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elle en eut davantage, mais ce furent ces huit cordes qui donnèrent leurs noms aux notes de l'octave.

      Platon et les purs Athéniens de vieille race bannirent la cithare d'Athènes au bénéfice de la lyre, comme trop efféminée.

      Cette opposition des philosophes était une réaction contre les nombreux instruments orientaux qui avaient fait invasion en Grèce, en même temps que le luxe asiatique. Assez semblable à la lyre était le barbitos, dont jouaient Anacréon et Sapho. Mais tout à fait asiatique était la grande harpe, se rapprochant de celle des Assyriens et des Égyptiens; elle avait jusqu'à trente-cinq cordes, ce qui permettait de magadiser facilement, c'est-à-dire de faire entendre en même temps deux octaves, de là son nom de Magadis. Vers le VIe siècle avant J.-C., un musicien d'Ambracie, Épigone, inventait, ou empruntait aux Orientaux, un instrument à nombreuses cordes, fort semblable à l'asor assyrien, et auquel il donnait le nom d'epigonion. A la suite des expéditions d'Alexandre, les Grecs connurent d'autres instruments d'Orient tels que la pandourah, le monocorde, le tricorde; mais ils les employèrent peu, restant plutôt fidèles à la lyre et à la cithare. Les instruments nouveaux se répandirent surtout dans les îles plus asiatiques qu'hellènes. Les Grecs purs avaient conservé, depuis les guerres persiques, une horreur patriotique pour ce qui rappelait l'Asie et l'odieux souvenir de l'ennemi séculaire (fig. 17).

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      FIG. 17.—MAGADIS GRECQUE D'ORIGINE ORIENTALE.

      On comptait trente-sept espèces différentes de flûtes, aussi l'aulétique, ou art de jouer de la flûte, était-elle une science des plus compliquées. Mais il faut dire que ce nombre de flûtes se réduit singulièrement, si l'on pense que les Grecs comprenaient sous le nom d'auloi les instruments à embouchure, à bec et à anche, c'est-à-dire ce que nous appelons aujourd'hui les flûtes et les hautbois. De plus, les flûtes prenaient leurs noms, non seulement de leur grandeur, de leur forme et de leur timbre, mais aussi de l'emploi spécial auquel elles étaient destinées; la monaule n'avait qu'un tuyau, l'hémiope possédait des trous qui devaient être bouchés à moitié, la gingrine était une petite flûte au son triste, employée dans les funérailles. Si les jeunes filles sortaient en procession, les flûtes étaient dites parthéniennes; si les enfants allaient à l'école, les mêmes flûtes devenaient païdiques; c'étaient les andries ou flûtes graves qui accompagnaient les chœurs d'hommes. La facture n'étant pas très avancée, on avait plusieurs flûtes pour les différents tons. On les faisait en roseau, en lotus, en buis, en os, en bois de cerf, en laurier, en ivoire, en métal d'or ou d'argent. Il ne nous reste, de ces nombreux instruments, qu'un seul spécimen, rapporté par lord Elgin.

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      FIG. 18.

      FLUTE DOUBLE AVEC LA PHORBEIA.

      Deux flûtes sont caractéristiques, la flûte de Pan et la flûte double. Pour emboucher cette dernière et la faire résonner, de grands efforts étaient nécessaires; aussi les Grecs avaient-ils eu l'idée de se garnir les joues et les lèvres d'une sorte de monture, appelée phorbeia, qui leur permettait de souffler avec force dans l'instrument, sans déformer les traits du visage humain, ce qui pour eux eût été un crime de lèse-esthétique (fig. 18).

      Qui inventa ces flûtes si diverses et si ingénieuses? Voilà ce que personne ne saura dire. On rapporte cependant qu'Ardalas de Trézène, vers 850 avant J.-C., fixa le premier les règles de l'aulétique ou l'art de jouer de la flûte; Pronomos de Thèbes passe pour avoir, vers 450, perfectionné ces instruments; mais, en attribuant aux dieux toutes les inventions de ce genre, les anciens étaient plus près de la vérité que nos archéologues les plus érudits et s'épargnaient ainsi bien des recherches inutiles.

      Les Grecs connaissaient et employaient les trompettes, moins pour la guerre cependant que pour les sacrifices. Ils les construisaient en os, en bronze, en argent. Ce furent les Romains qui portèrent les trompettes à leur plus haut degré de perfection. Cependant on avait créé à Olympie des concours de trompettes pour les hérauts.

      La percussion semble avoir été moins riche chez les Grecs que chez les Égyptiens, les Assyriens et les Hébreux. Elle se composait surtout de tambourins, de cymbales, petites et grandes, de sistres et de triangles. Ces instruments, venus vraisemblablement d'Asie, étaient surtout destinés au culte de Bacchus, car ils étaient les attributs des Bacchantes, des Dactyles, des Corybantes, des Curètes, en un mot, de tous les prêtres de Dionysios, de Cybèle, et des dieux de la nature.

      La musique fut consacrée d'abord à la religion, et les prières, ainsi que les hymnes, paraissent avoir été les premières compositions régulières. Nous ne parlons pas des chants épiques; s'ils étaient accompagnés de musique, selon toute apparence, cette musique était une sorte de cantillation monotone, plutôt qu'une mélodie. Ces hymnes, ces chants sacrés portaient le nom de nomes (lois). Le plus ancien nome connu est adressé par Olen de Délos à Apollon et à Diane. Chacun des grands dieux avait son chant, qui lui était spécialement attribué; le dithyrambe était voué à Bacchus, le péan, que l'on pourrait appeler le chant national grec, à Apollon, l'oupigès à Diane, l'oulè à Cérès. Ces chants étaient accompagnés de danses. Si les chœurs étaient tristes et lugubres, ils étaient rangés dans la classe des thrénoi; s'ils étaient joyeux, au contraire, ils appartenaient au genre de l'hyménée. Nous avons dit que chaque dieu avait son chant, pour chacun aussi on employait l'instrument qui lui était le plus agréable; à Apollon étaient dédiées la lyre et la cithare, à Bacchus la flûte, obligatoire, dit Aristote, dans tous les chants dédiés à ce dieu. «On chante à Dionysios des cantilènes dithyrambiques pleines de pathétique et de transitions, exprimant je ne sais quoi d'égaré et de désordonné... Pour Apollon, au contraire, il faut le péan, hymne sévère et recueilli.» (Plutarque.) Voici du reste la description de ces deux célèbres danses nomiques: «Pour le dithyrambe, les chanteurs se placent en rond. L'un des musiciens, tenant dans ses mains des tuyaux sonores, fait entendre une mélodie qu'inspire la fureur, l'autre entrechoque les cymbales d'airain. Des sons semblables aux mugissements du taureau surgissent on ne sait d'où, et le bruit du tambour roule en répandant la terreur. Les murs sont affolés et les toits pris d'ivresse?» Le péan, au contraire, est plein de dignité et de noblesse. Des prêtres crétois abordèrent en Grèce, après une périlleuse traversée, et rendirent grâces aux dieux: «Devant eux marchait l'Anacte, fils de Zeus Apollon; tenant en mains la phorminx, il en jouait admirablement et levait le pied haut et avec grâce. En bel ordre et marquant la cadence de leurs pas, les Crétois suivaient et montaient vers Pytho. Ils chantaient l'Io péan, chant pareil aux péans de la Crète.»

      Les fêtes étaient nombreuses, soit pour honorer un dieu, soit pour perpétuer le souvenir des grands événements. Chacune servait de prétexte à des jeux dans lesquels les Grecs concouraient pour l'agilité, la poésie et la musique. On sait qu'il existait quatre grandes principales fêtes de ce genre: les jeux olympiques à Olympie, les jeux pythiques à Delphes, les jeux néméens à Argos, et les jeux isthmiques à Corinthe; Pindare a écrit les poétiques annales de ces luttes. Chaque cité avait aussi ses jeux particuliers; les Panathénées, dédiées à Pallas, protectrice d'Athènes, et représentées sur les frises du Parthénon, comptent parmi les plus célèbres.

      Nomes, sacrifices, processions, jeux, tout semble être venu se concentrer sur un art qui fut une des plus splendides manifestations du génie grec, et qui emprunta à la musique une grande partie de sa sublime beauté. Je veux parler du théâtre tragique et comique.

      Assez d'autres ont raconté, et mieux que nous ne pourrions le faire, les origines du théâtre antique; arrêtons-nous seulement un instant sur ce qui regarde la musique.

      Dans l'ancienne tragédie, avec Eschyle, ce sont les chœurs qui représentent l'élément musical. Dans la moyenne, avec Sophocle,

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