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était à peine conscient et toujours désorienté. Son crâne lui faisait un mal de chien.

      Il ouvrit les yeux ou s’imagina les avoir ouverts puisqu’il était dans le noir complet. En essayant de bouger, il se rendit compte qu’il n’y arrivait pas. Il savait que ce genre de paralysie était un symptôme normal de ses cauchemars, sûrement dû au poids des couvertures au-dessus de lui.

      Mais il y a autre chose, réalisa-t-il.

      Même si ses membres étaient coincés, il n’était pas allongé.

      Respire, se dit-il, comme il le faisait si souvent avec ses patients. Doucement, inspire et expire.

      Mais plus il se rendait compte de la situation, moins il arrivait à garder son calme. Il était attaché en position assise, dans l’obscurité totale. Malgré plusieurs respirations profondes, le calme qu’il essayait de s’imposer lui échappait.

      Réfléchis, se dit-il. Quelle est la dernière chose dont je me souvienne ?

      La mémoire lui revint. Il cherchait Sheila dans son bureau lorsque quelqu'un l’avait attrapé par-derrière et forcé à respirer à travers un morceau de tissu imbibé d’un liquide épais et sucré.

      Du chloroforme, se souvint-il, son esprit commençant à céder à la panique.

      Puis Julian entendit une voix douce émanant de l’obscurité.

      – Bonjour, Dr Banfield.

      – Qui est là ? haleta Julian.

      – Vous ne reconnaissez pas ma voix ? Ce n’est pas vraiment surprenant. Cela fait bien longtemps. J’étais beaucoup plus jeune. Ma voix a changé.

      D’un coup, la lumière s’alluma et Julian fut momentanément aveuglé.

      – Voilà, dit la voix. C’est mieux ?

      Julian plissa les yeux en essayant de s’adapter à la lumière. Un visage apparut, un homme souriant au visage long et fin.

      – Vous devriez me reconnaître maintenant, dit-il

      Julian le fixa. La forme de son menton lui paraissait vaguement familière, mais il ne se rappelait rien d’autre. Il ne le reconnaissait pas et en vérité, ce n’était pas sa priorité en cet instant précis. Il commençait seulement à réaliser la situation et de ce qu’il voyait, il était en très, très mauvaise posture.

      Son agresseur et lui étaient dans la cave à vin de Julian, entourés d’étagères remplies de centaines de bouteilles de vin. Julian était ligoté ou attaché sur l’une des imposantes chaises qui faisaient partie de la décoration de la pièce.

      Un inconnu le fixait en souriant, assis sur une autre chaise.

      L’homme tenait un verre et une bouteille à peine entamée.

      En se versant du vin, il déclara :

      – J’espère que ça ne vous dérange pas. J’ai pris la liberté d’ouvrir une bouteille de vieux Donjon Châteauneuf-du-Pape datant de quelques années. Je suppose que c’était un peu présomptueux de ma part. Après tout, vous le conserviez peut-être pour plus tard. J’ai entendu dire que ce cru était censé se bonifier avec le temps.

      Il exposa le verre à la lumière et l’inspecta religieusement.

      – J’étais tenté d’ouvrir un Opus One de 1987, mais cela aurait été bien trop pour moi. De plus, je suis très curieux de connaître ce cru.

      L’inconnu but une gorgée et la fit tourner dans sa bouche.

      – Il est fidèle à sa réputation, dit-il. Des notes de baies de Genièvre, de mûres, de raisins, de noisettes grillées. Un large panel de saveurs osées et riches. Je ne suis pas un expert, mais je dirais que vous en avez eu pour votre argent.

      Julian était toujours perdu et confus.

      Ne cris pas, se dit-il. Personne ne pouvait l’entendre et ça ne ferait qu’aggraver les choses. Il valait mieux essayer d’utiliser ses compétences de psychologue. Il fallait, par-dessus tout, rester calme ou du moins paraître calme.

      – Eh bien, dit-il, maintenant que nous sommes là, vous souhaiteriez peut-être m’en dire un peu plus sur vous.

      L’inconnu s'esclaffa.

      – Que voulez-vous savoir Docteur ? demanda-t-il.

      – Il y a forcément des choses que vous pouvez me dire sur ce qui… mmmh… a entraîné cette situation.

      L’inconnu laissa échapper un son rauque qui n’était pas vraiment un rire.

      – J’ai bien peur que ce soit une histoire longue et compliquée, répondit-il. Sur ces mots, il se leva brusquement et jeta le verre à pied qui explosa contre le mur. Puis il posa la bouteille de vin sur une petite table décorative.

      Se rendant bien compte que son approche professionnelle n’allait pas fonctionner, Julian essaya une autre tactique.

      – Ma femme sera bientôt là, lâcha-t-il.

      L’inconnu ne semblait pas affecté.

      – Vraiment ? Alors, il est temps que je me mette au travail.

      – Mais bordel qui êtes-vous ? s’insurgea Julian qui commençait à paniquer.

      Une expression peinée traversa le visage de l’inconnu.

      – Oh. J’espérais que vous auriez fini par me reconnaître. Tant pis, j’ai été trop exigeant, mais ça va vite vous revenir. J’ai un moyen infaillible de raviver vos souvenirs.

      De nouveau, Julian pensa reconnaître certains traits vaguement familiers du menton de l’homme. Mais il était certain de ne pas se souvenir de lui. La seule chose dont il était sûr, c’est qu’il était prisonnier, piégé dans sa propre cave à vin, à la merci d’un homme déséquilibré.

      Il ne savait pas comment il avait été attaché, mais c’était extrêmement inconfortable. Il réalisa seulement à cet instant que ses pieds étaient nus et mouillés.

      Il baissa les yeux. Même si ses genoux étaient attachés ensemble, il pouvait voir l’un de ses grands plateaux en argent posé au sol. Quant à ses pieds, ils trempaient dans un fond d’eau.

      – Ah oui, commenta l’inconnu. J’ai descendu ce magnifique plateau en argent de votre placard à vaisselle. C’est l’idéal. Il peut contenir presque un centimètre d’eau, et l’eau et l’argent sont d'excellents conducteurs.

      Excellents conducteurs ? se demanda Julian.

      Ses yeux fouillèrent la pièce, essayant de repérer les moindres détails de ce qu’il se passait. Il remarqua que l’inconnu portait une paire de bottes avec des semelles en caoutchouc.

      Puis l’inconnu commença à enfiler une paire de gros gants, eux aussi en caoutchouc.

      Mais qu’est-ce que… ? De nouveau Julian s’efforça de ne pas crier.

      L’homme sortit du champ de vision de Julian un moment. Après quelques claquements venant du tableau électrique de la cave, l’inconnu réapparut avec un gros câble de chantier à la main. Le câble avait été découpé pour en exposer les fils.

      Julian sentit son corps sombrer dans la terreur.

      L’inconnu s’approcha de Julian et le regarda droit dans les yeux.

      – Vous êtes bien sûr de ne pas me reconnaître, Dr Banfield ? demanda-t-il sans perdre son sourire.

      Julian fixa le visage de l’inconnu, remarquant de nouveau les traits familiers de son menton. Il réfléchit, essayant de replacer ce visage, alors qu’une montagne de pensées lui traversaient l’esprit.

      Électricité… électrodes… conducteur…

      D’un coup, la vérité lui sauta aux yeux. Il n’arrivait pas à se souvenir de son

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