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      — Et cette affaire a été classée. Je ne sais pas si elle sera un jour résolue. J’en doute. Au bout de vingt-cinq ans, la piste n’est plus de la première fraîcheur. Un homme a tué trois jeunes femmes et il doit être encore en liberté.

      L’agent Paige laisse ces derniers mots faire leur petit effet.

      — C’est tout pour aujourd’hui, dit-elle enfin. Vous savez ce que vous devez lire pour la prochaine fois.

      Les étudiants quittèrent l’amphithéâtre. Lucy décida de rester quelques instants pour discuter avec son mentor.

      L’agent Paige lui sourit et dit :

      — Très bon travail.

      — Merci, répondit Lucy.

      Elle était très contente. Même le plus petit compliment de Riley Paige valait de l’or.

      Puis l’agent Paige dit :

      — J’aimerais que tu essayes quelque chose de plus difficile. Ferme les yeux.

      Lucy s’exécuta. D’une voix grave, l’agent Paige lui donna plus de détails.

      — Après avoir tué Tilda Steen, le meurtrier l’a enterrée dans une tombe peu profonde. Peux-tu me décrire comment ça s’est passé ?

      Lucy essaya de se glisser dans l’esprit du tueur.

      — Il a laissé le corps sur le lit, puis il est sorti de la chambre, dit Lucy à voix haute, dit Lucy. Il a regardé aux alentours pour être sûr qu’il n’y avait personne. Il n’y avait personne. Il a emporté le corps vers la voiture et l’a jeté dans le coffre. Il a roulé jusqu’à une région boisée. Un endroit qu’il connaissait, assez loin de la scène de crime.

      — Continue, dit l’agent Paige.

      Les yeux fermés, Lucy sentait que le tueur était froid et méthodique.

      — Il s’est garé à un endroit où on ne le verrait pas depuis la route. Puis il a sorti une pelle de son coffre.

      Lucy hésita quelques instants.

      C’était la nuit. Comment le tueur avait-il fait pour s’orienter dans la forêt ?

      Ce n’était pas facile de porter à la fois une lampe électrique, une pelle et un corps.

      — C’était la pleine lune ?

      — Oui, confirma l’agent Paige.

      Lucy se sentit rassérénée.

      — Il a ramassé la pelle d’une main et il a jeté le corps sur son épaule de l’autre. Il s’est avancé dans les bois, puis il s’est arrêté à un endroit où il était sûr que personne ne le verrait.

      — Un endroit éloigné de la route ? demanda l’agent Paige, interrompant la rêverie de Lucy.

      — J’en suis certaine.

      — Ouvre les yeux.

      Lucy s’exécuta. L’agent Paige était en train de ranger ses affaires. Elle dit :

      — En fait, le tueur a emporté le corps dans les bois, en face du motel, de l’autre côté de l’autoroute. Il n’a fait que quelques mètres. C’est un lampadaire qui l’éclairait et il voyait certainement les phares des voitures sur l’autoroute. Il a enterré Tilda Steen sous des cailloux, sans faire très attention. Quelques jours plus tard, un cycliste qui passait par là, sentant l’odeur, a appelé la police. Ils n’ont eu aucun mal à trouver le corps.

      Lucy resta bouche bée.

      — Il n’a même pas essayé de cacher le cadavre ? demanda-t-elle. Je ne comprends pas.

      En refermant sa mallette, Riley sortit de l’amphithéâtre, Lucy sur ses talons. Lucy crut détecter de l’amertume et de la déception dans la démarche de son mentor.

      L’agent Paige essayait de ne rien laisser paraître, mais cette affaire classée la hantait.

      CHAPITRE DEUX

      Pendant le diner, Riley Paige eut bien du mal à chasser de son esprit le tueur aux allumettes. Elle avait choisi cette affaire classée comme exemple dans sa classe parce qu’elle savait qu’elle en entendrait bientôt parler.

      Elle tourna délibérément ses pensées et son attention sur le délicieux ragoût guatémaltèque que Gabriela leur avait mitonné. La bonne était une très bonne cuisinière. Riley espéra que Gabriela ne remarquerait pas qu’elle était de mauvaise humeur. Evidemment, les filles, elles, le remarquèrent.

      — Qu’est-ce que t’as, maman ? demanda April, la fille de Riley qui était âgée de quinze ans.

      — Y a quelque chose qui va pas ? renchérit Jilly, la gamine de treize ans que Riley espérait adopter.

      En bout de table, Gabriela se tourna vers Riley avec inquiétude.

      Riley ne sut que dire. Elle savait qu’elle allait recevoir le lendemain un coup de téléphone qui lui rappellerait le tueur aux allumettes. C’était un coup de téléphone qu’elle recevait chaque année. Il était inutile d’essayer de l’oublier.

      Mais elle n’aimait pas ramener son travail à la maison. Parfois, elle mettait sa famille en grand danger.

      — Ce n’est rien, répondit-elle.

      Elles mangèrent en silence pendant quelques minutes. Enfin, April dit :

      — C’est papa ? Ça te dérange qu’il ne soit pas à la maison, ce soir ?

      La question prit Riley par surprise. Les absences répétées de son mari la dérangeaient bel et bien. Ils avaient fait beaucoup d’efforts pour se réconcilier après un divorce difficile. Maintenant, tout cela paraissait vain. Ryan passait de moins en moins de temps à la maison.

      Cependant, ce n’était pas à lui qu’elle pensait en ce moment.

      Qu’est-ce que cela voulait dire ?

      Cela signifiait-il qu’elle avait baissé les bras ?

      Avait-elle renoncé à Ryan ?

      Les deux filles et la bonne la regardaient toujours, comme dans l’attente d’une réponse.

      — C’est une affaire, dit Riley. Ça me perturbe toujours à cette époque de l’année.

      Jilly écarquilla les yeux avec excitation.

      — On veut savoir !

      Riley se demanda ce qu’elle pouvait leur dire. Elle ne voulait pas raconter des détails sordides à sa famille.

      — C’est une affaire classée, dit-elle. Une série de meurtres que ni la police, ni le FBI n’a pu résoudre. Cela fait des années que j’essaye de comprendre.

      Jilly sautillait presque sur sa chaise.

      — Comment tu vas faire pour trouver le tueur ?

      La question piqua Riley.

      Bien sûr, Jilly n’avait pas voulu la blesser. Au contraire, la jeune fille était très fière d’avoir pour tuteur un agent du FBI. Elle prenait Riley pour un super-héros qui ne se trompait jamais.

      Riley réprima un soupir.

      C’est peut-être le moment de lui dire que je n’attrape pas toujours les méchants, pensa-t-elle.

      Mais elle se contenta de répondre :

      — Je ne sais pas.

      C’était la simple vérité.

      Riley n’était sûre que d’une chose.

      Le vingt-cinquième anniversaire de la mort de Tilda Steen tombait le lendemain et elle n’était pas

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