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jamais;

      Quelquefois elle se contente

      Dans des desseins et des souhaits

      Qui passent souvent son attente;

      Mais, quoiqu'ils soient hors de saison,

      Elle croit faire avec raison.

      La Tendresse prétend qu'on l'aime

      Autant qu'elle prétend aimer,

      Et les cœurs se laissent charmer

      A sa délicatesse extrême;

      A peine peut-on concevoir

      Et son adresse et son pouvoir:

      Chacun l'estime et la caresse,

      Et l'Amour avoue à son tour

      Que dès qu'il est sans tendresse,

      Il ne passe plus pour Amour.

      Je dirai que la Hardiesse

      Est incapable de foiblesse;

      Elle n'a jamais de langueur;

      Tout lui donne de l'assurance;

      Rien ne l'étonne, et sa vigueur

      S'augmente par la résistance.

      Les amans les plus amoureux

      La consultent dans leurs affaires,

      Et souvent les plus téméraires

      Ne sont pas les plus malheureux.

      Parlons encor de trois guerrières,

      Moins aimables que les premières

      Dont j'ai déjà fait les portraits.

      Commençons par la Jalousie,

      De qui les coups, de qui les traits

      Blessent toujours la fantaisie.

      Dieux! qu'elle est d'une étrange humeur!

      Elle n'explique rien qu'à son désavantage,

      Et, sur le moindre ombrage,

      Elle se rompt la tête et se ronge le cœur.

      L'Inquiétude est la seconde;

      Elle se plaît à fatiguer l'Amour.

      Il n'est point d'endroit dans le monde

      Qui ne la divertisse et l'ennuie à son tour,

      On n'a point de mesure à prendre

      Pour l'arrêter ou pour l'attendre.

      L'Amour s'en plaint à tout propos;

      Mais ce qu'il trouve de plus rude

      Est que presque toujours il chasse le Repos,

      Pour retenir l'Inquiétude.

      La Ruse n'a que lâcheté

      Et que malice pour partage;

      Quand elle dit la vérité

      C'est qu'elle est à son avantage.

      L'Amour peut s'en servir à la prise d'un cœur,

      Quoique bien souvent il s'abuse,

      Car les services de la Ruse

      Ne lui font jamais de l'honneur.

      Or, ces guerrières se rendirent

      Dans le lieu du conseil le jour qu'on avoit pris.

      On y parla du cœur d'Iris,

      Et quelques unes, d'abord, dirent

      Qu'il étoit honteux à l'Amour

      De laisser encor plus d'un jour

      Cette place en état de pouvoir se défendre;

      Qu'il falloit désormais ou périr ou la prendre;

      Qu'en vain l'Amour avoit fait tant d'exploits

      Si ce cœur refusoit d'obéir à ses lois.

      Quelques autres, plus retenues,

      Leur répondirent hautement

      Que bien que ces raisons fussent assez connues,

      On devoit agir prudemment;

      Qu'on ne prenoit pas de la sorte

      Une place si forte,

      Et que le cœur d'Iris

      Pouvoit bien plus d'un jour

      Opposer ses remparts aux forces de l'Amour;

      Que la place étoit bien gardée,

      Que par la Vertu même elle étoit commandée,

Et que l'Amour avoit été battu

      Plus d'une fois par la Vertu.

      L'Amour avoit trop de courage

      Pour s'arrêter à cet avis,

      Et, sans haranguer davantage,

      Il voulut que les siens fussent d'abord suivis.

      La Valeur lui faisoit entendre

      Qu'il est beau de tout entreprendre

      Pour posséder le cœur d'Iris,

      Et tenoit pour indubitable

      Qu'il n'est point de cœur imprenable,

      Et qu'il doit prendre un jour tous ceux qu'il n'a pas pris.

      Rempli de ce désir, ce conquérant s'apprête

      A cette importante conquête.

      Il veut mettre en effet ses généreux projets,

      Et pour montrer à tous qu'il peut ce qu'il désire,

      Il commande à l'instant qu'on arme ses sujets,

      Dans tous les lieux de son empire.

      La Vertu, qui voyoit un effort si puissant,

      Craignoit d'être contrainte à céder la victoire;

      Et pour mettre remède à ce danger pressant,

      Elle fit avertir la Gloire.

      La Gloire 18 a de l'honneur et de la probité;

      Jamais le malheur ne l'étonne;

      Elle songe toujours à l'immortalité,

      Et ne fait que ce qui la donne.

      Elle aime la Vertu, mais c'est du fond du cœur;

      La Vertu l'aime aussi comme sa propre sœur;

      Elles sont deux et ne sont qu'une.

      Souvent l'une pour l'autre elles ont combattu,

      Et l'on a vu souvent la Gloire et la Vertu

      Faire tête à la Fortune.

      Si la Gloire aimoit les appas,

      La Vertu, cette guerrière aimable,

      Quand l'Amour étoit raisonnable,

      Ne le haïssoit pas.

      Il est vrai qu'autrefois ils avoient eu querelle:

      L'Amour l'ayant choquée en cent occasions,

      La Gloire avoit aussi blâmé ses actions,

      L'ayant même traité d'ingrat et d'infidèle;

      Mais

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<p>18</p>

Mad. L. D. M. Sic dans le texte; mais voyez à la p. 11 et à la p. 33.