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Le corsaire rouge. James Fenimore Cooper
Читать онлайн.Название Le corsaire rouge
Год выпуска 0
isbn 4064066319045
Автор произведения James Fenimore Cooper
Жанр Языкознание
Издательство Bookwire
–Je vous réponds qu’il y a une bonne partie de l’équipage qui dort dans ce moment au milieu des batteries, et que le quart est fait exactement, sans parler de ceux qui sont en vigie aux bossoirs et sur la poupe. Une fois que j’étais au haut du grand mât de l’Hébbé, je signalai au sud-est une voile qui venait droit sur nous…
–Chut! on fait du bruit sur le tillac.
–Sans doute, on y fait du bruit; c’est le cuisinier qui fend une bûche, et le capitaine qui demande son bonnet de nuit.
La voix de Fid fut étouffée par un cri terrible qui partit du vaisseau. On eût dit le rugissement de quelque monstre marin qui avait élevé tout à coup sa tête au-dessus de l’eau. L’oreille exercée de nos aventuriers reconnut aussitôt que c’était la manière dont il n’était pas inusité de héler une barque; sans prendre le temps de s’assurer qu’on entendait un bruit de rames à quelque distance, Wilder se leva aussitôt sur l’esquif et répondit.
–Comment diable! s’écria la même voix, nous n’avons personne dans l’équipage qui parle de cette manière. Par où êtes-vous, vous qui répondez?
–Un peu sur le bossoir de bâbord, par ici, à l’ombre du vaisseau.
–Et que faites-vous si près de mon avant?
–Je fends les vagues avec ma poupe, répondit Wilder après un moment d’hésitation.
–Quel est ce fou qui vient se jeter ainsi sur nous? murmura celui qui l’interrogeait.–Passe-moi une espingole, que je voie si l’on ne peut tirer une réponse honnête de ce drôle.
–Arrêtez! dit une voix calme, mais impérieuse, qui partait de la partie la plus éloignée du vaisseau, tout est comme il faut, laissez-les approcher.
L’homme qui était sur le tillac du vaisseau leur dit de venir bord à bord, et la conversation cessa. Wilder eut alors occasion de reconnaître que c’était une autre barque, qui était encore à quelque distance, qu’on avait hélée, et qu’il s’était trop pressé de répondre; mais voyant qu’il était trop tard pour pouvoir se retirer sans danger, ou n’agissant peut-être que d’après sa première détermination, il dit à ses compagnons d’obéir.
–Je fends les vagues avec ma poupe! ce n’est pas non plus la réponse la plus honnête qu’un homme puisse faire quand il est hélé, murmura Fid en plongeant sa rame dans l’eau, et ce n’est pas une chose à coucher sur le journal comme un fait extraordinaire qu’ils s’en soient offensés. Quoi qu’il en soit, maître Harry, s’il leur prend fantaisie de vous chercher querelle au sujet de la chose, je vous conseille de leur river bien leur clou, et vous pouvez compter sur de vigoureux croupiers.
Aucune réponse ne fut faite à cette assurance encourageante, car alors l’esquif n’était qu’à quelques pieds du vaisseau. Wilder monta sur le bâtiment au milieu d’un profond silence qui lui parut avoir quelque chose de sinistre. La nuit était sombre, quoique les astres qui se montraient de distance en distance répandissent une lueur suffisante pour que l’œil exercé d’un marin pût distinguer les objets. Lorsque notre jeune aventurier se vit sur le pont, il jeta un regard rapide et scrutateur autour de lui, comme si ce premier coup d’œil devait résoudre des doutes qu’il entretenait depuis longtemps.
Un ignorant, étranger à la marine, aurait été frappé de l’ordre et de la symétrie avec laquelle les mâts s’élevaient vers les cieux, et les agrès croisaient et entouraient dans tous les sens leurs lignes sombres pour en former un labyrinthe qui semblait inextricable; mais ce spectacle n’était pas nouveau pour Wilder. Comme tous les marins, il ne put s’empêcher, il est vrai, de commencer par jeter les yeux en haut; mais il les abaissa bientôt pour commencer un examen plus important pour lui dans ce moment. A l’exception d’un homme qui, quoiqu’il fût enveloppé d’un grand manteau, semblait être un officier, il ne se trouvait pas une âme vivante sur le tillac. De chaque côté était une batterie sombre et menaçante, disposée dans l’ordre imposant de l’architecture navale; mais nulle part on n’apercevait aucune trace de cette foule de matelots et de soldats qui se pressent ordinairement sur les ponts d’un vaisseau armé, et qui sont nécessaires pour servir les pièces. Peut-être étaient-ils dans leurs hamacs, comme l’heure avancée le rendait présumable; cependant il était d’usage de laisser une partie de l’équipage pour faire le quart et veiller à la sûreté du vaisseau. Se trouvant ainsi inopinément face à face avec un seul individu, notre aventurier commença à sentir la singularité de sa position et la nécessité d’entrer en explication.
–Vous êtes sans doute surpris, Monsieur, dit-il, que j’aie choisi une heure aussi avancée pour ma visite?
––Il est certain qu’on vous attendait plus tôt, fut la réponse laconique qui lui fut adressée.
–Qu’on m’attendait?
–Oui, qu’on vous attendait; ne vous ai-je pas vu, vous et vos deux compagnons qui sont dans la barque, nous reconnaître pendant la moitié de la journée, tantôt des bords des quais de la ville, et tantôt du haut de la vieille tour? Que pouvait annoncer toute cette curiosité, si ce n’est l’intention de venir à bord?
–Voilà qui est étrange, je dois l’avouer, s’écria Wilder prenant malgré lui l’alarme. Ainsi donc, vous étiez au fait de mes intentions!
–Écoutez, camarade, interrompit l’autre en riant un instant, mais tout bas et sans bruit, car, d’après votre costume et vos manières, je crois ne pas me tromper en vous prenant pour un marin, pensez-vous qu’on ait oublié les lunettes d’approche dans le mobilier de ce vaisseau, ou vous imaginez-vous que nous ne sachions pas nous en servir?
–Vous devez avoir des raisons bien fortes pour examiner avec tant d’attention ce que font des étrangers qui sont sur la terre ferme.
–Hem1peut-être attendons-nous notre cargaison de l’intérieur; mais je suppose que vous n’êtes pas venu jusqu’ici dans l’obscurité pour regarder notre chargement. Vous désirez voir le capitaine?
–N’est-ce pas lui que je vois?
–Où? demanda l’autre en faisant un mouvement involontaire qui annonçait la crainte mêlée de respect que lui inspirait son supérieur.
–En votre personne.
–En ma personne? Non, non, je ne suis pas encore couché aussi honorablement sur le rôle du vaisseau, quoique mon temps puisse encore venir l’un de ces beaux jours. Dites-moi, camarade, vous avez passé sous la poupe de ce vaisseau qu’on vient de remettre à flot, en venant à nous?
–Assurément; il était, comme vous voyez, en droite ligne sur mon passage.
–C’est un bâtiment qui paraît en bon état, et qui est ce qu’il paraît être, je vous assure. Il est tout prêt à partir, à ce qu’on m’a dit.
–Oui, les voiles sont averguées, et il flotte comme un vaisseau qui est plein.
–Plein de quoi? demanda brusquement l’autre.
–D’objets mentionnés sur son journal, sans doute; mais vous-mêmes vous semblez n’avoir pas fait encore votre chargement. Si vous devez le prendre à ce port, il se passera quelques jours avant que vous puissiez mettre à la voile.
–Hem! je ne crois pas que nous restions longtemps après notre voisin, reprit l’autre un peu sèchement. Puis, comme s’il craignait d’en avoir trop dit, il ajouta vivement:–Nous autres négriers, nous n’avons guère à bord, voyez-vous, que des menottes et quelques barriques de riz de réserve; et, pour compléter le lest, nous avons nos canons et les boulets pour les charger.
–Est-il ordinaire que l’armement des vaisseaux employés à la t.aite soit aussi considérable?
–Peut-être oui, peut-être non; à parler