ТОП просматриваемых книг сайта:
Mémoires sur la vie publique et privée de Fouquet. Divers Auteurs
Читать онлайн.Название Mémoires sur la vie publique et privée de Fouquet
Год выпуска 0
isbn 4064066084042
Автор произведения Divers Auteurs
Жанр Документальная литература
Издательство Bookwire
L'abbé Fouquet pressa, en effet, le cardinal de Retz de se déclarer, et il le fit avec une vivacité dont le cardinal se plaint dans ses mémoires. Il n'y peint pas l'abbé sous des couleurs favorables[63]: «Il était dans ce temps-là fort jeune; mais il avait un certain air d'emporté et de fou qui ne me revenait pas. Je le vis deux ou trois fois sur la brune, chez Lefèvre de la Barre, qui était fils du prévôt des marchands et son ami, sous prétexte de conférer avec lui pour rompre les cabales que M. le Prince faisait pour se rendre maître du peuple. Notre commerce ne dura pas longtemps, et parce que, de mon côté, j'en tirai d'abord les éclaircissements qui m'étaient nécessaires, et parce que lui, du sien, se lassa bientôt de conversations qui n'allaient à rien. Il voulait, dès le premier moment, que je fusse Mazarin sans réserve comme lui; il ne concevait pas qu'il fût à propos de garder des mesures.»
Les lenteurs calculées du cardinal de Retz inspiraient de l'inquiétude à Mazarin. Il recevait des avis contre Paul de Gondi, et, au milieu même de ses protestations d'amitié, on sent percer une certaine défiance. «Pour[T.I pag.33] M. le coadjuteur, écrivait-il encore à l'abbé Fouquet, je suis incapable de croire qu'il manque jamais à la moindre chose de ce qu'il a promis; et, de plus, quand ce serait une personne qui se conduirait par le motif de ses intérêts particuliers, je connais fort bien qu'ils ne lui conseilleraient pas le contraire, puisqu'il lui est sans doute bien plus avantageux d'être dans ceux de Leurs Majestés et dans une parfaite amitié avec moi que de consentir à un nouvel accommodement avec M. le Prince, lequel personne ne croit qu'il durât plus que les autres. C'est pourquoi, quelque chose que l'on me puisse mander au contraire, elle ne fera point d'impression, et je jugerai toujours favorablement de ses sentiments.»
Malgré ses déclarations, Mazarin était d'autant plus porté à la défiance envers le coadjuteur que lui-même montrait peu de sincérité dans sa conduite à son égard. Il avait espéré paralyser ses dispositions hostiles par la promesse du chapeau de cardinal, et, en même temps, il agissait à Rome pour empêcher le pape de le nommer[64]; mais les combinaisons de ce politique furent trompées. Le pape Innocent X, qui n'aimait pas Mazarin, saisit la première occasion de nommer Paul de Gondi cardinal. Ce fut le 19 février 1652 qu'eut lieu la proclamation, et dix jours après, le coadjuteur en recevait la nouvelle. Il se prétendit affranchi de toute reconnaissance envers le ministre qui, disait-il, avait chargé l'ambassadeur de France à Rome de s'opposer au dernier moment à sa nomination, et, au lieu de seconder franchement la cause[T.I pag.34] royale, il tenta de constituer un tiers parti, qui repoussait également Mazarin et le prince de Condé. Le duc d'Orléans, Gaston, devait en être le chef nominal[65].
Ce prince, mobile dans ses affections, inconstant dans ses projets, et dont la faiblesse salit toute la vie, hésitait entre ses divers conseillers. La cour ne cessait de lui faire des avances[66], et l'abbé Fouquet travaillait, par ordre de Mazarin, à gagner son entourage. Il finit par mettre dans les intérêts du cardinal La Mothe-Goulas, secrétaire des commandements du prince, Choisy, son chancelier, la duchesse de Chevreuse, qui avait une grande influence sur Gaston d'Orléans, et même la femme de ce prince, Marguerite de Lorraine[67]. Grâce aux efforts des familiers de Gaston, l'influence du coadjuteur sur le prince fut paralysée. La jalousie avait surtout prise sur le duc d'Orléans, et on ne manqua pas de l'aigrir contre le prince de Condé, en lui rappelant ses victoires et sa hauteur. Aussi, Mademoiselle, fille de Gaston, s'efforça-t-elle vainement de l'entraîner à Orléans et à la tête des armées; elle put à peine obtenir la permission d'aller elle-même défendre l'apanage de son père[68]. Tout ce qu'il fallut de souplesse et d'habileté pour former, autour d'un prince ombrageux[T.I pag.35] comme Gaston, un cercle d'intrigues mystérieusement tissues et de plus en plus serrées, ne peut s'apprécier que par la lecture des lettres de Mazarin. Outre le coadjuteur, il fallait combattre un des politiques les plus habiles de cette époque, le comte de Chavigny. Ce personnage travaillait alors à unir le duc d'Orléans et le prince de Condé, pour chasser de France le cardinal Mazarin. Comme Chavigny fut un des adversaires les plus ardents et les plus habiles de ce ministre, il est nécessaire d'insister sur le rôle qu'il joua pendant la Fronde. Il faut, pour le retracer, revenir sur le passé et exposer des intrigues qui se rattachent à l'histoire des premiers troubles.[T.I pag.36]
CHAPITRE III
Rôle de Chavigny pendant la Fronde: son ambition; il est emprisonné, puis exilé en 1618.—Intrigues de Chavigny et de Claude de Saint-Simon pour renverser Mazarin (1649).—Erreur du duc de Saint-Simon, auteur des Mémoires, relativement aux relations de son père avec Chavigny.—Claude de Saint-Simon cherche à s'appuyer sur le prince de Condé pour enlever le pouvoir à Mazarin.—Mémoire rédigé par Chavigny dans ce but.—Mazarin parvient à déjouer les intrigues de ses ennemis.—Arrestation et emprisonnement du prince de Condé (1650).—Chavigny et Saint-Simon s'éloignent de Paris.
Léon Le Bouthillier, comte de Chavigny, avait été un des principaux secrétaires d'État sous Richelieu[69]. Le cardinal avait pour lui une bonté toute paternelle, qui excita plus d'une fois la verve satirique des courtisans. Chavigny avait été un des amis et des protecteurs de Mazarin, à l'époque où ce dernier s'introduisit à la cour de France, et il croyait avoir des droits à sa reconnaissance. Plus tard, il fut désigné par Louis XIII pour être un des membres inamovibles du conseil de régence; mais, lorsque le parlement eut cassé le testament de[T.I pag.37] Louis XIII, Mazarin, qui redoutait l'ambition de Chavigny, le rendit suspect à la reine et le tint dans une position secondaire. Chavigny n'avait alors que trente ans et n'était pas disposé à se contenter de ce rôle subalterne, après avoir eu, sous le ministère de Richelieu, le maniement des affaires les plus importantes et les plus délicates: ambitieux avec les apparences du désintéressement et de la modération philosophique, incapable d'occuper le premier rang, et trop orgueilleux pour se contenter du second, il perdit, en misérables intrigues, d'heureuses et brillantes qualités.
Cependant, comme il joignait la prudence à l'ambition, il dissimula quelque temps ses projets. Il crut le moment arrivé, en 1648; le parlement était menaçant, la bourgeoisie murmurait contre les impôts, le clergé était agité par le coadjuteur et les grands aspiraient à une révolution, dans l'espérance de ressaisir le pouvoir que leur avait enlevé Richelieu. En présence de ces dangers et au premier bruit des mouvements populaires, Chavigny, affectant un zèle ardent pour l'autorité royale, poussa aux mesures extrêmes. Ce fut lui surtout qui conseilla l'arrestation de Broussel et de quelques autres membres du parlement[70]. Ce coup d'État provoqua l'émeute connue sous le nom de Journée des barricades, et la cour, passant de la colère à la peur, recula devant le parlement et rendit les prisonniers. Quant à Chavigny, dont la politique perfide n'avait pas[T.I pag.38] échappé à Mazarin, il fut arrêté dans le château de Vincennes[71], dont il était gouverneur (septembre 1648), puis transféré au Havre et enfin exilé dans une de ses terres loin de Paris.
Ce fut là qu'un autre ambitieux, également mécontent de la cour et impatient de son exil en Guienne, vint l'arracher à la modération philosophique dont Chavigny affectait de masquer ses regrets. Le duc de Saint-Simon, ancien favori de Louis XIII et son premier écuyer[72], avait été relégué, dès 1637, dans son gouvernement de Blaye; il avait vainement tenté de reprendre quelque influence après la mort de Richelieu, et s'était vu forcé de vivre loin de la cour, sans se résigner jamais à cette espèce d'exil.