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mère s’endormit immédiatement, avec la quiétude d’une âme qui a pleinement rempli sa journée.

      Pour Adrienne elle lutta un peu contre le sommeil.

      Elle éprouvait du regret de si vite cesser de penser aux choses aimables qui se dessinaient vaguement dans son imagination. Cependant la nature l’emporta, et bientôt ses yeux se fermèrent.

      Vers midi, un bruit inusité réveilla la mère et la fille.

      On eût dit que plusieurs personnes parlementaient, dans l’antichambre. Il y avait des répliques de voix inconnues, qui ressemblaient à des injonctions.

      Brusquement, la bonne entra dans la chambre de madame Baroit. Elle avait le visage anxieux, consterné.

      –Qu’y a–t–il? demanda sa maîtresse. Qui est là?

      –Des hommes.

      –Que veulent–ils?

      –Parler à madame sur l’heure.

      –Qu’ils reviennent.

      –Ils ne veulent pas. Ils donnent cinq minutes à madame pour s’habiller, et disent avoir mission de tout visiter ici, au nom de la loi.

      Madame Baroit eut un serrement de cœur; mais devinant ce dont il s’agissait, elle se trouva très calme.

      Pour elle, ce qui arrivait–quoi que ce fût d’ailleurs!–elle l’avait prévu; elle n’avait cessé de s’y attendre chaque jour.

      –Dites que je passe un peignoir, répondit–elle, et avertissez mademoiselle, le plus doucement possible.

      Quelques instants après, elle entrait dans la salle à manger, où l’attendait un commissaire aux délégations judiciaires, accompagné d’agents en bourgeois.

      De laide mine, d’une impassibilité grossière et presque menaçante, ces êtres déclassés, couverts de leurs chapeaux graisseux, lui jetèrent un regard suspect, et se levèrent pour procéder à leur méchante besogne.

      –Un moment, fit madame Baroit. Je suis ici chez moi. Pour pénétrer dans mon domicile, il y a des formalités à remplir, êtes–vous en règle?

      –Parbleu! fit le commissaire, en riant de pitié.

      –Je parle poliment, reprit la mère d’Adrienne. Veuillez me dire qui vous êtes et en vertu de quels ordres vous agissez.

      Le commissaire s’exécuta, avec brusquerie et précipitation.

      –Bien! fit la femme du proscrit. Je vous répète à présent que je suis chez moi, et que je proteste contre la violation de mon domicile.

      –Eh! protestez. Si vous croyez que nous allons nous amuser à y faire attention!

      –Vous le consignerez du moins sur le procès–verbal.

      –Pour quoi faire? dit le policier en haussant les épaules.

      Enfin, ajouta–t–il en s’adressant au greffier, écrivez toujours. Puis, revenant à madame Baroit:

      –Vos clefs?

      –Non, monsieur; ce serait acquiescer, et je proteste.

      –Qu’est–ce que vous y gagnerez? Des détériorations à vos meubles, voilà tout.

      –Faites votre état, et épargnez–moi des observations dont je n’ai pas besoin pour savoir me conduire.

      –Elle est stupide! marmotta le chef des agents, blessé de ce «faites votre état». Il faut aller chercher un serrurier maintenant; nous n’en finirons pas. Allons, vivement, qu’un de vous y aille!

      Ce disant, il fit mine d’ouvrir une porte.

      –Pour entrer là, vous attendrez que ma fille soit vêtue convenablement, fit la mère d’Adrienne en lui saisissant vigoureusement le poignet.

      Mais la porte s’ouvrit, et la jeune fille parut.

      Elle était livide.

      –Où est mon père? demanda–t–elle.

      –Je l’ignore, mon enfant, répondit madame Baroit.

      –Monsieur, reprit Adrienne d’une voix suppliante, où est mon père! Est–ce qu’on va encore l’envoyer là–bas? Qu’a–t–il fait? Je vous en conjure, monsieur.

      –Laisse, laisse, ma fille, dit doucement madame Baroit en attirant son enfant sur sa poitrine. Tu vois bien que ce sont des agents subalternes, qui n’ont rien à nous dire. Adrienne fondit en larmes.

      La visite commença dès l’arrivée du serrurier.

      On ouvrait tout. Le linge, les effets, les moindres objets étaient dépliés, examinés, puis jetés de côté; on fouillait tous les recoins.

      Ne découvrant rien à leur usage, les agents y mettaient du dépit et se permettaient des appréciations blessantes.

      Madame Baroit les suivait pas à pas, immobile auprès d’eux, muette et calme, soutenue par une espérance qu’elle s’efforçait de ne pas laisser percer.

      Redoutant que son mari ne se fût compromis de nouveau et n’eût quelque part, chez lui, des papiers qu’il importait qu’on ne découvrît pas, elle s’appliquait à irriter les agents de façon à absorber leur attention sur elle seule, comptant que, faute de renseignements, la visite de l’appartement des deux femmes terminée, ils se retireraient sans continuer leurs investigations.

      Alors, eux partis, elle se promettait de monter chez son mari et, à tous risques, d’enlever et de détruire jusqu’aux notes les plus insignifiantes.

      Par malheur, au milieu de l’opération, un autre agent de police survint, suivi d’un commissionnaire. Après deux mots échangés avec le commissaire, il s’approcha de madame Baroit en lui présentant un papier.

      Elle y jeta les yeux, reconnut l’écriture de Baroit et lut:

      «On m’a arrêté hier à minuit. Je suis au secret. Remets du linge et des vêtements au porteur.

      » Je vous embrasse de toute mon âme.

      » AGÉNOR BAROIT.»

      La pauvre femme sentit son cœur se fondre; sa suprême espérance s’envoler. Les effets de son mari étaient là–haut.

      –Bien! fit–elle, pour gagner du temps. J’enverrai ce qu’on me demande.

      –Ah! mais non! s’écria le commissaire, c’est tout de suite ou pas du tout.

      –Je veux assister à toute la visite.

      –Avez–vous peur qu’on ne vous vole?

      –Je ne vous connais pas, après tout, et je veux voir ce que vous emporterez.

      –Eh bien, fit l’agent, dites à votre fille de monter.

      «Monter!…» on savait donc que Baroit avait un appartement séparé? Hélas! oui, et la malheureuse femme, dont l’énergie tomba d’un coup, s’affaissa sur un tabouret, en plongeant son visage dans ses mains.

      Par opposition, Adrienne avait repris possession d’elle– même, et faisant signe à l’agent, elle monta chez son père.

      Trois hommes veillaient à la porte. Après quelques pourparlers, ils livrèrent passage.

      Madame Baroit pleurait; non que l’injustice la révoltât; elle ne doutait pas de la culpabilité nouvelle d’Agénor; elle n’admettait pas que le gouvernement pût commettre un acte arbitraire, en ceci; elle pleurait sur la sottise de son mari, sur sa folie, sur ce qui, pour elle, était une monomanie de conspiration.

      Pendant ce temps, Adrienne faisait un paquet des objets demandés par son père.

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