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humblement la main de l'ex-lieutenant.

      —Mais je les aime, moi, ces gens-là! s'écria la dompteuse.

      —Ah! pour être pris, ils sont bien pris, mais voilà le hic: vous ai-je dit que tout ça se passait dans la chambre voisine de celle où couche mademoiselle Valentine?

      —Non. Elle avait tout entendu?

      —Juste, et ce fut un coup de théâtre auquel on ne s'attendait pas, je vous en réponds.

      Il y avait trois ou quatre jours qu'elle n'avait ni bougé ni parlé, sinon pour prononcer votre nom, ma brave dame, et celui de Maurice, tout doucement, sans presque remuer les lèvres, comme font ceux qui causent en rêvant.

      Une mine qui aurait sauté au milieu de la chambre n'aurait pas plus étonné la famille que la voix de Valentine de Villanove s'élevant tout à coup et disant:

      —Je ne veux pas!

      —Elle parlait à travers la porte? demanda la veuve, dont la voix tremblait.

      —Non pas! elle avait descendu de son lit toute seule; toute seule elle avait traversé sa chambre. Elle avait ouvert la porte sans bruit, elle était debout sur le seuil, pâle comme une statue de marbre, et si belle qu'on en restait comme ébloui.

      «Elle se tenait droite, elle ne s'appuyait à rien et personne n'eut l'idée d'aller la soutenir, tant elle semblait forte et solide.

      —Il me semble que je la vois! murmura la veuve. Oh! pauvre, pauvre Maurice!

      —Bien vous faites de plaindre celui-là, car sa vie et sa liberté sont en question.

      «—Je ne veux pas! a donc répété la demoiselle, il est innocent, je le jure, devant Dieu! Il a déjà fui une fois parce que les innocents ne savent pas se défendre, quand le hasard les accuse; je ne veux pas qu'il se déshonore en fuyant une seconde fois comme un coupable.

      —Tout ça est bel et bon..., commença la dompteuse.

      —Attendez, interrompit M. Constant. Vous, vous êtes une personne de bon sens qui savez ce que parler veut dire, mais elle ne possède l'expérience de rien, la pauvre enfant, et en outre elle a son coup de marteau, un fameux!

      —Ne peuvent-ils agir sans elle?

      —Attendez; voici quelque chose qui va vous étonner plus que tout le reste; ils sont en correspondance...

      —Qui donc? balbutia la veuve stupéfaite.

      —Les deux tourtereaux.

      —Maurice et Valentine! Lui, du fond de sa prison; elle, entourée comme vous me la montrez, malade, privée de raison!...

      —Est-ce assez drôle? demanda M. Constant d'un air bonhomme. Comment ça se fait, moi, vous comprenez, je n'en sais rien, mais c'est comme ça, et nous le tenons d'elle-même.

      —Il faut donc qu'il y ait dans l'établissement du Dr Samuel des employés qui...

      —Sans doute, sans doute, bonne dame, ce ne sont pas des pigeons voyageurs qui portent leurs messages; mais leurs messages vont et viennent, et notre chère malade a formellement déclaré ceci: «À nous deux, nous n'avons qu'un cœur. Tant que je ne voudrai pas, Maurice ne voudra pas.»

      Du revers de sa main, Mme Samayoux essuya une grosse larme qui roulait sur sa joue.

      —L'homme de loi, reprit M. Constant, a voulu plaider auprès d'elle. Il a démontré clair comme le jour non seulement que Maurice serait pour le moins condamné à perpétuité, mais encore qu'une fois la chose faite il n'y aurait plus à y revenir à cause des difficultés posées par la loi française à la révision des procès criminels. Il a cité Lesurques et bien d'autres, mais rien n'y a fait, parce que la petite avait son idée. J'abrège, maintenant. On l'a recouchée, bien entendu, et le conseil de famille s'est réuni à un autre étage. Là, pendant que la marquise se tordait les mains et que les autres jetaient leur langue aux chiens, le colonel, qui est fin comme l'ambre, a ouvert tout doucement l'avis de vous faire chercher et de vous employer à persuader la petite.

      —Ah! fit Mme Samayoux étonnée elle-même du mouvement de défiance qui la prenait.

      —Il a semblé que c'était de la manne dans le désert, poursuivit M. Constant; tous ceux qui étaient là avaient saisi maintes fois votre nom sur les lèvres de la chère enfant. On savait en outre de quelle affection vous entourez le lieutenant Maurice Pagès. Séance tenante, on m'a dépêché sur vos traces, qui n'étaient pas des plus aisées à trouver, soit dit sans reproche; mais enfin je vous ai rencontrée, vous voilà suffisamment renseignée sur ce qui se passe là-bas: voulez-vous être l'auxiliaire d'une noble et malheureuse famille qui cherche à sauver son enfant?

      La veuve fut quelque temps avant de répondre. Elle songeait.

      —Verrai-je Valentine sans témoin? demanda-t-elle enfin.

      —Ah! bonne dame, répliqua M. Constant avec effusion, vous ne feriez pas des questions pareilles si vous connaissiez tout ce monde-là! Venez d'abord. Si quelque chose vous chiffonne, exigez des explications sans vous gêner, on vous les donnera. Exigez un tête-à-tête avec la demoiselle, ils s'en iront tous comme des enfants qu'on renvoie. Mais venez, parce que, vous concevez, je ne suis pas le maître, et la famille seule peut vous dire ce que vous aurez à faire quand on vous enverra auprès du lieutenant.

      —Je verrais Maurice! s'écria la veuve, dont les deux mains s'appuyèrent d'elles-mêmes contre son cœur.

      —Ça va de soi, puisque vous serez notre intermédiaire. Vous demanderez vous-même le laissez-passer, c'est la règle, mais on fera le nécessaire pour que vous n'ayez pas de refus.

      Mme Samayoux s'était levée, mais elle jeta un regard hésitant sur le sans-façon excentrique de sa toilette.

      —Que cela ne vous arrête pas! dit M. Constant.

      La veuve se redressa de toute sa hauteur.

      —Vous avez raison, dit-elle, saquédié! je suis ce que je suis. Ceux qui ne font pas de mal n'ont pas de honte. Marchons!

      En sortant de la baraque par la porte de derrière, Mme Samayoux ouvrait la bouche pour appeler Échalot, lorsqu'elle aperçut le pauvre diable se promenant de long en large à pas précipités dans la neige et battant des bras pour se réchauffer.

      —Garçon, lui dit-elle, vous allez rentrer et garder la baraque.

      L'espoir d'Échalot avait été de parler à la dompteuse tout de suite après le départ de M. Constant. La vue de ce dernier qui s'était mis au-devant de la porte et qui nouait autour de son cou son grand cache-nez causa à notre ami un sensible désappointement.

      —Est-ce que vous allez sortir à cette heure-ci, patronne? demanda-t-il en s'approchant, par le temps qu'il fait, avec quelqu'un que vous ne connaissez pas?

      La dompteuse se mit à rire.

      —As-tu peur qu'on ne m'affronte, l'enflé? dit-elle.

      —Saperlote! ajouta l'officier de santé, je ne me risquerais pas à ce jeu-là.

      Sans y mettre aucune affectation, il barra le passage à Échalot, s'arrangeant toujours de manière à rester entre lui et la veuve.

      —Je reviendrai de bonne heure, reprit celle-ci. À mesure que les autres rentreront, qu'ils se couchent, et qu'on ne me brûle pas de chandelle!

      Elle prit le bras que lui offrait M. Constant et traversa ainsi toute la largeur de la baraque pour gagner l'autre porte qui donnait du côté de la rue Saint-Denis. Échalot suivait la tête basse.

      —Et où allez-vous, patronne? demanda-t-il au moment où elle passait le seuil.

      —Si on te le demande, repartit la veuve gaiement, tu répondras que j'ai oublié de te le dire.

      —C'est que j'aurais

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