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Mémoires sur la vie publique et privée de Fouquet. Divers Auteurs
Читать онлайн.Название Mémoires sur la vie publique et privée de Fouquet
Год выпуска 0
isbn 4064066084042
Автор произведения Divers Auteurs
Жанр Документальная литература
Издательство Bookwire
[T.I pag.1]
MÉMOIRES
SUR LA VIE PUBLIQUE ET PRIVÉE
DE FOUQUET
SURINTENDANT DES FINANCES
ET SUR
SON FRÈRE L'ABBÉ FOUQUET
CHAPITRE PREMIER
1615-1650
Famille de Nicolas Fouquet.—Il devient maître des requêtes (1635).—Il est intendant dans l'armée du nord de la France et ensuite dans la généralité de Grenoble.—Sa disgrâce en 1644.—Il est de nouveau nommé intendant en 1647.—Son rôle pendant la première Fronde en 1648 et 1649.—Il achète la charge de procureur général au parlement de Paris (1650), et en prend possession au mois de novembre de là même année.—Puissance du parlement de Paris à cette époque.—Caractère du premier président Mathieu Molé et d'autres magistrats du parlement.—Rôle difficile de Nicolas Fouquet.—Défauts du parlement considéré comme corps politique.—Contraste avec la conduite habile de Mazarin.—Nicolas Fouquet s'attache à ce dernier et lui reste fidèle pendant toute la Fronde.
Nicolas Fouquet naquit en 1615; il était le troisième fils de François Fouquet, conseiller du roi en ses conseils, et de Marie Maupeou. Les Fouquet, dont le nom[T.I pag.2] s'écrivait alors Foucquet[8], étaient originaires de Bretagne. C'était une famille de négociants nantais. Le commerce des îles lointaines, déjà en pleine vigueur au seizième siècle, avait dû développer chez les Fouquet un génie hardi, aventureux, fécond en ressources. Il semble que la ruse, la souplesse, l'esprit ambitieux et parfois téméraire que déployèrent le surintendant et son frère, l'abbé Fouquet, étaient une tradition de famille. Leur père, François Fouquet, après avoir été conseiller au parlement de Rennes, acheta une charge au parlement de Paris, et fut successivement conseiller, maître des requêtes et enfin conseiller d'État. Il remplit plusieurs fois d'importantes fonctions et fut pendant quelque temps ambassadeur en Suisse[9]. On a prétendu qu'il fut un des juges du maréchal de Marillac, et qu'il s'honora par l'indépendance et la fermeté dont il fit preuve dans ce procès[10]. Cette opinion n'est pas fondée; on a le nom des juges du maréchal de Marillac[11] et le procès-verbal des séances de la chambre de justice qui le condamna: François Fouquet n'y figure pas. Ce qui[T.I pag.3] est vrai, c'est que ce conseiller d'État fut procureur général d'une chambre de justice instituée, en 1631, pour poursuivre les financiers, et siégeant à l'Arsenal[12].
Du côté maternel, Nicolas Fouquet descendait d'une ancienne famille parlementaire, celle des Maupeou, qui a obtenu, au dix-huitième siècle, une triste célébrité, mais qui n'était encore connue, au dix-septième siècle, que par des traditions de vertus domestiques. Marie Maupeou, mère des Fouquet dont nous nous occupons, contraste par la simplicité et la pureté de sa vie avec l'éclat et la corruption de ses fils. Tandis qu'ils abusaient des plus hautes dignités pour y étaler leur faste et leurs vices, elle prodiguait des secours aux misères qu'avait multipliées la Fronde. Il ne faut pas oublier, en effet, que pendant cette époque si agitée par les factions, on vit se déployer, à côté d'effroyables souffrances, une ardente charité, féconde en établissements de bienfaisance. C'est alors que saint Vincent de Paul, que l'on appelait M. Vincent de la Mission, établit à Saint-Lazare des prêtres chargés de prêcher l'Évangile dans les campagnes et institua les sœurs de la Charité. Il fut secondé par madame Legras (Louise de Marillac), veuve d'un secrétaire des commandements de Marie de Médicis et première supérieure de ces sœurs de la Charité ou sœurs grises, qui ne tardèrent pas à se répandre dans toute la France pour soigner les malades et instruire les jeunes filles pauvres. Madame de Miramion, si connue par l'audacieuse tentative de Bussy-Rabutin,[T.I pag.4] fonda, vers le même temps, la maison de Sainte-Pélagie, qui offrait un asile aux femmes et aux filles perverties. Marie Maupeou a sa place parmi ces saintes femmes, qui se dévouaient au soulagement de la misère et de la souffrance. Elle ne donna à ses fils que des exemples de vertu, qui malheureusement furent peu suivis.
Douze enfants, six fils et six filles, naquirent du mariage de François Fouquet et de Marie Maupeou. Toutes les filles furent religieuses. Des six fils, trois furent d'église, deux de robe, et un troisième d'épée. L'aîné, François Fouquet, devint archevêque de Narbonne et survécut à la disgrâce du surintendant. Le second, Basile Fouquet, est connu sous le nom d'abbé Fouquet, parce qu'il était abbé commendataire de Barbeau[13]. Le troisième fut le surintendant, Nicolas Fouquet, qui débuta par des fonctions de magistrature. Le quatrième, Yves, appartenait aussi à la robe; il eut une charge de conseiller au parlement de Paris; mais il mourut jeune et sans postérité. Le cinquième, Louis, entra dans l'Église et fut, dans la suite, évêque d'Agde. Enfin, le sixième, Gilles, fut premier écuyer de la petite écurie du roi et s'allia à la noble famille des marquis d'Aumont. Ces détails seront utiles pour suivre les vicissitudes de la famille Fouquet, et comprendre la biographie du surintendant: voilà pourquoi nous les avons rappelés dès le commencement de ces mémoires.
Nicolas Fouquet, dont nous nous occupons spécialement, [T.I pag.5]entra dans la magistrature à vingt ans (1635), en qualité de maître des requêtes. C'était précisément l'époque où Richelieu venait de donner une organisation fixe et permanente au corps des intendants[14]: tantôt ils accompagnaient les armées, avec mission de pourvoir aux approvisionnements, de rendre la justice et de surveiller la gestion financière; tantôt ils administraient une circonscription territoriale appelée généralité. Nicolas Fouquet fut d'abord nommé intendant de l'armée qui défendait la frontière septentrionale de la France[15]. L'année suivante, il administrait la généralité de Grenoble; mais, à la suite d'une révolte qu'il n'avait su ni prévenir ni réprimer, il fut rappelé à Paris[16]. Mazarin ne le laissa pas longtemps inactif: il avait apprécié l'esprit vif et souple du jeune magistrat, sa finesse pour pénétrer les hommes, ses grâces insinuantes pour se les concilier. Il espérait tirer parti, même de l'ambition de Nicolas Fouquet. En 1647, il l'attacha de nouveau, en qualité d'intendant, à l'armée que commandaient Gassion et Rantzau. Il nous reste, de la correspondance que Nicolas Fouquet entretint alors avec Mazarin, un rapport adressé par l'intendant au ministre sur quelques désordres survenus dans l'armée[17]. Il s'y montre plus [T.I pag.6]]indulgent que sévère et disposé à tempérer la violence de Gassion. Ce fut encore Fouquet qui annonça au cardinal la mort de ce maréchal[18].