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Voyage en Égypte et en Syrie - Tome 2. Constantin-François Volney
Читать онлайн.Название Voyage en Égypte et en Syrie - Tome 2
Год выпуска 0
isbn
Автор произведения Constantin-François Volney
Жанр Книги о Путешествиях
Издательство Public Domain
Sur la route d’Alexandrette à Alep, à la dernière couchée avant cette ville, est le village de Martaouân, célèbre chez les Turks et les Francs, par l’usage où sont les habitants de prêter leurs femmes et leurs filles pour quelques pièces d’argent. Cette prostitution, abhorrée chez tous les peuples arabes, me paraît venir primitivement de quelque pratique religieuse, soit qu’elle remonte à l’ancien culte de Vénus, soit qu’elle dérive de la communauté des femmes admise par les Ansârié, dont les gens de Martaouân font partie. Nos Francs prétendent que leurs femmes sont jolies. Mais il est probable que l’abstinence de la mer et la vanité d’une bonne fortune font tout leur mérite; car leur extérieur n’annonce que la dégoûtante malpropreté de la misère.
Dans les montagnes qui terminent le pachalic d’Alep au nord, on fait mention de Klés et d’Aèntâb comme de deux villages considérables. Ils sont habités par des chrétiens arméniens, des Kourdes et des Musulmans, qui, malgré la différence des cultes, vivent en bonne intelligence. Ils en retirent l’avantage de résister aux pachas qu’ils ont souvent bravés, et de vivre assez tranquillement du produit de leurs troupeaux, de leurs abeilles et de quelques cultures de grains et de tabacs.
A deux journées au nord-est d’Alep, est le bourg de Mambedj, jadis célèbre sous le nom de Bambyce et d’Hiérapolis16. Il n’y reste pas de trace du temple de cette grande déesse, dont Lucien nous fait connaître le culte. Le seul monument remarquable est un canal souterrain qui amène l’eau des montagnes du nord dans un espace de quatre lieues. Toute cette contrée était jadis remplie de pareils aqueducs; les Assyriens, les Mèdes et les Perses s’étaient fait un devoir religieux de conduire des eaux dans le désert, pour y multiplier, selon les préceptes de Zoroastre, les principes de la vie et de l’abondance; aussi rencontre-t-on à chaque pas de grandes traces d’une ancienne population. Sur toute la route d’Alep à Hama, ce ne sont que ruines d’anciens villages, que citernes enfoncées, que débris de forteresses et même de temples. J’ai surtout remarqué une foule de monticules ovales et ronds, que leur terre rapportée et leur saillie brusque sur cette plaine rase, prouvent avoir été faits de main d’homme. L’on pourra prendre une idée du travail qu’ils ont dû coûter, par la mesure de celui de Kân-Chaikoun, auquel j’ai trouvé sept cent vingt pas, c’est-à-dire, quatorze cents pieds de tour, sur près de cent pieds d’élévation. Ces monticules, parsemés presque de lieue en lieue, portent tous des ruines qui furent des citadelles, et sans doute aussi des lieux d’adoration, selon l’ancienne pratique si connue d’adorer sur les hauts lieux. Aussi la tradition des habitants attribue-t-elle tous ces ouvrages aux infidèles. Maintenant, au lieu des cultures que suppose un pareil état, l’on ne rencontre que des terres en friche et abandonnées; le sol néanmoins est de bonne qualité; et le peu de grains, de coton et de sésame que l’on y sème, réussit à souhait. Mais toute cette frontière du désert est privée de sources et d’eaux courantes. Les puits n’en ont que de saumâtre; et les pluies d’hiver, sur lesquelles se fonde toute l’espérance, manquent quelquefois. Par cette raison, rien de si triste que ces campagnes brûlées et poudreuses, sans arbres et sans verdure; rien de si misérable que l’aspect de ces huttes de terre et de paille qui composent les villages; rien de si pauvre que leurs paysans, exposés au double inconvénient des vexations des Turks et des pillages des Bedouins. Les tribus qui campent dans ces cantons se nomment les Maouâlis; ce sont les plus puissants et les plus riches des Arabes, parce qu’ils font quelques cultures et qu’ils participent avec les Arabes Najd aux transports des caravanes qui vont d’Alep, soit à Basra, soit à Damas, soit à Tripoli par Hama.
CHAPITRE IV
LE pachalic de Tripoli comprend le pays qui s’étend le long de la Méditerranée, depuis Lataqîé jusqu’à Narh-el-Kelb, en lui donnant pour limites à l’ouest, le cours de ce torrent et la chaîne des montagnes qui dominent l’Oronte.
La majeure partie de ce gouvernement est montueuse; la côte seule de la mer entre Tripoli et Lataqîé, est un terrain de plaine. Les ruisseaux nombreux qui y coulent lui donnent de grands moyens de fertilité; mais malgré cet avantage, cette plaine est bien moins cultivée que les montagnes, sans en excepter le Liban, tout hérissé qu’il est de rocs et de sapins. Les productions principales sont le blé, l’orge et le coton. Le territoire de Lataqîé est employé de préférence à la culture du tabac à fumer et des oliviers, pendant que le pays du Liban et le Kesraouân le sont à celle des mûriers blancs et des vignes.
La population est variée pour les races et pour les religions. Depuis le Liban jusqu’au-dessus de Lataqîé, les montagnes sont habitées par les Ansârié, dont j’ai parlé; le Liban et le Kesraouân sont peuplés exclusivement de Maronites; enfin la côte et les villes ont pour habitants des Grecs schismatiques et latins, des Turks et les
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Cette plaine, qui règne au pied des montagnes sur une largeur d’une lieue, a été formée des terres que les torrents et les pluies ont arrachées par le laps des temps à ces mêmes montagnes.
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Le nom d’Hiérapolis subsiste aussi dans un autre village appelé