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bonne maison, mais elle étoit tombée en quenouille au XVIe siècle, et tout étoit rentré dans la famille de Liancourt (Tallem., t. 1, p. 280).

Madame de Motteville, parlant de la mort du comte de La Roche-Guyon devant Mardick, dit: «Il étoit fils du duc de Liancourt, seul héritier de ses grands biens et de son oncle maternel, le maréchal de Schomberg. Il avoit épousé l'héritière de la maison de Lanoye, qui demeura grosse d'une fille, dont elle accoucha quelque temps après la mort de son mari. Ce jeune seigneur fut infiniment regretté, tant par la considération de ses père et mère, qui étoient estimés de tous les honnêtes gens, que par l'agrément de sa personne.»

Mademoiselle de La Roche-Guyon a eu l'honneur d'être élevée à Port-Royal. On chercha querelle (quelque confesseur aux cheveux gras) à son grand-père; on lui fit la guerre jusque dans le confessionnal. M. de Liancourt, chrétien courageux, refusa d'obéir aux injonctions du confesseur de Saint-Sulpice. Et voilà une guerre allumée! Les Provinciales ne seroient pas écrites sans cela.

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Le vieux duc de Liancourt avoit été fait duc sous Louis XIII. En 1648 il fut reconnu au Parlement (Mottev., t. III, p. 117), et sa femme eut alors le tabouret ducal. Madame de Liancourt étoit Jeanne de Schomberg, séparée en 1618 de François de Cossé, comte de Brissac, remariée à Roger du Plessis-Liancourt, duc de La Roche-Guyon, marquis de Liancourt et de Guercheville.

Elle est auteur du Règlement donné par une dame de haute qualité à sa petite-fille, publié en 1698. Elle entraîna son mari dans les querelles du jansénisme. Le duc fut long-temps l'ami de Mazarin (Mottev., t. 2, p. 11). C'étoit un homme intègre, sage, poli.

En 1669 il assiste avec sa femme au mariage de madame de Grignan, comme il appert de ce fragment du contrat (Walck., t. 3, p. 134): «Roger du Plessis, duc de La Roche-Guyon, pair de France, seigneur de Liancourt, comte de Duretal, et dame Jeanne de Schomberg, son épouse.»

La Fontaine (Amours de Psyché, t. 1, p. 589 de l'édit. de Lahure) a chanté:

Vaux, Liancourt et leurs naïades.

Liancourt étoit l'un des séjours enchantés de la France. Expilly (t. 4, p. 192) en donne la description. Liancourt étoit un bourg du Beauvoisis. «Ce bel édifice, dit-il, est accompagné de jardins du meilleur goût et où l'on voit de belles cascades, etc., etc.

«Outre cela on trouve encore dans cette belle maison quantité d'autres choses gracieuses et bien ménagées, comme le jeu de la longue paume, le bassin ovale, le canal de l'Escot, la salle d'eau, le pré des tilleuls, les dix-sept fontaines.» La description est longue.

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M. Victor Cousin ne m'en voudra pas si, au bas de l'une des pages de ce livre réprouvé, je me permets de lui rendre mes humbles hommages. Il est reçu à l'heure présente de rire de sa philosophie, que je ne défendrai pas et dont j'entreprendrois en vain de démontrer la profondeur ou la hardiesse; mais, s'il a jugé lui-même que cette philosophie a fait son temps, il n'en reste pas moins le promoteur d'une littérature historique qui n'existoit pas et de laquelle nous relevons tous, pauvres petits compilateurs de mémoires. Ses derniers livres sont de beaux modèles. Comme il a parlé amplement de madame de Chevreuse, il me messiéroit d'en vouloir parler beaucoup. C'est la Candace (t. 1, p. 54) du Dictionnaire des Prétieuses. Son histoire est longue, et par maints endroits touche à la politique: aussi n'est-il pas jusqu'au soi-disant historien Alexandre Dumas qui n'ait pris la plume pour en raconter quelque aventure.

Fille de M. de Montbazon, elle épouse le beau connétable de Luynes. Leur ménage ne manque pas d'originalité. Louis XIII couchoit de temps en temps avec eux, je ne sais en quelle place du lit. Ce grand roi paroît l'avoir aimée, à moins qu'il ne colorât d'une apparence raisonnable l'affection qu'il avoit pour Luynes (Amelot de la Houssaye, t. 1, p. 45). Croyons poliment que c'est pour elle qu'il se glissoit ainsi entre les deux époux. Mais cela ne dura point: il se mit vite à la haïr comme il haïssoit, et dénonça à Luynes les galanteries du duc de Chevreuse, son grand chambellan. Le grand chambellan, Claude de Lorraine, prince de Joinville, ami de la marquise de Verneuil (Tallem., t. 2, p. 177), avoit en effet trouvé belle madame de Luynes, et, quand son premier mari l'eut possédée quatre ans et demi et fut mort, il l'épousa. C'étoit le second des Guise; il étoit bien fait et honnête homme. L'amour ne dura guère. Madame de Chevreuse se laisse aimer par M. de Moret (le jeune, tué à Castelnaudary); en Angleterre, ambassadrice et chargée de régler le mariage d'Henriette avec le frère de Louis XIII, elle accepte les compliments du comte de Holland; M. de Chasteauneuf, peu après, ne lui déplut point; Richelieu fut aussi son galant pendant le peu de temps qu'il ne la persécuta pas pour les services qu'elle rendoit à son amie, Anne d'Autriche. La persécution amène une suite d'événements bizarres: elle y pêche en eau trouble l'amour d'un archevêque. C'étoit à Tours, lorsqu'elle fuyoit la prison de Loches et chevauchoit vers l'Espagne (Tallem., t. 1, p. 401). Le duc de Lorraine Charles IV fut aussi l'un de ses adorateurs; mais il seroit bien long de nommer tous ceux qui l'aimèrent et qu'elle aima. Madame de Chevreuse trouvoit du temps, au milieu de ses intrigues, pour aller jaser à l'hôtel de Rambouillet.

Lorsque Louis XIII mourut, Anne d'Autriche, pour laquelle elle avoit souffert, la rappelle, la nomme surintendante de sa maison (Motteville, t. 5, p. 117), avec tous les honneurs possibles. Mais la régente n'est plus la reine, et le crédit de la duchesse n'entre que pour peu de chose dans les mouvements de la nouvelle politique. Elle s'en console ou feint de s'en consoler. Elle avoit été vraiment belle et d'une beauté pleine d'esprit; elle étoit vieillie, fatiguée, mais agréable encore, et Geoffroy, marquis de Laigues, protestant, d'une ancienne maison du Dauphiné, ex-capitaine des gardes de Gaston, se mit alors à l'aimer. On croit qu'il l'épousa secrètement. Laigues a joué un rôle tantôt à côté de Condé, tantôt à côté de la reine (Motteville, t. 4, p. 267), tantôt à côté de Retz. C'est lui qui, en 1648, avertit la cour du sérieux de la scène des barricades; c'est lui, en 1650, qui conseille l'arrestation des princes. Volage, mais habile et clairvoyant, il fut réellement l'un des chefs de la Fronde ou du parti royal (Motteville, t. 3, p. 264, 279, 362). Il «avoit une grande valeur (Retz, p. 132), mais peu de sens et beaucoup de présomption». Il s'étoit brouillé avec Condé à la suite d'une querelle de jeu (Guy-Joly, p. 10, 1648). Il inventa une ambassade de l'archiduc au Parlement en 1649. Le marquis de Noirmoutiers étoit son compagnon assidu.

Madame de Chevreuse n'eut pas toujours à s'en louer. Laigues avoit connu intimement Voiture (Tallemant des Réaux, t. 3, p. 62).

Le duc de Chevreuse mourut en 1657, très âgé. C'étoit, par ordre de naissance, le quatrième fils du Balafré. Il étoit né en 1578. La duchesse (Marie de Rohan, fille d'Hercule de Rohan, duc de Montbazon, grand veneur de France) étoit née en 1600. Elle mourut à Gagny, près de Chelles, le 12 août 1679.

On n'a pas toujours dit qu'elle fut l'une des ennemies de Fouquet (Mottev., t. 5, p. 132), et qu'avec Laigues elle détermina à prendre parti contre lui la reine-mère, qui, le 27 juin 1661, l'étoit allée voir.

Sa fille, non pas Anne-Marie, abbesse de Pont-aux-Dames, morte le 5 août 1652 (Walck., t. 1, p. 418), mais Charlotte-Marie, née en 1627 en Angleterre, a été très passionnée pour sa part. Mademoiselle dit: «C'étoit une belle fille (t. 2, p. 368) qui n'avoit pas beaucoup d'esprit.» Elle avoit de l'esprit lorsqu'elle aimoit. Voyez Retz (p. 97 et 353): «Elle avoit plus de beauté que d'agrément, estoit sotte jusques au ridicule par son naturel. La passion lui donnoit de l'esprit, et mesme du sérieux et de l'agréable, uniquement pour celui qu'elle aimoit; mais elle le traitoit bientôt comme ses jupes: elle les mettoit dans son lit quand elles lui plaisoient; elle les brusloit, par une pure aversion, deux jours après.»

Madame de Motteville (t. 3, p. 271) la juge ainsi: «Mademoiselle de Chevreuse étoit belle, elle avoit en effet de beaux yeux, une belle bouche et un beau tour de visage; mais elle étoit maigre et n'avoit pas assez de blancheur pour une grande beauté.»

Conti (Pierre Coste, p. 92) fut, en 1651, ébloui de cette beauté, qu'il voyoit grande. Retz la savoura. Ce fut l'abbé Fouquet qui en jouit le dernier. Elle mourut en trois jours, le 7 novembre 1652, d'une maladie qui la défigura (Guy-Joly, p. 70) et laissa véhémentement soupçonner le poison. Elle avoit alors vingt-cinq ans, comme vous voyez. C'est bien jeune pour mourir quand on est galante.

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Le premier livre est clos. Le commentateur n'a-t-il rien oublié? N'a-t-il fait aucune confusion de date? A-t-il le droit d'affirmer qu'on ne sauroit rien ajouter aux couleurs qu'il a fournies? Le commentateur sait qu'il a oublié bien des choses; il sait combien il est difficile d'éviter toute erreur, et il sait surtout que son commentaire n'empêchera personne d'en faire un meilleur.

Mais, en vérité,

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