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Gloire avoit aussi servi l'Amour

      A gagner plus d'une victoire,

      Et l'Amour avoit à son tour

      Travaillé souvent pour la Gloire.

      Mais cependant l'Amour, pour ne perdre le temps,

      Commande à la Renommée

      De faire venir son armée,

      Et dans deux jours se met aux champs,

      Et divise en trois corps ses troupes amoureuses.

      Il choisit les plus belliqueuses

      Pour les ménager prudemment;

      Il étoit lui-même à leur tête,

      Prêt à combattre vaillamment

      Pour une si belle conquête.

      Il prétend à tout prix

      Soumettre le cœur d'Iris.

      Il se fondoit sur son expérience,

      Sur son adresse et sa vaillance.

      Dès qu'on met l'Amour en jeu,

      Il n'entend plus raillerie,

      Et ne dresse jamais aucune batterie

      Qu'à dessein de faire grand feu.

      Dans sa marche il fit paroître

      Qu'il est toujours très puissant,

      Car il conquit en passant

      Les cœurs qu'il put reconnoître;

      Il emporta d'assaut le cœur d'Amarillis 19,

      Il prit celui d'Aminthe 20 et celui de Philis 21,

      Il accepta les clefs de celui de Climène 22

      Et celui de Cloris 23 le reconnut sans peine.

      Ces cœurs n'étoient pas assez forts

      Pour soutenir un siége et pour se bien défendre:

      Aussi l'Amour, pour les prendre,

      Ne fit pas de grands efforts.

      Enfin les troupes se rendirent

      Auprès du cœur d'Iris, qui ne les craignoit pas,

      Et par les formes l'investirent

      Après avoir donné quelques légers combats.

      Le cœur d'Iris est fait sur un parfait modèle;

      C'est une place forte, aimable, noble, belle,

      Qui va même de pair avec les plus grands cœurs;

      Elle n'est en état que depuis quatre lustres,

      Mais le sang de ses fondateurs

      Tient rang depuis long-temps parmi tous les illustres 24.

      Cette place a de beaux dehors

      Et cinq portes très régulières.

      La porte de la vue est une des premières,

      Et ne sauroit céder qu'à de puissants efforts.

      C'est là que sans cesse se montrent

      Une troupe de doux regards,

      Qui, sans avoir nuls égards,

      Volent innocemment tous ceux qui s'y rencontrent.

      Cent fois l'Amour, ce conquérant rusé,

      Après s'être bien déguisé,

      Voulut entrer par cette porte;

      Mais la Vertu, qu'on trompe rarement,

      Le reconnut toujours déguisé de la sorte,

      Et le chassa honteusement.

      La porte de l'Ouïe est étroite et petite;

      Il faut passer par cent jolis détours,

      Et c'est en vain qu'on sollicite

      D'y pouvoir entrer tous les jours.

      On n'entre pas dès qu'on ose y paroître,

      Il faut parler et se faire connoître.

      Celle du Goût a ses beautés,

      Et mille régularités;

      La nature la fit avec un soin extrême,

      C'est un ouvrage sans égal,

      Et cette porte, enfin, d'ivoire et de corail,

      S'ouvre à propos et se ferme de même.

      Celle de l'Odorat exhale des odeurs

      Plus douces que celles des fleurs.

      La porte du Toucher est extrêmement forte;

      Mais tout le monde sait, sans en être surpris,

      Que ce n'est point par cette porte

      Qu'on entre dans le cœur d'Iris.

      Enfin cette place fameuse

      Par son assiette avantageuse

      N'est pas difficile à garder,

      Et l'on a toujours pu connoître

      Qu'on n'y prétend souffrir qu'un maître,

      Et que la Vertu seule à droit d'y commander.

      C'est aussi la Vertu qui défend cette place,

      Avec mille beaux sentiments.

      L'Amour sans cesse la menace,

      Mais elle rit de ses emportements.

      Cette personne incomparable,

      Parfaite en tout, partout aimable,

      Rejettoit tous ses favoris,

      Et le monde seroit dans une paix profonde,

      Si, comme dans le cœur d'Iris,

      La Vertu commandoit dans tous les cœurs du monde.

      Huit guerrières servoient, presque en toute saison,

      D'officiers dans la garnison.

      L'on y voyoit toujours la Force, la Prudence,

      La Justice, la Tempérance,

      L'Indifférence et la Tranquillité;

L'on y trouvoit la Modestie,

      Et l'Amitié, qu'un peu de sympathie

      Rend semblable à l'Amour par bien plus d'un côté.

      L'Amour, pour les gagner, mettoit tout en usage;

      Mais il en connoissoit la vaillance et l'honneur.

      Ce n'est pas un petit ouvrage

      Que d'attaquer un noble cœur.

      Comme il a de l'expérience,

      Il distribua les quartiers,

      S'empara des hauteurs, des bois et des sentiers,

      Avec beaucoup de diligence.

      Tous ses retranchements n'avoient aucun

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<p>19</p>

Manchini.

<p>20</p>

La Vallière.

<p>21</p>

Montespan.

<p>22</p>

Du Lude. Sic dans le texte. Il faut lire Mademoiselle de Ludres. Voyez p. 13.

<p>23</p>

La C. H. N. S.

<p>24</p>

Flatterie de M. D. S. (de M. de Saint-Aignan, auteur de la pièce).