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la fin des années 1990, j’ai été chargé par le PNUD de préparer le rapport national sur la gouvernance. C’est moi-même qui avais recruté les consultants, rédigé les termes de référence et préparé une première version du rapport provisoire dans des conditions difficiles. Des divergences de vues avec les commanditaires, dans la dernière phase, m’avaient conduit à démissionner. Mon remplaçant n’a pas eu le temps ou les moyens de revoir l’esprit qui avait été à la base du rapport. Lors de la présentation publique de ce document40 par le PNUD, le président Wade s’était emporté publiquement en raison de certains passages du rapport qui ne lui étaient pas favorables. Par ailleurs, je me suis engagé, dès le départ, dans les Assises nationales du Sénégal. Dans la phase finale, j’ai été chargé de la rédaction du rapport issu de cette grande concertation politique41. L’expérience fut très difficile malgré le soutien constant de mon ami et « complice » Gaye Daffé. Mon attention avait été attirée par le fait que, dans un document d’une telle envergure proposant une analyse rétrospective de la vie économique, sociale et politique du Sénégal depuis 1960 rien n’avait été écrit sur les effets dévastateurs connus des programmes d’ajustement structurel. Il a fallu insister pour que cette omission volontaire soit rectifiée. Mais d’autres divergences et tiraillements avec deux dirigeants des Assises nationales m’ont conduit à me retirer de cet exercice. Je n’ai pas été étonné par la qualité médiocre du produit qui a ensuite été publié alors que nous disposions de documents de qualité rassemblés au sein des Commissions des Assises nationales.

      Il ressort de ces éléments que ma trajectoire politique est moins marquée que celle de Jean. Depuis un quart de siècle, je me suis surtout impliqué dans ce que Jean appelle un « activisme éditorial », domaine dans lequel je ne dépendais de personne. Je n’ai jamais sollicité ou obtenu des ressources publiques pour soutenir cet engagement éditorial qui n’a pas été sans conséquence sur ma carrière. Mais je ne le regrette pas du tout.

      Je me dois d’affirmer d’emblée que l’engagement politique a toujours aiguillé mes choix thématiques, mais qu’il faut comprendre cet engagement non seulement sous l’angle de l’immédiateté de l’action politique, mais aussi sous l’angle des formes variées de l’intervention intellectuelle et universitaire dans trois registres :

      a) De la popularisation et de la vulgarisation tant auprès des militants que du grand public.

      b) De la pédagogie.

      Cette préoccupation a traversé tous mes écrits, depuis le premier, à ma connaissance une très longue chronique bibliographique dans le mensuel d’une tendance trotskyste fin 1964. Mais cette préoccupation a pris plusieurs formes et a même conduit à des choix politiques qui ont pu s’apparenter à des formes de répression universitaire. Et puis, dans la mesure où je me suis consacré à au moins une demi-douzaine de domaines et de thèmes, cela implique de considérer et le fil rouge (évidemment) qui les relie, mais surtout les élaborations spécifiques que chacun de ces domaines implique. Pour me résumer, les réflexions spécifiques ont pu contribuer à une réflexion plus générale, mais cette dernière est toujours le résultat d’un élargissement des réflexions spécifiques et non l’inverse à savoir l’application d’une macro-théorie y compris politique à l’action politique, à la posture morale et au choix empirique localisé.

      Bref à partir d’un communisme mâtiné de tiers-mondisme d’une part et d’une découverte progressive du marxisme des fondateurs et de la réflexion marxiste des années 1950 et 1960 d’autre part, j’en arrive à l’Afrique noire et à l’anthropologie à la rentrée 1963. Et ce choix sans cesse rectifié et autocritiqué et débattu, ne sera jamais fondamentalement remis en cause. Sauf qu’aujourd’hui errant dans un champ de ruines sans repères il peut paraître présomptueux et même inexact de parler encore d’un champ marxiste, d’une part, et, bien sûr, d’opportunité de l’autre…

      Comme il le dit lui-même, le fil conducteur pour comprendre sa pensée, qui n’évolue pas au gré des circonstances, est son activité de chercheur engagé. Cet engagement militant s’est d’abord exprimé en faveur de l’Algérie. En effet, il avait été invité à enseigner, à l’été 1963, à l’université d’Alger, comme « pied rouge » alors qu’il n’avait pas encore obtenu sa licence. Plus tard, il a tout autant refusé, à la fin des années 1970, d’aller enseigner au Mozambique dans le cadre de la « coopération rouge », comme il l’explique dans ses notes de séminaire :

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