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circonstances ordinaires, par douze chanteurs et douze instrumentistes, dont neuf harpistes, deux joueurs de cithare et un de cymbales. Le nombre des musiciens était proportionné à l'importance de la fête. D'après un texte du Talmud, les voix féminines ne devaient pas se faire entendre dans le sanctuaire; au temple, les femmes étaient remplacées par de jeunes lévites; mais elles faisaient leurs dévotions entre elles, sous la conduite d'une coryphée. Des chanteuses étaient attachées à la cour du roi et employées dans les réjouissances publiques, dans les festins et dans les cérémonies funèbres.

      Après le schisme qui suivit la mort de Salomon, la musique du temple perdit de sa splendeur. En 721, le royaume d'Israël était envahi par Salmanasar, et dix tribus emmenées en esclavage; deux siècles plus tard, le même coup frappait la Judée; le temple était pris et détruit par Nebucadnetsar. On sait dans quels chants sublimes les Hébreux captifs exhalèrent leurs plaintes, mais on sait aussi «qu'ils suspendirent leurs harpes aux saules de la rive sur le fleuve de Babylone». L'historien avide de précision n'a plus pour tout renseignement que quelques noms d'instruments cités par Daniel lorsqu'il raconte comment le roi voulut forcer les juifs à adorer l'idole d'or, et encore ces noms d'instruments appartiennent-ils à la langue des vainqueurs. C'est par ce passage du livre de Daniel que nous connaissons les noms des instruments assyriens. Voici ces versets: «Un héraut cria à haute voix, voici ce que l'on vous ordonne, peuples, nations, hommes de toutes langues! Au moment où vous entendrez le son de la trompette, du chalumeau, du tambourah, de la sambuque, du psaltérion, de la cornemuse et de toutes sortes d'instruments de musique, vous vous prosternerez et vous adorerez la statue d'or qu'a élevée le roi Nebucadnetsar.»

      On a dressé de nombreuses listes d'instruments hébreux. En torturant les textes on est arrivé à les rendre riches, mais elles ne diffèrent pas beaucoup de celles des Égyptiens et des Assyriens. Parmi les plus célèbres instruments, il faut compter le kinnor, qui semble avoir été la harpe, le nebel, l'asor (psaltérion), l'ugab (cornemuse), le schofar, corne ou trompette sacrée, encore employée dans les synagogues, le hatsotserah, sorte de trompette dont on n'a pu définir ni le genre ni le timbre, ainsi que le tzeltzelem metzillut, le keren, le psantir, etc. Dans le petit nombre des monuments juifs, on a conservé quelques médailles de Simon Nasi et de Simon Bar-Cockab, frappées à l'époque de la révolte des juifs sous Adrien; ces médailles représentent des lyres évidemment grecques, mais une autre médaille du même Simon, portant deux trompettes, a un caractère hébraïque plus marqué.

      Voilà donc, en résumé, tout ce que nous donnent les textes et les monuments sur l'art musical juif; dans tout cela, rien ne nous est resté de la musique proprement dite, ni un signe ni une note. Cependant, si l'on songe à la prodigieuse ténacité de ce peuple qui a vécu de par le monde pendant près de vingt siècles sans se mêler aux autres nations, sans perdre son idiome et ses traditions, on est autorisé à penser que, malgré les transformations qu'elles ont pu subir, les mélodies qui se chantent encore dans les synagogues des différents rites, et dont quelques-unes sont fort belles, doivent avoir conservé quelque chose des anciens chants du temple, comme un parfum de la Judée. Si mélangé que soit l'alliage, il y est peut-être resté un peu de pur et vieux métal.

      Chappel. The history of music, in-8o, 1874.

      Engel. The music by the most ancient peoples. Londres, in-8o, 1864.

      Fétis. Histoire de la Musique, t. Ier.

      Lepsius. Denkmäler aus Ægypten und Æthiopien. 12 vol. grand in-folio.

      Naumbourg. Zemiroth Israel, recueil de chants israélites, in-4o, 1876.

      Prisse d'Avennes. Histoire de l'art égyptien d'après les monuments. Grand in-folio.

       LES GRECS

       Table des matières

      La musique grecque: théoriciens, philosophes et commentateurs.—Les origines fabuleuses: la lyre et la flûte, Apollon et Marsyas; la lyre et la cithare, Apollon et Mercure.—Système musical des Grecs: les tons et les modes, les rythmes, la notation.—Les chants grecs: l'éthos et le caractère des mélodies, l'harmonie, la philosophie musicale.—Les instruments de musique: les lyres, les flûtes, les trompettes, la percussion.—Les chants Nomiques et les chœurs: le Péan, le Dithyrambe, les fêtes, les jeux ou concours.—Le théâtre: la tragédie, la comédie, les concerts privés.—Les musiciens: poètes, virtuoses, aulètes et citharèdes, chanteurs.—Résumé.

      «Les Grecs ont été les plus admirables artistes du monde: grands sculpteurs, architectes de génie, poètes sublimes, ils ont dû nécessairement être aussi de grands musiciens.» Pour être spécieux, ce raisonnement n'en est pas moins assez facile à réfuter. Avec leur admirable goût, avec un sentiment inné de la grande symétrie qui relie tous les arts, les Grecs avaient bien deviné la puissance et la beauté de la musique, ou pour mieux dire des arts de la musique, car ils comprenaient dans la même trilogie la poésie, la musique et la danse; donc ils connaissaient et pratiquaient une musique, mais non point la musique, dans le sens absolu que nous donnons à ce mot.

      Notre musique est d'essence toute moderne; elle paraît être un de ces monuments qui se sont élevés sur les ruines du monde antique, à la suite des invasions barbares. Il manquait à l'art musical des Grecs quelques-unes des conditions qui font que notre musique moderne est musique. La suite de ce récit démontrera qu'en dehors du rythme et de la mélodie, que les Grecs ont certainement possédés, il est d'autres formes musicales qu'ils n'ont point connues, dont ils n'ont point eu l'idée, si haute qu'ait été leur esthétique, par la raison bien simple qu'il leur était impossible de l'avoir. Mais leur architecture, mais leur sculpture, mais leur poésie? J'entends bien; mais encore un coup, ce raisonnement n'est que spécieux. Les XVe et XVIe siècles ne comptent-ils pas parmi les grandes époques de l'art? N'y admire-t-on point des peintres, comme Raphaël, des sculpteurs comme Michel-Ange? Par conséquent, les mêmes siècles auraient dû produire en même temps un Glück, un Mozart, un Beethoven, un Weber; il n'en est rien. Si grand que soit le plus grand des musiciens de cette époque, il ne peut être comparé à ceux que nous venons de nommer. Que les Grecs aient chanté, cela est incontestable; qu'ils aient bien chanté, il faut le croire, puisqu'ils le disent; mais, de ce qu'ils ont élevé le Parthénon, de ce qu'ils ont taillé dans le marbre la Vénus de Milo, de ce qu'ils nous font encore pleurer sur les malheurs d'Œdipe, il ne s'ensuit pas que leur musique ait égalé leur architecture, leur sculpture ou leur poésie. De notre temps, un siècle à peine a suffi pour faire naître Alceste, de Glück; Don Juan, de Mozart; la symphonie en ut mineur de Beethoven; Freyschutz, de Weber; Guillaume Tell, de Rossini; les Huguenots, de Meyerbeer; Lohengrin, ou l'Anneau des Niebelungen, de Wagner; que sais-je encore! Dans le même temps les peintres nous donnaient-ils les loges de Raphaël, les sculpteurs le Moïse ou le Pensieroso de Michel-Ange, les poètes le Polyeucte de Corneille?

      Ce que nous savons des Grecs nous vient de deux sources. Ce sont d'abord les traités théoriques et philosophiques qu'ils nous ont laissés et trois hymnes d'une époque de décadence, plus quelques notes de cithare. Puis, à partir du XVIe siècle de notre ère, des commentateurs sont venus en grand nombre, ingénieux et savants, qui, grâce à bien des hypothèses, ont fini par découvrir quelques vérités.

      Telles sont les sources auxquelles nous puisons aujourd'hui notre connaissance de l'art grec; mais, vue dans son ensemble, son histoire primitive a suivi tout naturellement les péripéties des diverses invasions, venues de tous côtés, et à la suite desquelles la presqu'île hellénique s'est peuplée.

      Ces nombreuses évolutions prirent dans la vive imagination des Grecs la forme saisissable et poétique de fables ou de mythes: aussi est-ce presque toujours par un instrument que l'on peut symboliser, pour ainsi dire, chacune des grandes luttes des peuples qui ont contribué

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