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Le tour de la France par deux enfants. G. Krioussis Bruno
Читать онлайн.Название Le tour de la France par deux enfants
Год выпуска 0
isbn 4064066075149
Автор произведения G. Krioussis Bruno
Жанр Книги о Путешествиях
Издательство Bookwire
—Julien, dit-il, cette maison est celle d'Étienne le sabotier, un vieil ami de notre père: nous ne devons pas craindre de lui demander un service. Prions Dieu afin qu'il permette qu'on nous fasse bon accueil.
Et les deux enfants, frappant un coup timide, murmurèrent en leur cœur:—Notre Père, qui êtes aux cieux, donnez-nous aujourd'hui notre pain quotidien.
II.—Le souper chez Étienne le sabotier. L'hospitalité.
Le nom d'un père honoré de tous est une fortune pour les enfants.
—Qui est là? fit du dedans une grosse voix rude.
Au même instant, un aboiement formidable s'éleva d'une niche située non loin de la porte.
André prononça son nom:
—André Volden, dit-il d'un accent si mal assuré que les aboiements empêchèrent d'entendre cette réponse.
Le chien de montagne.—Ce chien est d'une taille très haute; il a la tête grosse et la mâchoire armée de crocs énormes. Les poils de sa robe sont longs et soyeux. Dans la montagne, il garde les troupeaux et au besoin les défend contre les loups et les ours. Les plus beaux chiens de montagne sont ceux du mont Saint-Bernard, dans les Alpes, ceux des Pyrénées et ceux de l'Auvergne.
En même temps, le chien de montagne, sortant de sa niche et tirant sur sa chaîne, faisait mine de s'élancer sur les enfants.
—Mais qui frappe là, à pareille heure? reprit plus rudement la grosse voix.
—André Volden, répéta l'enfant; et Julien mêla sa voix à celle de son frère pour mieux se faire entendre.
Alors la porte s'ouvrit toute grande, et la lumière de la lampe, tombant d'à-plomb sur les petits voyageurs debout près du seuil, éclaira leurs vêtements trempés d'eau, leurs jeunes visages fatigués et interdits.
L'homme qui avait ouvert la porte, le père Étienne, les contemplait avec une sorte de stupeur:
—Mon Dieu! qu'y a-t-il, mes enfants? dit-il en adoucissant sa voix, d'où venez-vous? où est le père?
Et, avant même que les orphelins eussent eu le temps de répondre, il avait soulevé de terre le petit Julien et le serrait paternellement dans ses bras.
L'enfant, avec la vivacité de sentiment naturelle à son âge, embrassa de tout son cœur le vieil Étienne, et poussant un grand soupir:—Le père est au ciel, dit-il.
—Comment! s'écria Étienne avec émotion, mon brave Michel est mort?
—Oui, répondit l'enfant. Depuis la guerre, sa jambe blessée au siège de Phalsbourg n'était plus solide: il est tombé d'un échafaudage en travaillant à son métier de charpentier, et il s'est tué.
—Hélas! pauvre Michel! dit Étienne, qui avait des larmes aux yeux; et vous, enfants, qu'allez-vous devenir?
André voulut reprendre le récit du malheur qui leur était arrivé, mais le brave Étienne l'interrompit.
—Non, non, dit-il, je ne veux rien entendre maintenant, mes enfants; vous êtes mouillés par la pluie, il faut vous sécher au feu; vous devez avoir faim et soif, il faut manger.
Étienne aussitôt, faisant suivre d'actions ses paroles, installa les enfants devant le poêle et ranima le feu. En un clin-d'œil une bonne odeur d'oignons frits emplit la chambre, et bientôt la soupe bouillante fuma dans la soupière.
—Mangez, mes enfants, disait Étienne en fouettant les œufs pour l'omelette au lard.
Pendant que les enfants savouraient l'excellente soupe qui les réchauffait, le père Étienne confectionnait son omelette, et la femme du sabotier, enlevant un matelas de son lit, préparait un bon coucher aux petits voyageurs.
Le poêle ronflait gaîment. André, tout en mangeant, répondait aux questions du vieux camarade de son père et le mettait au courant de la situation.
Quant au petit Julien, il avait tant marché que ses jambes demandaient grâce et qu'il avait plus sommeil que faim. Il lutta d'abord avec courage pour ne pas fermer les yeux, mais la lutte ne fut pas de longue durée, et il finit par s'endormir avec la dernière bouchée dans la bouche.
Il dormait si profondément que la mère Étienne le déshabilla et le mit au lit sans réussir à l'éveiller.
III.—La dernière parole de Michel Volden.—L'amour fraternel et l'amour de la patrie.
O mon frère, marchons toujours la main dans la main, unis par un même amour pour nos parents, notre patrie et Dieu.
Pendant que Julien dormait, André s'était assis auprès du père Étienne. Il continuait le récit des événements qui les avaient obligés, lui et son frère, à quitter Phalsbourg où ils étaient nés. Revenons avec lui quelques mois en arrière.
On se trouvait alors en 1871, peu de temps après la dernière guerre avec la Prusse. A la suite de cette guerre l'Alsace et une partie de la Lorraine, y compris la ville de Phalsbourg, étaient devenues allemandes; les habitants qui voulaient rester Français étaient obligés de quitter leurs villes natales pour aller s'établir dans la vieille France.
Le père d'André et de Julien, un brave charpentier veuf de bonne heure, qui avait élevé ses fils dans l'amour de la patrie, songea comme tant d'autres Alsaciens et Lorrains à émigrer en France. Il tâcha donc de réunir quelques économies pour les frais du voyage, et il se mit à travailler avec plus d'ardeur que jamais. André, de son côté, travaillait courageusement en apprentissage chez un serrurier.
Tout était prêt pour le voyage, l'époque même du départ était fixée, lorsqu'un jour le charpentier vint à tomber d'un échafaudage. On le rapporta mourant chez lui.
Pendant que les voisins couraient chercher du secours, les deux frères restèrent seuls auprès du lit où leur père demeurait immobile comme un cadavre.
Le petit Julien avait pris dans sa main la main du mourant, et il la baisait doucement en répétant à travers ses larmes, de sa voix la plus tendre: Père!... Père!...
Comme si cette voix si chère avait réveillé chez le blessé ce qui lui restait de vie, Michel Volden tressaillit, il essaya de parler, mais ce fut en vain; ses lèvres remuèrent sans qu'un mot pût sortir de sa bouche. Alors une vive anxiété se peignit sur ses traits. Il sembla réfléchir, comme s'il cherchait avec angoisse le moyen de faire comprendre à ses deux enfants ses derniers désirs; puis, après quelques instants, il fit un effort suprême et, soulevant la petite main caressante de Julien, il la posa dans celle de son frère aîné. Épuisé par cet effort, il regarda longuement ses deux fils d'une façon expressive, et son regard profond, et ses yeux tristes semblaient vouloir leur dire:—Aimez-vous l'un l'autre, pauvres enfants qui allez désormais rester seuls! Vivez toujours unis, sous l'œil de Dieu, comme vous voilà à cette heure devant moi, la main dans la main.
André comprit le regard paternel, il se pencha vers le mourant:
—Père, répondit-il, j'élèverai Julien et je veillerai sur lui comme vous l'eussiez fait vous-même. Je lui enseignerai, comme vous le faisiez, l'amour de Dieu et l'amour