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souvint des conseils que Mme Étienne leur avait donnés.

      «Mes enfants, leur avait-elle dit, partout où vous allez passer, personne ne vous connaîtra; ayez donc bien soin de vous tenir propres et décents, afin qu'on ne puisse vous prendre pour des mendiants ou des vagabonds. Si pauvre que l'on soit, on peut toujours être propre. L'eau ne manque pas en France, et rien n'excuse la malpropreté.»

      – Julien, dit André à son frère, n'oublions pas les conseils de la bonne mère Étienne; mettons-nous bien propres avant de nous présenter chez les amis du garde.

      – Oui, dit l'enfant, courons au bord de cette jolie rivière qui coule près de la route; nous nous laverons le visage et les mains.

      – Ensuite, répondit André, je brosserai tes habits avec mon mouchoir, nous rangerons bien nos cheveux, nous frotterons nos souliers avec de l'herbe pour les nettoyer, et comme cela nous n'aurons pas l'air de deux vagabonds.

      Aussitôt dit, aussitôt fait. En un clin d'œil ils eurent réparé le désordre causé par une nuit et une demi-journée de voyage dans les bois à travers la montagne.

      Lorsqu'ils eurent fini leur toilette, André jeta un dernier coup d'œil sur son jeune frère, et il fut tout fier de voir la bonne mine de Julien, son air bien élevé et raisonnable.

      Tous les deux alors se présentèrent dans le village et cherchèrent la maison de la veuve dont ils avaient l'adresse. On leur indiqua une ferme située à l'extrémité du village. En entrant dans la cour, ils virent un grand troupeau de belles oies lorraines, qui se réveillèrent en sursaut au bruit de leurs pas et les saluèrent de leurs cris. Ils s'avancèrent vers la porte de la maison, suivis du troupeau et accompagnés d'un bruyant tapage.

      La fermière vint sur le pas de sa porte et regarda les enfants qui s'approchaient d'elle, chapeau à la main.

      Dès le premier coup d'œil la ménagère, femme d'ordre et de soin, fut bien prévenue en faveur des enfants qu'elle voyait si propres et si soigneux de leur personne. Aussi, lorsqu'elle eut lu le billet de Fritz, elle fut tout à fait gagnée à leur cause.

      «Quoi! pensa-t-elle, ces enfants ont fait seuls et la nuit une route si longue dans la montagne! Voilà de jeunes cœurs bien courageux et dignes qu'on leur vienne en aide.»

      Elle les accueillit aussitôt avec empressement, et comme on se mettait à table, elle les plaça auprès d'elle.

      Le dîner était frugal, mais l'accueil de la ménagère était si cordial et nos jeunes voyageurs si fatigués, qu'ils mangèrent du meilleur appétit la soupe aux choux et la salade de pommes de terre.

      XIII. – L'empressement à rendre service pour service. – La pêche

Vous a-t-on rendu un service, cherchez tout de suite ce que vous pourriez faire pour obliger à votre tour celui qui vous a obligé

      Tout en mangeant, André observait que la maison avait l'air fort pauvre. Sans la grande propreté qui faisait tout reluire autour d'eux, on eût deviné la misère.

      Après le dîner, chacun des membres de la famille se leva bien vite pour retourner à son travail, les jeunes enfants vers l'école, les aînés aux champs.

      Quoique André fût tout à fait las, il proposa ses services et ceux de Julien avec empressement, car il aurait bien voulu dédommager son hôtesse de l'hospitalité qu'elle leur offrait; mais la fermière n'y voulut jamais consentir.

      – Reposez-vous, mes enfants, disait-elle; sinon vous me fâcherez.

      Pendant que le débat avait lieu, le petit Julien n'en perdait pas un mot; il devinait le sentiment d'André, et lui aussi aurait voulu être le moins possible à la charge de la fermière.

      Tout à coup l'enfant avisa deux lignes pendues à la muraille: – Oh! dit-il, regarde, André, quelles belles lignes! Il faut nous reposer en pêchant. N'est-ce pas, madame, vous voulez bien nous permettre de pêcher? Nous serions si contents si nous pouvions rapporter de quoi faire une bonne friture!

      – Allons, mon enfant, dit la veuve, je le veux bien. Tenez, voici les lignes.

      Un quart d'heure après, les deux enfants, munis d'appâts, se dirigeaient vers la rivière avec leurs lignes et un petit panier pour mettre le poisson si l'on en prenait.

      André était bon pêcheur; plus d'une fois, le dimanche, il avait en quelques heures pourvu au dîner du soir. Julien était moins habile, mais il faisait ce qu'il pouvait. On s'assit plein d'espoir à l'ombre des saules, dans une belle prairie comme il y en a beaucoup en Lorraine.

      Cependant carpes et brochets n'arrivaient guère, et Julien sentait le sommeil le prendre à rester ainsi immobile, la ligne à la main, après une nuit de marche et de fatigue. Il ne tarda pas à se lever.

      – André, dit-il, j'ai peur, si je reste assis sans rien dire, de m'endormir comme un paresseux qui n'est bon à rien; je ne veux pas parler pour ne pas effrayer le poisson, mais je vais prendre mon couteau et aller chercher de la salade: cela me réveillera.

      Pendant que l'enfant faisait une provision de salade sauvage, jeune et tendre, André continua de pêcher avec persévérance, tant et si bien que le panier commençait à s'emplir de truites et d'autres poissons lorsque Julien revint: le petit garçon était bien joyeux.

      – Quel bonheur! André, disait-il, nous allons donc, nous aussi, pouvoir offrir quelque chose à la fermière.

      Au moment où les enfants de la fermière revenaient de l'école, André et Julien entrèrent, apportant le panier presque rempli de poissons encore frétillants, et la salade bien nettoyée.

      On fit fête aux jeunes orphelins. La veuve était touchée des efforts d'André et de Julien pour la dédommager de l'hospitalité qu'elle leur offrait.

      – Chers enfants, leur dit-elle, il n'y a qu'une demi-journée que je vous connais; mais je vous aime déjà de tout mon cœur. Cette nuit, vous vous êtes montrés courageux comme deux hommes, et aujourd'hui, quoique fatigués, vous avez tenu à me montrer votre reconnaissance de l'accueil que je vous faisais. Vous êtes de braves enfants, et si vous continuez ainsi, vous vous ferez aimer partout où vous irez; car le courage et la reconnaissance gagnent tous les cœurs.

      XIV. – La vache. – Le lait. – La poignée de sel. – Nécessité d'une bonne nourriture pour les animaux

Des animaux bien soignés font la richesse de l'agriculture, et une riche agriculture fait la prospérité du pays

      Le reste de l'après-midi se passa gaîment. – Puisque vous avez tant envie d'être utiles, dit la fermière lorraine aux deux orphelins, je vais vous occuper à présent. Vous, André, je vous prie, surveillez mes enfants: ils arrivent de la classe, et ils ont leurs devoirs à faire. Pendant que vous me remplacerez auprès d'eux, Julien va venir avec moi: nous soignerons la vache et nous ferons le beurre pour le marché de demain.

      – Oui, oui, dit le petit garçon; et il sautait de plaisir à l'idée de voir la vache, car il aimait beaucoup les animaux.

      – Prenez ce petit banc en bois et cette tasse, lui dit la fermière; moi, j'emporte mon chaudron pour traire la vache.

      Julien prit le banc, et arriva tout sautant à l'étable.

      – Oh! s'écria-t-il en entrant, qu'elle est jolie cette petite vache noire, avec ses taches blanches sur le front et sur le dos! Comme son poil est lustré et ses cornes brillantes! Et quels grands yeux aimables elle a! Je voudrais bien savoir comment elle se nomme.

      – Nous l'appelons Bretonne, dit la fermière en atteignant une botte de ce foin aromatique qu'on recueille dans les montagnes, et qui donne au lait un goût si parfumé; elle y ajouta de la paille.

      – Tenez, Julien, dit-elle, portez-lui cela; elle est douce parce que nous l'avons toujours traitée doucement; elle ne vous fera pas de mal.

      Julien prit le fourrage et l'étala devant le râtelier de Bretonne; pendant ce temps la fermière s'était assise sur le petit banc, son chaudron à ses pieds, et elle commençait à traire la vache. Le lait tombait, blanc et écumeux, dans le chaudron en fer battu,

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