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La diva. Édouard Cadol
Читать онлайн.Название La diva
Год выпуска 0
isbn 4064066327057
Автор произведения Édouard Cadol
Жанр Языкознание
Издательство Bookwire
A ce moment, Louis se sentait pris d’une autre préoccupation: que diable allait–il dire à ces gens–là?
Tout à coup, des applaudissements; puis un silence; puis le chambellan sortant de la loge, pénétra dans le salon, précédant Napoléon III et l’impératrice Eugénie, derrière qui se rangèrent à distance, et raides comme la justice, les invités faisant cortège.
Alors, s’inclinant profondément, le chambellan dit en désignant le jeune compositeur:
–Monsieur Skébel.
L’empereur adressa au jeune homme de vagues compliments, auxquels il suffisait de répondre par de légères inclinaisons de tête.
Et les dignitaires, rangés en demi–cercle, assistaient à cette scène banale, avec cette rectitude de tenue qui doit, plus d’une fois leur peser.
Enfin, un mot de l’empereur mit fin à l’audience.
L’impératrice lui prit le bras, et tous deux disparurent lentement par une issue des appartements privés.
Alors les invités se débandèrent.
De toutes parts, un envahissement de monde. Les femmes ramassant la queue de leur robe, s’en drapaient comme d’un manteau espagnol, au risque d’en fouetter le visage de leurs voisins.
On se hélait, on s’interpellait à haute voix, et c’était comme une bousculade.
Plus d’égards les uns pour les autres; au diantre l’étiquette! et l’on entendait des mots d’argot à travers le brouhaha général.
Une cohue qui avait je ne sais quoi d’une descente de la Courtille.
–Venez donc souper, criait un jeune sous–chambellan à Skébel.
Mais lui, entouré de jupes traînantes, montrait qu’il ne pouvait avancer sans marcher dessus.
–Qu’est–ce que ça fait! Allez donc! fit l’autre.
Ces gens–là si guindés sous l’œil du maître, paraissaient des écoliers faisant irruption hors des classes, tout prêts à se débrailler. Louis enjamba tant bien que mal, tout en se disant:
–Ainsi voilà à quoi se réduit la souveraineté! L’isolement au milieu de parasites sans conviction et sans vergogne!
En suivant le jeune fonctionnaire qui l’avait appelé, il traversa des couloirs à demi sombres, où des groupes s’étaient formés dans les renfoncements obscurs. On entendait des rires étouffés, des ripostes libres.
Puis c’étaient des portes qui s’entrebâillaient pour laisser passer quelque ombre furtive, avec des bouffées d’orgie à petit bruit.
La galanterie suait aux murs, épandait ses parfums dans l’air.
Malgré lui, le compositeur se demanda tout haut:
–Où suis–je donc, vraiment?
–Hein? fit son cicerone, où vous êtes, cher monsieur? Eh bien, mais! à la cour impériale!…
V
LA PERQUISITION
Depuis certain scandale où, à pareille occasion et dans le palais même, un des meilleurs comédiens de ce temps, un homme de cœur, à tout le moins, avait dû faire acte d’énergie, pour rappeler à la décence un personnage officiel, chargé de présider un souper d’acteurs, venus en représentation au château, ces repas nocturnes étaient soi– disant supprimés à Compiègne.
Cependant la licence n’y perdait rien. Plus ou moins à l’insu des patrons, on soupait clandestinement, dans quelques chambres privilégiées.
Louis Skébel, invité de différents côtés, se tira d’affaire en prétextant une migraine, et à trois heures du matin il se rendait à la gare, où un train devait le ramener à Paris.
Dans les salles de la gare, quelques acteurs et les employés du théâtre sommeillaient en attendant le départ.
Adrienne et sa mère étaient du nombre.
Quand on ouvrit les portes, ils passèrent ensemble sur le quai et montèrent dans le même compartiment.
Madame Baroit, fidèle à son mutisme de parti pris, se blottit dans un coin et ne tarda guère à s’endormir.
Les jeunes gens l’eurent belle, dès ce moment, de parler à cœur ouvert de ce qui les occupait tous deux.
Mais cette liberté même leur devint un embarras, et ni l’un ni l’autre ne se décidant à aborder le sujet délicat, la conversation roula sur la représentation.
Le train subit un retard assez long, par suite d’un léger accident survenu du côté de Villiers–le–Bel, et l’on n’arriva à Paris qu’après cinq heures et demie du matin.
Là encore, Louis dut s’occuper des deux femmes pour la recherche d’un fiacre qu’on ne trouvait pas.
A la fin, il en ramena un. Il voulait qu’elles le prissent à elles seules. Mais elles insistèrent pour qu’il y montât en leur compagnie.
Le véhicule ne contenait que deux places, il fallut se serrer, et les cahots aidant, il y eut entre Adrienne et Louis des frôlements inévitables, si petits qu’ils se fissent tous deux, quelque soin qu’ils apportassent à les éviter.
Ils en restaient au point de ne se rien dire, mais un fluide mystérieux les mettait en telle communication, qu’ils devinaient, chacun de son côté, l’état de leur âme.
Au moment de se séparer, Skébel avait tendu la main à la jeune fille.
–Je voudrais bien, lui dit–il, avoir un entretien avec vous, et le plus tôt possible; mais on ne joue pas ce soir et vous ne viendrez pas au théâtre.
–Eh bien, répondit–elle, à demain!
–C’est si long!…
–Y a–t–il donc urgence?
–Pour moi, oui. C’est que j’ai mille appréhensions. Il s’agit d’une chose très grave que vous ne pouvez comprendre; un grand événement possible dans ma vie; quelque chose qu’il dépend de vous de faire tourner à bien, et j’ai si peur que ça ne se puisse pas; si peur de me bercer d’illusions! La plus dure souffrance pour moi, c’est l’incertitude, l’attente. Voilà pourquoi ces trente–six heures me font l’effet d’un martyre.
–En ce cas, dit Adrienne, touchée de sa simplicité, venez quand même au théâtre ce soir. J’ai mes costumes à remettre en ordre, pour la représentation de demain; nous nous rencontrerons au foyer.
Ils se quittèrent là–dessus.
Les dames Baroit demeuraient quai de Gèvres, à deux pas du Théâtre–Lyrique, dans un petit appartement, au cinquième, avec fenêtres sur un balcon.
Au retour du proscrit, on avait songé à déménager. Mais lui, avec l’arrière–pensée d’avoir plus grande liberté d’agir sans inquiéter les deux femmes, liberté de recevoir, sans les compromettre, certains amis politiques, s’y était opposé et trouvant deux chambres vacantes, à l’étage supérieur, il s’en était arrangé.
A cela près, on vivait en commun. Quand Baroit avait besoin de quelque chose, il frappait au plancher, et on lui répondait en cognant au plafond.
Pendant qu’Adrienne s’attardait