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a fort bien fini la comédie et laissé une riche et heureuse veuve.

«La comtesse de Guiche fait fort bien; elle pleure quand on lui conte les honnêtetés et les excuses que son mari lui a faites en mourant; elle dit: «Il étoit aimable, je l'aurois aimé passionnément s'il m'avoit un peu aimée; j'ai souffert ses mépris avec douleur, sa mort me touche et me fait pitié; j'espérois toujours qu'il changeroit de sentiments pour moi.» (Sévigné, du 8 décembre 1673.)

Il mourut de chagrin à Creutznach (Palatinat), n'ayant que trente-cinq ans. Pour toute oraison funèbre on lui trouve ces lignes: «Ha! fort, fort bien, nous voici dans les lamentations du comte de Guiche. Hélas! ma pauvre enfant, nous n'y pensons plus ici, pas même le maréchal (de Grammont), qui a repris le soin de faire sa cour. Pour votre princesse (de Monaco), comme vous dites très bien, après ce qu'elle a oublié (le roi, qui l'avoit aimée), il ne faut rien craindre de sa tendresse. Madame de Louvigny et son mari (frère de Guiche) sont transportés. La comtesse de Guiche voudroit bien ne point se remarier, mais un tabouret la tentera. Il n'y a plus que la maréchale qui se meurt de douleur.» (Sévigné, jour de Noël, 1673.)

Cette note est longue. Quoi! tant de mots pour de si chétives marionnettes! Qu'est-ce que cela dit à l'histoire? Ah! d'Alembert avoit raison de faire la guerre aux compilateurs. – De grâce! considérez qu'ils ont eu leurs jours de gloire, qu'ils ont régné sur la scène du monde, qu'ils ont été polis, galants, spirituels, et que, si on ne parle pas d'eux sur les marges de ce livre, on n'en parlera nulle part.

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Manicamp, déjà nommé, est catégoriquement accusé d'italianisme dans la France devenue italienne, ailleurs et ici. Le numéro 2803 du t. 2 du nouveau Catalogue de la Bibliothèque nationale (V. aussi les numéros 2816 et 2879) désigne une pièce qui a pour titre: Capitulation accordée par M. le comte de Fuensaldaigne à M. le duc d'Elbeuf, et, en son nom, à M. de Manicamp, pour la reddition de Chauny (le 16 juillet 1652). Ce Manicamp, père du nôtre, maréchal de camp sous Gassion, prend en 1644 (V. Quincy) les forts de Rébus et de Hennuyen. Louis XIII ne l'aimoit pas. En mourant il l'appelle (Montglat, Coll. Michaud, p. 136) pour se réconcilier avec lui. Avec Candale, Condé, Conti, Mercœur, le maréchal de Grammont, le marquis de Roquelaure, M. de Montglat, Hocquincourt, etc. (Estat de la France, 1648), il est «un de ceux qui doivent espérer l'ordre». Il venoit d'être fait (1647. Du Plessis, Coll. Michaud, 386) lieutenant général en Catalogne; on lui promet le bâton en 1650 (Lenet, Coll. Michaud, p. 276); il est à côté de Mazarin, en 1651, lorsque celui-ci rentre en France (Mottev., t. 4, p. 308); en 1653 il est gouverneur de La Fère, «à cause que ses terres sont situées aux environs», très attaché au cardinal, lieutenant général du maréchal d'Hocquincourt (Montglat, p. 290). Il est quelquefois difficile de retrouver toutes les traces des personnages qui, comme ceux dont il s'agit quelquefois dans l'Histoire amoureuse, n'ont joué qu'un rôle très particulier dans l'histoire. Ainsi pour notre Manicamp (Bernard de Longueval). L'une de ses sœurs, «douce et mélancolique», quitta la cour aux jours saints de 1655 (Walck., t. 2, p. 20), pour se faire carmélite; une autre devint maréchale d'Estrées. Madame de Sévigné étoit de ses amies (lettre du 24 avril 1672). Manicamp, revenu ou non des folies de sa jeunesse, mena une vie effacée. Cavoie lui fit accroire un jour qu'il alloit être nommé roi de Pologne (1674. Saint-Simon, note au Journal de Dangeau, t. 5, p. 356). Au temps de sa verte faveur, «le petit Manicamp, qui a soutenu toute sa vie le même caractère», persuade au roi (1660) qu'il est du bon air de jurer (Choisy, Coll. Michaud, p. 561), et le roi le croit un moment. La reine-mère le désabuse.

M. G. Brunet (Note du Nouveau Siècle de Louis XIV, p. 65) l'appelle l'abbé de Lauvigni de Manicamp.

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Voltaire (Siècle de Louis XIV, ch. 24) donne le titre de baronne à madame de Beauvais la mère. Suivant Guy-Patin (lettre du 4 mai 1663), «le père de cette madame de Beauvais étoit un fripier de la halle; d'autres disent encore moins que fripier, mais seulement crocheteur».

Je ne sais pourquoi Walckenaer (t. 2, p. 114) ne la nomme que mademoiselle. Mais dame ou demoiselle, fille d'un crocheteur ou baronne, madame de Beauvais, attachée au service de la reine-mère et assez dévouée à sa maîtresse, malgré quelques intrigues, est assurée de voir son nom sauvé de l'oubli parcequ'elle a eu l'insigne honneur d'être la première femme qu'ait connue de près Louis XIV.

«On mande de Paris que madame de Beauvais est morte», écrit Dangeau le 14 août 1690. – Saint-Simon, en note: «Créature de beaucoup d'esprit, d'une grande intrigue, fort audacieuse, qui avoit eu le grapin sur la reine-mère, et qui étoit plus que galante. On lui attribue d'avoir la première déniaisé le roi à son profit.» De là son crédit si vigoureux. Les éloges ne pleuvent pourtant pas sur elle. «Vieille, chassieuse et borgnesse… De temps en temps elle venoit à Versailles, où elle causoit toujours avec le roi en particulier.» (Saint-Simon, ch. 7, t. 1, p. 69.)

Oui, «borgnesse», toutes les chansons le disent; mais elle payoit bien ses amants, comme ce Fromenteau, qui de rien, grâce à elle et au roi, son fidèle protecteur, devint un La Vauguyon, souche de ducs. On découvrit qu'elle avoit touché 100,000 livres de Fouquet: c'est assez grave; et peut-être ne connoît-on pas tous ses métiers! Qui donc, pour la louer enfin, a dit qu'elle étoit «laide, borgne, mais très propre et ardente?» Son fils, le baron de Beauvais, est l'Ergaste de La Bruyère. De ses deux filles, l'une (Jeanne-Baptiste), l'aînée, épousa J. – B. Amador de Vignerot du Plessis, marquis de Richelieu et le second des petits-neveux du cardinal; l'autre, celle pour qui sont recueillies ces indications, «par son mérite et sa vertu, avoit acquis dans l'estime de la reine-mère l'avantage d'être préférée à sa mère dans les confidences d'honneur et de distinction». (1665. Motteville, t. 5, p. 255.) L'éloge est grand.

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Françoise du Plessis-Richelieu, sœur du cardinal, mariée à René de Vignerot, sieur du Pont de Courlay, devint mère: 1. de François, marquis du Pont de Courlay, gouverneur du Havre; 2. de la duchesse d'Aiguillon.

François eut deux fils.

Le premier, Armand-Jean de Vignerot du Plessis, (par substitution) duc de Richelieu, épouse le 26 décembre 1649, à vingt ans, Anne Poussart, veuve de François-Alexandre d'Albret, sire de Pons, et fille de François Poussart, baron du Vigean, et d'Anne de Neubourg.

Le second, Jean-Baptiste Amador de Vignerot du Plessis, marquis de Richelieu, épouse, également à vingt ans, le 6 novembre 1652, Jeanne-Baptiste de Beauvais.

L'aîné, à dix-huit ans, avoit été faire cette extravagante expédition de Naples qui ne réussit pas au duc de Guise (Mottev., t. 2, p. 325). On disoit de lui sans façon: «Ce pauvre sot!» (V. Montp., t. 2, p. 71.) Ce n'est pas qu'il fût fort imbécile, mais il manquoit de sens commun. Son jeu et ses dépenses, sans compter d'autres fantaisies, le ruinoient. En 1661, madame de Motteville écrit: «On vit alors quasi finir la maison du cardinal de Richelieu. Le duc de Richelieu, son neveu, avoit eu cette charge (de général des galères) et le gouvernement du Havre; mais, par l'ordre de la cour et par la nécessité où le mettoient ses dépenses déréglées, il se défit de l'une et de l'autre.»

Sa tante avoit voulu lui faire épouser mademoiselle de Chevreuse (Mottev., t. 3, p. 423).

La nouvelle duchesse de Richelieu, devenue première dame d'honneur, mourut en mai 1684 «regrettée universellement» (Sévigné, 1 juin 1684). En secondes noces, le duc épouse Anne-Marguerite d'Acigné (morte en 1698). Madame de Caylus a peint leur ménage, leur train, leur hôtel, leur salon littéraire, à la façon de la chambre bleue. Madame de Maintenon les aimoit. Saint-Simon (t. 1, p. 164) confirme ce que madame de Caylus a dit. Le duc étoit «l'ami intime et de tous les temps» de madame de Maintenon. Seul, il la voyoit à toutes heures. On s'emparoit facilement de l'esprit de cet homme, et cela explique ses mariages. Veuf une seconde fois, il épousa le 20 mars 1702, à soixante-treize ans, Marguerite-Thérèse Rouillé, veuve du marquis de Noailles, ce qui fait écrire à madame de Coulanges (lettre du 4 avril): «J'ai si peu de commerce avec M. de Richelieu que je ne l'ai point vu depuis son mariage. Si on le voyoit toutes les fois qu'il se marie, on passeroit sa vie avec lui: il est trop jeune pour moi.»

Pour le marquis, en 1652, «il est bien fait, jeune, plein d'esprit et de courage. Son frère aîné n'a point d'enfants et est fort malsain.» (Montp., t. 2, p. 373.)

Son mariage avec mademoiselle de Beauvais, ajoute Mademoiselle, «surprit tout le monde. Quoique cette fille soit jolie et aimable, elle n'est pas assez belle pour faire passer pardessus mille considérations

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