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et que l'on ne connoissoit que ses beaux moments. Il connoissoit son humeur et sçavoit la cacher.»

Lauzun avoit un frère, le chevalier de Lauzun, qui, après une vie obscure, mourut en 1704 (Saint-Simon, t. 6, p. 147). On retrouvoit en lui tous les vices de son aîné, sans aucune de ses qualités: Lauzun le nourrit dans ses ténèbres.

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Le maréchal de Grammont étoit fils d'Antoine II de Grammont, comte de Guiche et de Louvigny, prince souverain de Bidache, duc à brevet le 13 décembre, et mort en août 1644. Cet Antoine II étoit un bâtard de Henri IV. Il refusa honorablement d'être reconnu en qualité de fils naturel du roi; mais il n'en est pas moins vrai que les Grammont sont des Bourbons: de là leur attachement au roi et les égards du roi pour eux.

Antoine II eut deux femmes. De la première, accusée d'adultère, est descendu le maréchal; de la seconde (Claude de Montmorency-Boutteville, épousée en 1618) est né Philibert, comte de Grammont, qui se trouvoit parent, par sa mère, de madame de Châtillon et de celui qui devoit être Luxembourg.

Le maréchal de Grammont étoit frère de Suzanne-Charlotte de Grammont, mariée à Henry Mitte de Miolans, marquis de Saint-Chaumont (Voy. les Lettres inédites des Feuquières, t. 2, notice). De son nom il étoit Antoine III, duc de Grammont, pair et maréchal de France, souverain de Bidache, comte de Guiche et de Louvigny, vice-roi de Navarre et de Béarn, maire héréditaire de Bayonne. Il étoit né en 1604 à Hagetman en Gascogne; il mourut à Bayonne en 1678. Il eut quatre enfants: le comte de Guiche, le comte de Louvigny (Antoine-Charles), plus tard duc de Grammont, marié en 1688 à Marie-Charlotte de Castelnau, mort en 1720, après avoir laissé des mémoires sous le nom de son père; madame de Monaco, née en 1639, mariée en 1660, morte le 5 juin 1678, et la marquise de Ravelot, veuve en 1682, puis religieuse.

Les Mémoires de Grammont ne mentent pas quand ils l'appellent (Coll. Michaud, p. 329) «le courtisan le plus délié et le plus distingué qu'il y eût à la cour», ni même lorsqu'ils lui donnent (p. 326) «un esprit jeune et de tous les temps». En 1625, Antoine III, alors comte de Guiche, fréquente à l'hôtel de Rambouillet. Il n'y brille pas parmi les versificateurs; on lui fait des farces: on le gave de champignons (Tallemant des R., t. 2, p. 492), on le couche, on lui découd, on lui rétrécit ses habits. Mais il va à la guerre: de 1629 à 1630, il se distingue à Mantoue. Toutefois, on ne le considéra jamais ni comme un Gassion, ni comme un Condé. Après la bataille d'Honnecourt, il y eut tant de couplets militaires décochés sur lui avec le refrain:

Lampon, Lampon,

Camarades, Lampon,

qu'on l'appela le maréchal Lampon.

On avoit inventé les «éperons à la Guiche»; on disoit:

Le maréchal de Guiche,

Qui fuit comme une biche.

On a même dit qu'il se fit battre exprès à Lomincourt (1642) pour plaire à Richelieu, qui vouloit la guerre longue. C'étoit faire bon marché de la gloire des armes, et, sauf le sang versé, l'estimer à son prix.

Richelieu l'avoit fait maréchal de bonne heure, parcequ'il avoit épousé sa parente, mademoiselle Françoise-Marguerite du Plessis-Chivray, après avoir failli épouser mademoiselle de Rambouillet en personne. Souple devant son parent le cardinal, et, par habitude, devant les ministres qui lui succédèrent, le maréchal étoit arrogant devant les simples mortels. Tallemant (t. 3, p. 180) parle de son avarice et l'accuse de sodomie, ni plus ni moins qu'un Condé.

À propos de Condé, pendant la Fronde, le maréchal de Grammont ne voulut pas être contre lui. On approuva généralement sa conduite.

En 1644, il eut la charge de mestre de camp des gardes (Mott., t. 2, p. 80). Il étoit fort assidu auprès de la régente. À la fin de 1648, il est fait duc (Mott., t. 3, p. 117); en 1649, il bloque Paris du côté de Saint-Cloud (Mott., t. 3, p. 160). Il fut l'un des plus constants et des meilleurs amis de Mazarin; on le voit à côté de lui, à l'heure de la mort (Aubery, Hist. du card. Mazarin, liv. 8, t. 3, p. 357, de la 2e édit.).

Madame de Motteville dit de lui (t. 2, p. 218): «Éloquent, spirituel Gascon, et hardi à trop louer.» Cela rappelle un trait qui est dans les recueils d'anecdotes (La Place, t. 5, p. 23). Un valet du roi lui manque: il le bat. Le roi s'inquiète au bruit: «Sire, dit-il, ce n'est rien; ce sont deux de vos gens qui se battent.» Il est sublime en son genre, ce mot-là. Quel courage de lâcheté peut inspirer l'esprit de cour à un militaire! On a conservé (Catal. de la Bibl. nat., t. 2, n. 3304) une Relation de l'ambassade du maréchal en Espagne (octobre 1659) pour arranger le mariage espagnol et demander l'infante. Il traverse les Pyrénées suivi de son fils, de Manicamp, d'un Feuquières, d'un Castellane, d'un train de Jean de Paris. Les Mémoires de madame de Motteville en sont tout émerveillés (t. 5, p. 75, 1660): «La reine (elle étoit alors infante) nous dit qu'en voyant arriver les François à Madrid, cette quantité de plumes et de rubans de toutes couleurs, avec toutes ces belles broderies d'or et d'argent, lui avoient paru comme un parterre de fleurs fort agréable à voir; que la reine sa belle-mère et elle avoient été les voir passer, quand ils arrivèrent, par des fenêtres du palais qui donnoient sur la rue, et que ce jardin courant la poste leur avoit paru fort beau.»

Si les François envoient encore des ambassades dans mille ans, et que ce soient des ambassades monarchiques, elles auront le même succès.

La carrière du maréchal se termine à la mort de Mazarin. À partir de ce moment, il vit retiré, sauf de rares apparitions à la cour, dans son gouvernement. Lorsque Pierre Potemkin, en 1668, traversa les Pyrénées, venant d'Espagne, et arrivant au nom d'Alexis Mikhailowitch, Grammont n'y étoit pourtant pas (Voy. la Relation de cette ambassade moscovite, 1855, in-8, Gide et Baudry, édit. Emmanuel Galitzin).

Parlant du comte de Guiche, nous avons poussé sur la scène sa sœur, madame de Monaco. Elle «étoit vraiment (Montp. t. 3, p. 449) une belle et aimable personne». Son «mariage s'étoit fait à Bidache au retour de l'ambassade d'Espagne. M. de Valentinois étoit jeune, bien fait et grand seigneur.» Nous savons qu'elle aimoit déjà Lauzun. Avoit-elle beaucoup d'esprit? Madame de Sévigné écrit: «La duchesse de Valentinois est favorite de Madame; elle n'en met pas plus grand pot-au-feu pour l'esprit ni pour la conversation.»

Et l'autre Madame (la Palatine) a mis ceci dans ses lettres brutales (14 octobre 1718): «Quelqu'un m'a raconté qu'il avoit surpris Madame et madame de Monaco se livrant ensemble à la débauche.»

Hélas!

Nous savons comment finit madame de Monaco. Voici quelques textes qui s'y rattachent et nous intéressent:

«Madame de Monaco est partie de ce monde avec une contrition fort équivoque et fort confondue avec la douleur d'une cruelle maladie. Elle a été défigurée avant que de mourir. Son dessèchement a été jusqu'à outrager la nature humaine par le dérangement de tous les traits de son visage. La pitié qu'elle faisoit n'a jamais pu obliger personne de faire son éloge.» (Sévigné, 20 juin 1678.)

«On m'a écrit, répond Bussy, que la maladie dont madame de Monaco est morte lui a fait faire pénitence.» – «Elle a eu, en effet, beaucoup de fermeté.» (Sévigné, 27 juin 1678.)

Dans cette même lettre du 20 juin 1678, que nous citons la première, madame de Sévigné, qui doute de ce qu'on lui a dit, commençoit de la sorte: «On m'a mandé la mort de madame de Monaco, et que le maréchal de Grammont lui a dit, en lui disant adieu, qu'il falloit plier bagage, que le comte de Guiche étoit allé marquer les loges (29 novembre 1673) et qu'il les suivroit bientôt.»

Il les suivit. Louvigny devint duc de Grammont. Sa sœur «la borgnesse» (Sévigné, 19 février 1672) avoit été mariée comme on avoit pu. Elle finit ses jours en religion. Sa famille avoit besoin de ses prières, en commençant par la bisaïeule.

Le maréchal de Grammont est le Galerius de Somaize (t. 1, p. 169). Il ne paroît pourtant pas avoir été un précieux très minaudier. Voiture et Sarrazin lui ont fait leur cour. Levasseur, dans ses Événements illustres, fait faire son panégyrique par Apollon lui-même, et Apollon ne veut pas s'en acquitter en moins de huit pages. Amelot de la Houssaye (t. 2, p. 119) est moins flatteur qu'Apollon. Il dit, sans préjudice de la bâtardise: «Le maréchal duc de Grammont et le comte de Guiche, son fils, se vantoient d'être de l'ancienne maison de Comminges; mais on dit qu'ils mentoient, et que le vrai nom de leur maison étoit Menandor.»

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Voici la descendance:

a. Roger du Plessis-Liancourt, duc de La Roche-Guyon.

b. Son fils Henri Roger, comte de La Roche-Guyon, sert sous Gassion, épouse Anne-Élisabeth de Lanoye, de la cabale de Condé; meurt à Mardick (1646) (Mottev., t. 2, p. 185).

c. Mademoiselle de La Roche-Guyon, fille de Henri-Roger, née en 1646. Vardes, qui l'aime, emploie Jarzay à empêcher le second mariage de sa mère,

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