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il a fait recette sous le nom du nommé Moyset, qui est son nepveu et s'appelle Catelan comme luy.» Et encore: «D'Alibert, confident de Cornuel, qui demeure rue des Vieux-Augustins, a esté de tous les traittez qui se sont faits, par le moyen desquels il possède de grands biens, tant en maisons dans Paris qu'en rentes capitalisées.»

Tallemant des Réaux (t. 4, p. 118) nous apprend que les entreprises de ces gens de finances faillirent comprometre très gravement le père de Pascal: «Quand on fit la réduction des rentes, luy (le père de Pascal) et un nommé de Bourges, avec un advocat au conseil dont je n'ay pu sçavoir le nom, firent bien du bruit, et, à la teste de quatre cents rentiers comme eux, ils firent grand'peur au garde des sceaux Séguier et à Cornuel.»

Ce que Guy Patin raconte ainsi (lettre du 7 avril 1638): «Le jour d'avant (25 mars 1638) on avoit mis dans la Bastille, prisonniers, trois bourgeois qui avoient été chez M. Cornuel et l'avoient en quelque façon menacé, sur le bruit que l'on veut arrester les rentes de l'Hostel-de-Ville et convertir cet argent in usus bellicos. Les trois rentiers se nomment de Bourges, Chenu et Celoron, et sont tous trois boni viri optimeque mihi noti

En voilà bien assez pour Claude Cornuel et son frère Guillaume. L'aîné laissa donc une fille, madame Coulon, femme légère; le cadet laissa Marion Legendre, sa belle-fille, et Marguerite Cornuel, sa fille; sans compter sa femme, «sa garce», dit la Voix du Peuple au roy (dans le t. 5, p. 349, des mss. de Conrart). Cette voix du peuple, fortement enrouée, attache à son nom cette phrase: «Plus criminel que tous les hommes qui ont dévoré les peuples, élevé du centre de la terre à une richesse de deux millions d'or par un gouffre de concussions, corruptions et larcins publics et particuliers.»

Madame Coulon reste à l'écart: on ne tient compte que des trois Cornuel, de Cléophile et de ses deux filles. (Dictionnaire des Prétieuses.)

La Mesnardière, parlant de la mère, dit:

Chez Cornuel, la dame accorte et fine,

Où gens fascheux passent par l'estamine.

On peut s'en douter, connoissant ces trois Caquet-bon-bec et leurs amis ou amies. Il y a, à la suite des Mémoires de Montpensier, un portrait de Margot Cornuel attribué à notre Vineuil. Ce portrait est lestement troussé. Margot étoit effectivement très liée avec madame d'Olonne en 1658 et 1659 (Montpensier, t. 3, p. 408). Quant à mademoiselle Legendre, la précieuse Cléodore (V. Colombey, Journée des Madrigaux, p. 34), elle venoit la deuxième pour l'esprit. La Gazette du Tendre lui donne l'épithète d'aymable (au chapitre de Grand service). Je ne vois pas pour quel motif l'auteur de la Journée des Madrigaux parle d'elle ainsi: «Cléodore demandoit si, parmy ces beaux esprits, il n'y en avoit pas un qui eût l'esprit satyrique qu'elle haïssoit.»

La faveur dont mademoiselle Legendre jouit auprès de l'abbé de La Rivière ne lui rendit pas toujours service, si l'on croit Tallemant des Réaux (t. 5, p. 146).

«Boutard contoit que la Pecque Cornuel l'avoit voulu marier avec Marion, mademoiselle Legendre, et qu'elle luy avoit fait un grand dénombrement des avantages qu'il auroit. Je lui ris au nez, disoit-il, et je lui dis qu'elle oublioit la faveur de M. de La Rivière. Or, La Rivière concubinoit et concubine, je pense, encore, avec elle. Elle est à cette heure comme sa ménagère, et, à Petit-Bourg, on l'a vue quelquefois avec un trousseau de clefs. Autrefois il y avoit un couplet qui disoit:

Il court un bruit par la ville

Que Marion Cornuel

Voudroit bien faire un duel

Avec monsieur de Rouville.

Qu'ils aillent chez la Sautour,

C'est là que l'on fait l'amour.

Rouville, déjà nommé, étoit le beau-frère de Bussy Rabutin. Quant à la Pecque, ce mot, qui signifie l'entendue, la faiseuse d'affaires, Boutard s'étoit habitué à le joindre au nom de madame Cornuel.

On connoît au moins une intrigue de la Pecque, puisque Pecque il y a. Elle fut la maîtresse de M. de Sourdis, gouverneur d'Orléans, et gouverneur ridicule. (V. l'Historiette de Sourdis.) La marquise en enrageoit; par contre, madame de Bonnelle se risqua à ennuyer la Pecque: elle alloit chez elle, à une heure indue, demander M. de Sourdis.

Madame Cornuel étoit née vers 1610. Elle avoit les dents fort laides, et Santeul les comparoit à des clous de girofle. Elle mourut à Paris en février 1694. Saint-Simon (Note au Journal de Dangeau, t. 4, p. 449) rappelle son dernier bon mot. Dans ses Mémoires (t. 1, p. 116), il dit: «Il y avoit une vieille bourgeoise au Marais chez qui son esprit et la mode avoit toujours attiré la meilleure compagnie de la cour et de la ville; elle s'appeloit madame Cornuel, et M. de Soubise étoit de ses amis. Il alla donc lui apprendre le mariage qu'il venoit de conclure, tout engoué de la naissance et des grands biens qui s'y trouvoient joints (l'héritière de Ventadour). «Ho! Monsieur, lui répondit la bonne femme, qui se mouroit et qui mourut deux jours après, «que voilà un grand et bon mariage pour dans soixante ou quatre-vingts ans d'ici!»

Dans le Nouveau Recueil des plus belles poésies (Paris, Loyson, 1654, in-12, p. 352), il y a une épître adressée à mademoiselle de Vandy (l'une de nos héroïnes) à propos de ses galants; on y voit ces vers:

Ordonnez-leur d'aller chez Cornuel,

Chez Cornuel, la dame accorte et fine,

Où gens fâcheux passent par l'étamine,

Tant et si bien qu'après que criblés sont,

Se trouve en eux cervelle s'ils en ont.

Si pas n'en ont, on leur fait bien comprendre

Que fats céans onc ne se doivent rendre;

Et six yeux fins, par s'entreregarder,

Semblent leur dire: «Allez vous poignarder.»

C'est la pièce de La Mesnardière. Voici l'épitaphe faite pour madame Cornuel:

Cy gît qui de femme n'eut rien

Que d'avoir donné la lumière

À quelques enfants gens de bien,

Et peu ressemblants à leur mère,

Célimène, qui de ses jours,

Comme le sage, et sans foiblesse,

Acheva le tranquille cours.

Dans ses mœurs que de politesse!

Quel tour, quelle délicatesse,

Éclatent dans tous ses discours!

Ce sel tant vanté de la Grèce

En faisoit l'assaisonnement,

Et, malgré la froide vieillesse,

Son esprit léger et charmant

Eut de la brillante jeunesse

Tout l'éclat et tout l'enjoûment.

On vit chez elle incessamment

Des plus honnêtes gens l'élite;

Enfin, pour faire en peu de mots

Comprendre quel fut son mérite,

Elle eut l'estime de Lenclos.

(Rec. de pièces cur. et nouv., Lahaye, Moetjens, 1694, in-12, t. 1, p. 191.)

La réputation de madame Cornuel ne lui survécut pas assez. Toutefois, Titon du Tillet (Parn. franç., in-fol., p. 462) l'a citée avec honneur.

M. Paulin Paris, qui a tiré des papiers de Conrart une lettre d'elle, a réuni quelques uns des traits qui peuvent servir à son histoire. Il est loin de les avoir recueillis tous. Peut-être essaierai-je de la peindre avec soin. En attendant, j'indiquerai toutes les sources qu'on peut consulter, ou du moins celles que j'ai consultées. Il y a d'abord un long morceau de Vigneul de Marville (Bonaventure d'Argonne) qui doit être transcrit tout entier:

«Madame de Cornuel, dont les bons mots ont été si remarquables durant le cours d'une vie de plus de quatre-vingts ans, s'appeloit Anne Bigot et étoit d'une famille originaire d'Orléans. Dès sa plus tendre jeunesse on ne parloit que de son esprit et de ses belles qualitez naissantes. S'étant rencontrée dans une assemblée, où elle brilloit pardessus les autres dames, M. de Cornuel, trésorier de l'extraordinaire des guerres, qui l'aimoit, lui prit un bouquet qu'elle avoit à son côté, témoignant par cette liberté qu'il la vouloit épouser. En effet, il l'épousa au bout de quinze jours.

«Depuis son mariage elle fit paroître une grandeur d'ame extraordinaire et bien au dessus des foiblesses de son sexe. Nullement touchée d'avarice, elle abandonna au premier venu mille pistoles que M. de Cornuel, son époux, lui avoit données pour le jeu. La clef étoit toujours à la porte de son cabinet, en prenoit qui vouloit. Elle n'adoroit point la fortune; mais, indifférente à ses bizarreries comme à celles du temps et des saisons, elle ne cultivoit que la vertu et les muses, moins parcequ'elles sont savantes que parcequ'elles sont honnêtes et polies. Jamais personne n'a mieux entendu que cette dame l'art de se faire des amis et de se les attacher, bien persuadée qu'il est des amis comme des richesses, que c'est en vain qu'on les acquiert si on ne les sait conserver. La conversation avec les personnes de distinction qui abordoient chez elle étoit tous ses délices. Elle écoutoit avec une attention qui débrouilloit toutes choses, et répondoit encore plus aux pensées qu'aux paroles de ceux qui l'interrogeoient. Quand elle considéroit un objet, elle en voyoit tous les côtez, le fort et le foible, et l'exprimoit en des termes vifs et concis, comme ces habiles dessinateurs qui en trois ou quatre coups de crayon font voir toute la perfection d'une figure.

«On

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