut pas plus tôt venue, que le duc de La Feuillade se rendit auprès de Sa Majesté, et ce prince amoureux, impatient d'apprendre le succès13 de son ambassade, congédia le plus tôt qu'il put cette foule de courtisans, qui ne faisoit alors que l'importuner14. Il ne se vit pas plus tôt seul avec son fidèle confident, qu'il lui demanda des nouvelles de sa maîtresse, et le succès de son entreprise. «Ne me flatte pas, lui dit-il précipitamment; je suis las de tant languir, annonce-moi bientôt la vie ou la mort. – Je ne vous annoncerai ni l'un ni l'autre, lui dit La Feuillade; je dirai seulement au plus grand Roi du monde, ce qu'on rapporte d'Alexandre le Grand, sur le point d'exécuter une entreprise très-difficile: qu'il avoit trouvé un péril digne de lui. Je dis aussi la même chose à Votre Majesté. En fait d'amour, vous n'avez trouvé jusques ici que des places foibles, qui se sont rendues sans résistance, et qui vous ont d'abord ouvert les portes; les plus cruelles se sont soumises à vous avec la même facilité que les villes se rendoient au conquérant de l'Asie, ou, pour faire la comparaison plus juste, avec le même succès qu'elles se rendent à Votre Majesté. Mais voici une place forte où il faut employer toutes les ruses et toutes les forces de l'amour; en un mot, Sire, c'est une conquête digne de vous.»
Après cela, il raconta au Roi tout ce qui s'étoit passé, et insista surtout sur la réponse malicieuse de cette cruelle: – «Mais, Sire, ajouta-t-il, ne vous alarmez pas; j'en ai bien vu bien d'autres, qui faisoient les fières comme la comtesse, et qui se sont mises à la raison. – Mais que puis-je attendre d'une femme, lui répliqua le Roi, qui n'aime que son mari, et qui m'oppose ce mari fâcheux quand on l'entretient de mon amour? N'est-ce pas m'ôter absolument l'espérance; ou, pour mieux dire, n'est-ce pas se moquer de moi, que de me faire dire qu'il faut qu'elle en parle plutôt au comte son époux? – Je vous avoue, répondit le duc, que sa réponse est tout-à-fait cavalière; mais, Sire, puisqu'elle a besoin du secours de son mari pour se défendre de vos poursuites, c'est une marque qu'elle ne se croit pas assez forte pour y résister. Mais ne craignez pas qu'elle lui fasse une telle confidence, dont peut-être elle seroit la première à se repentir. En un mot, je crois que c'est un rempart qu'elle veut opposer à votre amour, et dont elle veut appuyer cette foiblesse assez naturelle à celles de son sexe.
Le Roi voyoit bien que le duc vouloit adoucir autant qu'il pouvoit ce qu'il y avoit de rude dans cette entreprise; et comme ce Monarque s'est toujours fait un point d'honneur de réussir dans tout ce qu'il entreprend, quelques difficultés qu'il y puisse rencontrer, celles qui se présentoient dans son dessein amoureux ne firent que l'enflammer davantage par la résistance. Il s'en expliqua ouvertement à son confident; il lui dit que tous les rebuts, qu'il prévoyoit bien qu'il avoit à essuyer, n'étoient pas capables de le guérir; que son mal étoit désormais sans remède, et qu'il n'y avoit point de milieu à prendre; qu'il mourroit de douleur, ou contenteroit son amour.
Pendant que le Roi s'entretenoit ainsi avec le duc de La Feuillade, la comtesse
13
Le texte dit:
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Voici ce qui se passait au lever du Roi; nous traçons ce tableau en nous guidant sur l'
Voilà le Roi chaussé. Un valet de garde-robe tient la chemise du Roi et la présente d'abord à un prince du sang; en cas d'absence, au duc de Bouillon, grand chambellan, au duc de Saint-Aignan, l'un des quatre premiers gentilshommes, ou enfin à M. le marquis de Guitry de Chaumont, l'un des deux maîtres de la garde-robe. Le Roi ôte alors sa chemise de nuit et met celle qu'on lui donne. Les huissiers, qui sont entrés dans la chambre royale dès que Sa Majesté a eu pris sa robe de chambre, et qui se tiennent à la porte pour l'ouvrir ou la fermer, ce que nul autre ne peut faire, demandent alors au grand chambellan ou à celui des quatre premiers gentilshommes de la chambre qui est de service, quelles sont, parmi les personnes de condition présentes, celles qu'il peut faire entrer. Après cette première admission de gentilshommes favorisés, le maître de la garde-robe met au Roi son pourpoint, lui présente ses mouchoirs, ses gants, et enfin son manteau et son épée, s'il les veut prendre; s'il veut sortir sans épée ni manteau, l'épée est remise à l'écuyer, le manteau au porte-manteau; enfin s'il ne veut ni son épée ni son manteau, on les laisse à la garde-robe. C'est quand le Roi est habillé que l'huissier, le sieur de Rassé, par exemple, laisse entrer toute la noblesse à son choix, et selon le discernement qu'il fait des personnes plus ou moins qualifiées.