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April commençait à parler couramment. Jilly avait encore un peu de mal, mais Gabriela et April l’aidaient beaucoup.

      Riley sourit en les écoutant parler.

      Jilly se débrouille bien, pensa-t-elle.

      La jeune fille était encore un peu maigre, mais elle ne ressemblait plus à la gamine décharnée que Riley avait recueillie dans les rues de Phoenix. Elle mangeait de bon cœur et elle était en bonne santé. Elle s’habituait à sa nouvelle vie.

      April était la grande sœur idéale. Elle se remettait des traumatismes qu’elle avait vécus.

      Parfois, en regardant April, Riley avait l’impression de se regarder dans un miroir – un miroir qui l’aurait rajeunie. April avait les yeux noisette de Riley et les mêmes cheveux bruns, même si sa mère commençait à grisonner.

      Riley eut chaud au cœur.

      Je ne me débrouille pas si mal en tant que mère, pensa-t-elle.

      Puis elle pensa au tueur aux allumettes.

      *

      Après le diner, Riley monta dans sa chambre. Elle s’assit derrière son ordinateur et prit de grandes inspirations pour se calmer. La tâche qui l’attendait était particulièrement difficile.

      C’était ridicule. Riley avait pourchassé et combattu des dizaines de tueurs. Elle avait failli perdre la vie bien des fois.

      Je ne devrais pas me mettre dans un état pareil chaque fois que je parle à ma sœur, pensa-t-elle.

      Depuis combien de temps n’avait-elle pas vu Wendy ?

      Pas depuis qu’elle était toute petite. Wendy avait retrouvé sa trace quand leur père était mort. Elles s’étaient parlé au téléphone, en se proposant d’organiser un rendez-vous. Mais Wendy vivait très loin, à Des Moines, dans l’Iowa, et elles n’avaient pas réussi à fixer une date. Elles avaient décidé de se parler par vidéo chat.

      Pour se préparer, Riley regarda la photo encadrée sur son bureau. Elle l’avait trouvée dans le chalet de son père après sa mort. La photo représentait Riley, Wendy et leur mère. Riley devait avoir quatre ans et Wendy plus de dix ans.

      Les deux filles et leur mère semblaient heureuses.

      Riley ne se rappelait pas ni où ni quand la photo avait été prise.

      Et elle ne se rappelait pas avoir été heureuse en famille.

      Les mains froides et tremblantes, elle tapa l’adresse de Wendy sur son clavier.

      La femme qui apparut sur son écran aurait pu être une parfaite inconnue.

      — Salut, Wendy, dit Riley timidement.

      — Salut, répondit sa sœur.

      Elle se fixèrent d’un regard embarrassé pendant de longues secondes.

      Riley savait que Wendy avait une cinquantaine d’années. Elle avait environ dix ans de plus qu’elle. Elle ne faisait pas son âge. Elle était un peu robuste, mais elle avait l’apparence d’une femme ordinaire. Ses cheveux ne grisonnaient pas autant que ceux de Riley, mais ce n’était peut-être pas sa couleur naturelle.

      Riley jeta un coup d’œil à la photo. Wendy ressemblait un peu à leur mère. Riley savait qu’elle ressemblait plutôt à leur père. Elle n’en était pas particulièrement fière.

      — Eh bien, dit Wendy pour mettre fin au silence. Qu’est-ce que tu fais… ces dernières années ?

      Riley et Wendy étouffèrent un rire nerveux et gêné.

      Wendy demanda :

      — Tu es mariée ?

      Riley soupira. Comment allait-elle expliquer à Wendy ce qui se passait entre elle et Ryan alors qu’elle ne le savait pas elle-même ?

      Elle dit :

      — Comme disent les jeunes, c’est compliqué. Et c’est vraiment compliqué.

      Elle étouffa un rire nerveux.

      — Et toi ?

      Wendy parut se détendre.

      — Loren et moi, on va bientôt fêter notre vingt-cinquième anniversaire de mariage. Nous sommes tous les deux pharmaciens. Nous avons notre propre établissement. Loren en a hérité de son père. Nous avons trois enfants. Le plus jeune, Barton, est à l’université. Thora et Parish sont mariés. Ils ont tous les deux quitté le nid. Il ne reste plus que moi et Loren à la maison.

      Riley sentit une étrange nostalgie l’envahir.

      La vie de Wendy ne ressemblait pas du tout à la sienne. En fait, la vie de Wendy semblait parfaitement ordinaire.

      Comme au diner, elle eut l’impression de se regarder dans un miroir. Cette fois, ce n’était pas le passé qu’on lui montrait. C’était un futur hypothétique – la femme qu’elle aurait pu devenir, mais qu’elle ne deviendrait jamais.

      — Et toi ? demanda Wendy. Tu as des enfants ?

      Riley fut encore une fois tentée de répondre : « C’est compliqué ».

      Au lieu de ça, elle dit :

      — Deux. J’ai une fille de quinze ans, April. Et je suis en train d’essayer d’en adopter une deuxième, Jilly, qui a treize ans.

      — Une adoption ! C’est très bien. Tu as raison.

      Riley n’était pas sûre d’avoir envie qu’on la félicite. Elle aurait préféré que Jilly grandisse dans un foyer avec deux parents. Pour le moment, ce n’était pas certain. Mais Riley décida de ne pas en parler à Wendy.

      Il y avait autre chose dont elle voulait discuter avec sa sœur.

      Et elle avait peur que ce soit difficile.

      — Wendy, tu sais que papa m’a laissé le chalet dans son testament, dit-elle.

      Wendy hocha la tête.

      — Je sais, dit-elle. Tu m’as envoyé des photos. C’est un bel endroit.

      Riley n’était pas certaine de la formulation…

      « Un bel endroit. »

      Riley y était allée plusieurs fois, la dernière après la mort de son père, mais elle n’en gardait pas de bons souvenirs. Son père s’y était retiré avec sa retraite de colonel des US Marines. Ce n’était que la maison d’un vieillard aigri et solitaire qui détestait tout le monde et que tout le monde détestait en retour. La dernière fois que Riley l’avait vu vivant, ils en étaient même venus aux mains.

      — Je crois que c’est une erreur, dit-elle.

      — Quoi ?

      — De me laisser le chalet. Il n’aurait pas dû faire ça. C’est toi qui devrais l’avoir.

      Wendy eut l’air surpris.

      — Pourquoi ?

      Des émotions nauséabondes tournaient dans le ventre de Riley. Elle se racla la gorge.

      — C’est toi qui étais avec lui à l’hôpital quand il est mort. Tu t’es occupée de lui. Tu t’es aussi occupée de tout le reste : la sépulture, le testament… Je n’étais pas là. Je…

      Elle s’étouffa sur les derniers mots.

      — Je n’aurais pas pu m’en occuper. On ne s’entendait pas.

      Wendy sourit tristement.

      — Je ne m’entendais pas plus avec lui.

      Riley savait que c’était vrai. Pauvre Wendy… Papa l’avait battue avec acharnement jusqu’à ce qu’elle fugue à l’âge de quinze ans. Pourtant, Wendy avait eu la décence de s’occuper de leur père

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