Скачать книгу

on>

       Paul Bourget

      L'Écuyère

      Publié par Good Press, 2021

       [email protected]

      EAN 4064066081218

       PREMIÈRE PARTIE

       I

       UN COIN D'ANGLETERRE RUE DE POMEREU

       II

       UNE RENCONTRE

       III

       JULES DE MALIGNY

       IV

       COMMENCEMENT D'IDYLLE

       V

       LES NAÏVETÉS D'UN JEUNE ROUÉ

       VI

       LES NAÏVETÉS D'UN JEUNE ROUÉ (Suite)

       DEUXIÈME PARTIE

       I

       SIX MOIS APRES

       II

       LA DIPLOMATIE DE JACK CORBIN

       III

       HILDA JALOUSE

       IV

       DÉSILLUSIONS

       V

       LA VRAIE RIVALE

       VI

       LE DÉNOUEMENT

       VII

       PURPUREOS SPARGAM FLORES ...

       Table des matières

      UN COIN D'ANGLETERRE RUE DE POMEREU

       Table des matières

      Tous les amateurs de chevaux, qui pratiquaient ce noble sport il y a trente ans et qui lui demeurent fidèles en dépit de l'automobile, se rappellent, avec un regret jamais consolé, M. Robert Campbell, Bob Campbell, l'importateur breveté des poneys du pays de Galles, le rival des Bartlett et des Hensman, le gros Bob, enfin. Il fallait le voir descendre les Champs-Elysées, dans son tonneau, avec son rouge visage, rasé de près, où luisaient des yeux d'un bleu si clair. La bête qu'il menait—rarement la même—était toujours un petit animal, bâti en hercule, qui mesurait un mètre trente-deux, trente-cinq—«treize mains», disait-il dans son français traduit de l'anglais,—et elle allait, elle allait, dévorant l'espace de ses membres courts... Le gros Bob était vêtu, hiver comme été, d'un complet coupé dans une de ces étoffes rudes qui sentent la tourbière, que l'on appelle Harris, à cause des îles où elles sont tissées. Il fumait une courte pipe en bois de bruyère. Quoiqu'il fût devenu, de par son métier, un des figurants du tout Paris élégant, il semblait échappé d'une lithographie du Punch, avec son haut chapeau d'un drap noir ou gris, suivant la saison, et son mufle de dogue, d'un flegme si intensément, si insulairement impassible. Il parlait, et c'était une gageure, L'Anglais classique de l'ancien répertoire du Palais-Royal ne prononçait pas notre langue d'un accent plus cocasse. Il ne donnait pas à notre syntaxe des entorses plus audacieuses. Les avisés ne s'y trompaient point. Le gros Bob savait le français comme vous et moi, et, si vous débattiez un marché avec lui, vous deviez prendre bien garde que pas une nuance de vos phrases ne lui échappait. En revanche, ce que personne ne savait comme lui, c'était le mot de cette énigme à quatre jambes que représente un cheval inconnu pour tout acheteur, et, neuf fois sur dix, pour tout marchand. Quelques minutes suffisaient à Bob pour discerner si l'animal était jeune ou vieux, et son âge à six mois près, s'il se nourrissait bien ou mal et pourquoi, s'il était vite ou paresseux, franc ou cabochard et comment, s'il respirait avec des poumons et un cœur intacts, ce que valaient ses jarrets, ses paturons, ses sabots, leur corne, leur sole, ce qu'il avait déjà fait, ce qu'il pouvait faire, toute son histoire. Son œil pers était impayable de sérieux gouailleur, quand il procédait à ce diagnostic, aussi infaillible dans son domaine que pouvait l'être, à cette même époque, celui d'un Dieulafoy sur un malade de son hôpital ou d'un Morelli sur un tableau du quinzième siècle. Il n'y avait pas d'exemple qu'un fermier du Norfolk ou du Kerry eût jamais «enrossé» le gros Bob. Il n'avait jamais embarqué, dans l'entrepont du bateau qui faisait le service de Southampton au Havre, un seul Irlandais qui ne valût le voyage. Ajoutons tout de suite, pour donner sa physionomie vraie de loyal gentleman à cet étonnant maquignon aujourd'hui disparu, qu'il n'y avait pas d'exemple qu'il eût enrossé non plus un de ses clients. Il gagnait cinquante pour cent sur ses ventes, c'était son principe; mais la qualité de la marchandise était garantie. Vous pouviez, si les hasards d'un hiver vous amenaient à passer un temps à Rome et que vous eussiez à chasser à courre dans la campagne qui entoure la Ville Eternelle,—c'est encore aujourd'hui un des modernes paradoxes de la Cosmopolis qu'elle est devenue,—vous pouviez, dis-je, télégraphier à Robert Campbell, 54, rue de Pomereu, Paris, ces simples mots: «Prière expédier aussitôt cheval pour chasser, six ans environ, bon sauteur, pas peureux.» Vous y joigniez l'indication du poids, celle du prix, de la taille, et, la semaine d'après, vous aviez le cheval. Vous pouviez aussi, après avoir donné à la bête les rafraîchissements nécessaires à la suite d'un long voyage, monter dessus sans l'avoir essayée davantage. Campbell faisait, bon an mal an, des centaines d'envois dans ces conditions, sinon à Rome,—car, tout de même, le risque du chemin de fer était bien grand,—dans le Maine, en Touraine, en Sologne, en Poitou, en Barrois, partout où fonctionnaient des «équipages» bien tenus. Il en était à compter les plaintes qu'il avait dû subir. Ainsi s'expliquait qu'ayant commencé par être simple «lad» dans un haras, il avait fini par acheter le terrain de la rue de Pomereu, sur lequel étaient construites ses écuries. Le chiffre de ses affaires annuelles se montait à plusieurs milliers de livres sterling. Il aurait pu, dès cette année 1902, où eut lieu l'aventure que je veux conter, se retirer du commerce et aller habiter un cottage, comme il fait aujourd'hui qu'il est très vieux, dans un bon pays d'élevage. Il a choisi Brokenhurst, sur le bord de la New Forest où se voit une race de poneys soi-disant issus des Andalous de la légendaire Armada. Mais Bob n'était pas seulement l'un des meilleurs experts en chevaux que l'Angleterre ait donnés à la France. Ce

Скачать книгу