Скачать книгу

obéir. Dans le pavillon?

BALÉA

      Non, ici dans le palais.

ARBACES

      Dans le palais? Comment! ce n'était pas là l'ordre?

BALÉA

      C'est celui du moment.

ARBACES

      Et pourquoi?

BALÉA

      Je ne sais. Puis-je me retirer?

ARBACES

      Reste.

BELÈSES, bas à Arbaces

      Chut! laisse-le aller. (Puis à Baléa.) Oui, Baléa, remercie le monarque, baise la frange de son impériale robe, et dis-lui que ses esclaves ramasseront les miettes qu'il daignera jeter de sa table royale. Et l'heure, n'est-ce pas minuit?

BALÉA

      Oui; le lieu, la salle de Nemrod. Seigneurs, je m'incline devant vous, et je vous quitte. (Baléa sort.)

ARBACES

      Je n'aime pas ce changement subit; il y a quelque mystère: qui peut l'avoir occasionné?

BELÈSES

      Et ne change-t-il pas mille fois en un jour? la paresse est de toutes les choses la plus capricieuse; elle a dans ses projets plus de détours que n'en mettent les généraux dans leur marche, quand ils songent à dérouter leurs ennemis. – Pourquoi cet air rêveur?

ARBACES

      Il aimait ce riant pavillon; c'était, pendant l'été, sa fureur.

BELÈSES

      Il aimait aussi la reine-et de plus, trois mille courtisanes. – Il aima toutes choses les unes après les autres, sauf la gloire et la sagesse.

ARBACES

      Quoi qu'il en soit, je n'aime pas cela. S'il a changé, il faut faire de même. Dans un bosquet isolé, au milieu de gardes endormis et de courtisans ivres, l'attaque était facile, mais dans la salle de Nemrod-

BELÈSES

      En est-il ainsi? J'imaginais que le fier soldat tremblait de conquérir trop facilement un trône: et maintenant le voilà désappointé de rencontrer une ou deux marches plus glissantes qu'il ne s'y attendait!

ARBACES

      Une fois l'heure venue, tu jugeras si je crains peu ou beaucoup. Tu as vu ma vie exposée au hasard: – je la jouais gaiement; mais ici il s'agit d'une plus haute chance, – un royaume.

BELÈSES

      Je l'ai prévu d'avance, – tu le gagneras; en avant donc, et réussis.

ARBACES

      Va, si j'étais un prophète, je me serais gratifié de la même prédiction. Mais obéissons aux étoiles, – je ne dois pas quereller avec elles ou avec leur interprète. Qui vient?

(Entre Salemènes.)SALEMÈNES

      Satrapes!

BELÈSES

      Mon prince!

SALEMÈNES

      Bien! Ici réunis? – Je vous cherchais tous deux; mais ailleurs que dans le palais.

ARBACES

      Pourquoi cela?

SALEMÈNES

      Ce n'est pas l'heure.

ARBACES

      L'heure? – quelle heure?

SALEMÈNES

      De minuit.

BELÈSES

      Minuit, seigneur?

SALEMÈNES

      Quoi! n'êtes-vous pas invités?

BELÈSES

      Oh! oui, – nous l'avions oublié.

SALEMÈNES

      Est-il donc ordinaire d'oublier une invitation du souverain?

ARBACES

      Pourquoi? – nous ne faisons que de la recevoir.

SALEMÈNES

      Pourquoi donc êtes-vous ici?

ARBACES

      Notre devoir nous y appelle.

SALEMÈNES

      Quel devoir?

BELÈSES

      Celui de notre rang. Nous avons le privilége d'approcher le monarque, mais nous l'avons trouvé absent.

SALEMÈNES

      Et moi aussi, je suis à mon devoir.

ARBACES

      Pouvons-nous savoir à quoi il vous oblige?

SALEMÈNES

      A arrêter deux traîtres: holà! gardes.

(Entrent des gardes.)SALEMÈNES, poursuivant

      Satrapes, vos épées!

BELÈSES, présentant la sienne

      Seigneur, voilà mon cimeterre.

ARBACES, tirant son épée

      Viens la prendre.

SALEMÈNES, avançant

      Volontiers.

ARBACES

      Oui, mais le fer touchera ton cœur, – et la poignée ne quittera pas ma main.

SALEMÈNES, tirant son épée

      Comment, veux-tu me braver? Fort bien! – cela te sauvera un jugement et une pitié intempestive. Soldats, terrassez le rebelle!

ARBACES

      Tes soldats! oui, – seul tu ne l'oserais pas.

SALEMÈNES

      Seul! téméraire esclave. – Et qu'y a-t-il en toi qu'un prince puisse trembler de subjuguer? Nous craignons ta trahison, et non pas ta force. Ta dent serait impuissante sans son venin: – c'est celle du serpent, et non pas du lion. Terrassez-le.

BELÈSES, se mettant entre eux

      Êtes-vous fou, Arbaces? N'ai-je pas rendu mon épée? Confiez-vous donc comme moi dans la justice de notre souverain.

ARBACES

      Non: – j'ai plutôt confiance dans les étoiles que tu fais bavarder, et dans la dextérité de ce bras; je mourrai roi, du moins de mon ame et de mon corps, et personne ne pourra jamais les enchaîner.

SALEMÈNES, aux gardes

      Vous nous entendez, lui et moi: ne l'enchaînez pas. La mort. (Les gardes attaquent Arbaces, qui se défend lui-même avec vaillance et adresse, jusqu'à ce qu'ils paraissent hésiter.) Ah! c'est ainsi; et je me vois contraint à faire l'office du bourreau! Lâches! voyez comme on doit frapper un traître.

(Salemènes attaque Arbaces. – Entre Sardanapale et sa suite.)SARDANAPALE

      Arrêtez! – sur vos vies, arrêtez! Eh quoi! êtes-vous ivres ou sourds? Mon épée! Insensé! je ne porte pas d'épée: toi, mon ami, donne-moi ton glaive. (Il arrache une épée à l'un des soldats, et se place entre les combattans. – Ils se séparent.) Dans mon propre palais! querelleurs insolens! Qui m'empêcherait de vous fendre, la tête?

BELÈSES

      Votre justice, sire.

SALEMÈNES

      Oui; ou bien-votre faiblesse.

SARDANAPALE, levant son épée

      Comment?

SALEMÈNES

      Frappez! pourvu que vous mêliez mon sang à celui de ce traître, – que, j'espère, vous n'épargnez en ce moment que pour le réserver aux tortures: – je ne me plaindrai pas.

SARDANAPALE

      Eh quoi! – qui ose donc attaquer Arbaces?

SALEMÈNES

      Moi!

SARDANAPALE

      Vraiment! vous vous oubliez, prince. Sur quelle garantie?

SALEMÈNES, montrant le seing

      La tienne.

ARBACES, confus

      Le sceau du roi!

SALEMÈNES

      Oui; et c'est au roi à confirmer sa confiance.

SARDANAPALE

      Je ne l'ai pas donnée pour une pareille fin.

SALEMÈNES

      Vous me l'avez accordée pour votre salut: – j'en ai fait le meilleur usage. – Prononcez en personne. Ici, je ne suis que votre esclave; – j'étais, il n'y a qu'un moment, un autre vous-même.

SARDANAPALE

      Alors, cachez vos épées.

(Arbaces et Salemènes rentrent

Скачать книгу